HONG KONG : Deux fois par jour, l'aéroport de Hong Kong déserté en raison de la pandémie de Covid-19, s'emplit des adieux larmoyants de ceux qui quittent l'ex-colonie britannique pour une nouvelle vie à l'étranger, effrayés de sa reprise en main brutale par Pékin.
Beaucoup de résidents de cette ancienne colonie britannique choisissent de s'exiler au Royaume-Uni. Dans un aéroport habituellement désert en temps de pandémie, les comptoirs d’enregistrement avant les vols pour Londres sont saturés par une foule de passagers emportant autant de bagages que leurs billets le permettent. L'émotion et la tristesse sont palpables au moment des adieux avec ceux qui restent dans le centre financier britannique. Une famille emporte son cuiseur de riz, une autre des nouilles aux crevettes qui lui rappelleront sa patrie.
Serrant dans sa main son passeport britannique d'outre-mer - BNO, document hérité de la rétrocession à la Chine en 1997 - Hanson, 43 ans, employé dans le secteur des médias, explique avoir commencé à planifier son départ après avoir vu des images de la police frappant des manifestants dans une rame de métro lors des rassemblements pro-démocratie il y a deux ans.
Les manifestations sont désormais presque toutes interdites à Hong Kong, Pékin menant une vaste campagne de répression contre toute dissidence, bâillonnée par une loi sur la sécurité nationale drastique. "Hong Kong va beaucoup me manquer, mais la situation s'est dégradée trop vite donc il faut que je parte", dit Hanson.
Le gouvernement ne fournit pas de statistiques sur le nombre de résidents qui quittent définitivement la ville. Selon les chiffres de l'immigration, le nombre de départs nets de résidents a augmenté tout au long de l'année avant d'atteindre un pic ces dernières semaines.
En juillet, environ 1.500 Hongkongais en moyenne quittaient l'aéroport chaque jour, contre 800 environ au cours du premier semestre de l'année, et ce malgré la pandémie qui limite les voyages internationaux. Nombre d'entre eux saisissent l'opportunité d'immigrer offerte par l'ancienne puissance coloniale britannique aux détenteurs de passeports spéciaux britanniques "BNO", et à leurs proches.
La Grande-Bretagne s'attend à ce que quelque 300.000 Hongkongais s'y installent, avec une partie de leurs avoirs, au cours des trois prochaines années, dont 150.000 rien que cette année. Un taux de départs plus important qu'avant la rétrocession à la Chine en 1997.
Les demandes de passeports BNO ont explosé et les retraits du fonds de pension obligatoire de la ville ont également atteint des sommets. Le gouvernement pro-Pékin de Hong Kong a balayé ces départs d'un revers de main.
"Ceux qui ont décidé de partir, c'est leur choix personnel", a récemment déclaré la cheffe de l’exécutif hongkongais Carrie Lam, assurant que la ville avait un brillant avenir. Hong Kong a déjà connu des exodes notamment après la répression meurtrière des manifestation pro-démocratie sur la place Tiananmen à Pékin en 1989 et à l'approche de la rétrocession en 1997.
Lorsque leurs craintes ne se sont pas réalisées, les familles à l'époque sont revenues, mais l'imposition du modèle autoritaire chinois se fait à un tel rythme qu'il n'est pas certain que ceux qui partent aujourd'hui reviendront un jour.
Ainsi Ho, un enseignant de 45 ans, part pour le Royaume-Uni avec ses deux jeunes fils, craignant que soit imposé à Hong Kong l'enseignement qui a cours dans le reste de la Chine. "Je dois préparer des quizz sur la loi de sécurité nationale pour mes élèves", a-t-il expliqué à l'AFP. "Si mes enfants continuent à aller à l'école ici, ils subiront un lavage de cerveau".
Cette semaine, des principaux d'écoles secondaires ont adressé une lettre ouverte à Carrie Lam, l'avertissant qu'ils étaient en train de perdre des enseignants et fonctionnaires de talent. "Écoutez sérieusement les Hongkongais pour découvrir pourquoi ils partent", ont-ils écrit. Kin, employé dans l’informatique de 27 ans, est venu accompagner à l'aéroport un vieil ami de lycée.
"Je suis triste de voir partir un de mes amis les plus chers, mais je suis aussi soulagé parce qu'au moins, il peut respirer l'air de liberté", a-t-il confié à l'AFP. "Cela me pousse à me demander si je ne devrais pas partir moi aussi", a-t-il ajouté.