FALLS CHURCH, États-Unis : Des photos de paysages afghans décorent les murs du deux-pièces que Samim Zalmi, ancien auxiliaire de l'administration américaine, partage avec sa femme et ses enfants, en Virginie. Des souvenirs de son pays natal, dans ce qu'il appelle désormais sa "deuxième maison", les Etats-Unis.
Samim Zalmi, 35 ans, a atterri il y a trois ans près de Washington avec sa femme Zarifa et sa fille, quatre ans à l'époque, grâce au visa spécial pour immigrant, réservé aux Afghans ayant travaillé pour les Etats-Unis. "Les jeunes générations doivent reconstruire notre propre pays. Notre pays a besoin de nous. Mais malheureusement, à cause de la sécurité... nous devons partir", explique-t-il à l'AFP dans son appartement bien rangé, dans le nord de l'Etat de Virginie.
Alors que l'armée américaine se retire du pays après 20 ans de présence, Washington compte évacuer des milliers d'Afghans ayant travaillé pour elle, notamment comme interprètes. Mais les procédures peuvent être longues et des voix appellent l'administration Biden à agir vite, face aux craintes de représailles des talibans, qui gagnent de plus en plus de territoire. La semaine dernière, plus de 200 Afghans et leurs familles ont atterri à l'aéroport international de Washington Dulles.
«Personne ne me comprenait»
Une histoire familière pour Samim Zalmi, qui travaillait comme caméraman pour l'Otan et l'USAID, l'agence américaine d'aide internationale, mais a fini par déposer un dossier de demande de visa quand les menaces des talibans contre lui et sa famille ont monté d'un cran.
Ne plus exercer le travail qu'il aimait -- et pour lequel il avait été décoré par le gouvernement afghan -- et apprendre l'anglais, tout en maintenant à flot sa famille, a ressemblé à un vrai combat. Samim Zalmi a pu relever le défi, grâce à des aides gouvernementales américaines, des compatriotes afghans et des inconnus devenus ses amis.
"Au début, c'était difficile de penser que c'était ma deuxième patrie", explique-t-il. Le choc de l'exil fut si fort qu'au bout de deux mois, le couple a voulu rentrer en Afghanistan, où il vivait avec la mère de Samim, désormais veuve à cause du Covid, et ses frères et soeurs. Parmi eux, son frère jumeau, confondu avec Samim et désormais à son tour menacé par les talibans.
Pourtant, Samim a déjà perdu des membres de sa famille dans des attaques. "Si je meurs là-bas, les gens me connaissent. Mais si je meurs ici, personne ne me connaît", explique-t-il. La barrière de la langue a été l'obstacle le plus difficile.
"Personne ne me comprenait quand je parlais. Ma femme ne parlait pas anglais, ma fille non plus", raconte-t-il, pendant que sa fille, maintenant âgée de 7 ans, parle un anglais impeccable en jouant avec son petit frère sur les tapis afghans qui recouvrent le salon.
Repasser derrière la caméra
Mais des amis afghans l'ont convaincu de rester et l'ont aidé à démarrer comme chauffeur, sur des applications comme Uber ou Lyft, notamment en lui vendant une voiture à crédit.
Sur les routes, il s'est fait de nouveaux amis. Comme cette passagère et sa famille qui l'ont aidé à maintenir la tête hors de l'eau à la naissance de son fils, resté hospitalisé un mois. Ces amis américains l'ont aidé financièrement pour le loyer et les dépenses de santé, très chères aux Etats-Unis.
Aujourd'hui, Samim Zalmi possède deux voitures et a pris de l'assurance, au volant d'une élégante Honda, dont le coffre est garni de tapis afghans. Mais il préférerait être derrière une caméra, plutôt qu'un volant.
"J'aimerais toujours atteindre mon objectif. Etre le roi de la caméra à (Washington) DC. Cela arrivera peut-être un jour. Tout est possible quand on est patient et qu'on travaille dur", affirme-t-il.
Pendant qu'il conduit, il se dit aussi qu'il sera prêt à aider les nouveaux Afghans qui arrivent. "S'ils ont besoin d'un coup de main, je le ferai ... comme d'autres l'ont fait pour moi", promet-il. "Et je leur dirai : +bienvenue, bienvenue aux Etats-Unis+".