PARIS : La pandémie a rendu plus "locale" la consommation des produits de luxe dans le monde, mais sans pénaliser les bénéfices des géants du secteur, qui dépassent leurs niveaux la crise, grâce notamment aux États-Unis.
Le géant du luxe LVMH a annoncé lundi avoir dépassé ses ventes semestrielles d'avant-pandémie de 11% à 28,7 milliards d'euros pour un bénéfice net de 5,3 milliards (+64% par rapport à 2019).
Dans la foulée, son concurrent historique Kering a lui aussi communiqué un niveau record de ventes à 8 milliards d'euros pour la première moitié de l'année (+8,4% comparé à l'avant-Covid 19) alors que le troisième grand groupe français, Hermès dépasse les 4 milliards d'euros (+29%). Tous deux réalisent plus d'un milliard d'euros de bénéfices, dépassant les attentes.
Les Français ne sont pas les seuls: le suisse Richemont (Cartier, Piaget, Montblanc...) connaît le même succès avec un vif rebond pour son premier trimestre décalé à 4,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires (+18% par rapport à 2019), tandis que l'italien Prada a dépassé ses ventes semestrielles de 8% par rapport à 2019.
Ce sont les classes "moyennes supérieures, riches et ultra-riches, préservées par la crise" qui, comme au premier trimestre, ont continué de dépenser leurs économies dans les produits de luxe, faute de pouvoir voyager ou fréquenter des restaurants, dit Arnaud Cadart, gérant de portefeuilles chez Flornoy.
La clientèle chinoise, "qui représente 35 à 40%" de la clientèle du secteur, "est toujours un moteur important", souligne-t-il. L'impossibilité de voyager, comme partout ailleurs, a cependant recentré cette clientèle sur son marché local aux dépens du marché européen.
Rebond «violent» aux États-Unis
"Ce qui a surpris, ce n'est pas tellement la reprise en Chine, mais la violence du rebond aux Etats-Unis", explique Erwan Rambourg, analyste et auteur de "Future Luxe: what's ahead for the business of luxury".
Par rapport aux rebonds des crises précédentes, 11-Septembre ou crise financière de 2008, "le sentiment de culpabilité, cette idée qu'il est inapproprié d'acheter du luxe, s'est évanoui", note-t-il. "Il y a une jeune génération aux États-Unis plus décomplexée par rapport à l'achat du luxe" en particulier au sein des minorités afro-américaine, hispanique et asiatique, explique-t-il.
"On voit aux États-Unis une reprise très forte de l'activité de nos clients fidèles et à la fois une nouvelle clientèle qui vient grâce au digital", a confirmé le gérant de Hermès Axel Dumas, lors d'une conférence téléphonique. Par rapport à 2019, les ventes du groupe aux États-Unis ont bondi de 25%.
Pour Thomas Chauvet, analyste de Citigroup, "l'impact psychologique" des mesures de soutien du gouvernement américain avec les aides financières et des "effets de richesse avec la hausse des indices boursiers", ces derniers mois, n'est pas étranger à ce rebond.
Quant à l'Europe, certes pénalisée par l'absence de touristes, surtout asiatiques, qui généraient la moitié du chiffre d'affaires du secteur, elle subit une baisse d'activité moindre qu'attendu, grâce à un retour de la clientèle locale. "Les Européens avaient en bonne partie déserté ce marché", mais cette année, cette tendance a été inversée, selon Arnaud Cadart.
"A la surprise générale, les marques se rendent compte qu'en stimulant la clientèle locale", en la séduisant notamment via les réseaux sociaux, "les Françaises, les Italiennes, les Espagnoles sont plus présentes qu'espéré" selon Erwan Rambourg.
"Il y a une très forte croissance de la clientèle locale, même si ces marchés restent tributaires du tourisme", analyse-t-il.
Selon Thomas Chauvet, "le rebond de la demande locale ne compense cependant pas la perte des touristes".
Mais le secteur du luxe, assure Erwan Rambourg, devrait "rester dominé par les achats locaux pendant encore au moins un an".