JUBA: Vice-président du Soudan du Sud et frère ennemi du président Salva Kiir, Riek Machar est un leader rebelle historique, dont les retournements d'alliances ont façonné l'histoire sanglante du pays et qui est aujourd'hui menacé d'éviction de son parti par une faction rivale.
Son sourire marqué des dents du bonheur et son éloquence ont un temps séduit nombre de responsables de la communauté internationale. Mais au Soudan du Sud, où sa versatilité a nourri les heures les plus sombres de la courte histoire du pays, il suscite la méfiance.
Né en 1953 dans l'État pétrolifère de l'Unité, Riek Machar est issu d'une branche de la communauté nuer, la deuxième plus importante du pays, dont il ne porte toutefois pas la traditionnelle scarification sur le front.
Titulaire d'un diplôme d'ingénieur à Khartoum et d'un doctorat de l'université britannique de Bradford, il prend les armes en 1983 quand éclate la seconde guerre civile opposant le Nord et le Sud du Soudan.
Il rejoint alors, suivi par de nombreux Nuer, les rangs de la rébellion de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), jusqu'alors essentiellement constituée de Dinka, l'ethnie majoritaire dans le sud du Soudan.
Il s'oppose à son chef, John Garang, et à ses proches, dont Salva Kiir, et tente un putsch en 1991.
La rébellion se divise sur des lignes ethniques. Riek Machar est accusé d'avoir ordonné cette année-là le massacre par ses troupes de milliers de Dinka à Bor, ce qui déclenchera un cycle de violences entre les deux communautés.
Riek Machar crée un groupe rival, qui s'allie au Nord. Ses troupes servent alors de supplétifs contre la SPLA... qu'il réintègrera finalement au début des années 2000.
Quand un accord de paix est signé entre Khartoum et les rebelles sudistes en 2005, Machar est nommé vice-président de la région autonome du Sud-Soudan.
Il gardera ce poste en juillet 2011 lorsque le Soudan du Sud devient indépendant. Salva Kiir, un Dinka, occupe la présidence, tandis que Riek Machar représente l'ethnie nuer au sommet du pouvoir.
Trois fois vice-président
Sa rivalité avec Salva Kiir ressurgit quand il manifeste son intention de se présenter à l'élection présidentielle de 2015.
Le 23 juillet 2013, M. Kiir le limoge, ainsi que l'ensemble du gouvernement.
Début décembre 2013, Riek Machar dénoncera publiquement l'attitude "dictatoriale" du président. Quelques jours plus tard, le gouvernement affirmera, lui, avoir déjoué une tentative de coup d'État.
L'escalade mènera à une guerre civile, émaillée de nouveaux massacres entre Dinka et Nuer.
Trois ans plus tard, en 2016, M. Machar est pourtant de retour dans un gouvernement d'union, une nouvelle fois en tant que vice-président, dans le cadre d'un accord de paix qui s'effondrera trois mois après sa prestation de serment.
Les affrontements reprennent en juillet 2016. Riek Machar fuit Juba à pied et s'exile dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) voisine. Le pays replonge dans la guerre.
Il n'y reviendra qu'en 2018 après un nouvel accord de paix, dit "revitalisé", qui met fin officiellement aux hostilités et prévoit un partage du pouvoir avec Salva Kiir.
Après de nouvelles et interminables négociations, il prête serment en février 2020 en tant que vice-président, pour la troisième fois.
Cette nouvelle, fragile cohabitation a jusqu'à présent tenu. "Nous nous parlons", assurait en juillet le président Kiir à la télévision kényane: "Nous ne sommes plus aussi proches qu'avant, simplement parce qu'il est imprévisible. Mais ces derniers temps, il a été bon".