PARIS : Pass sanitaire étendu par la loi, vaccination à tour de bras, rappel des gestes barrières: au coeur des vacances d'été, la France cherche à freiner l'explosion des cas de Covid-19 due au variant Delta et, surtout, à éviter qu'elle ne touche l'hôpital.
L'adoption de telles mesures est "urgente", selon Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique qui guide le gouvernement. "Le retour à la normale, c'est pas maintenant, peut-être 2022 (ou) 2023" seulement, a-t-il dit vendredi sur BFM TV.
Environ 4.500 le 9 juillet, 10.900 le 16 juillet, 22.000 désormais: d'une semaine à l'autre, le nombre de cas quotidiens fait plus que doubler à cause du variant Delta. "On arrivera aux 50.000 cas probablement début août", a prévenu le Pr Delfraissy.
"Pour la première fois depuis 15 semaines", la hausse des cas s'accompagne "d'une augmentation nette du taux d'hospitalisations (+55%) et du nombre de patients admis en services de soins critiques (+35%)", a mis en garde l'agence sanitaire Santé publique France (SPF) dans son rapport hebdomadaire.
Même si bon nombre des nouveaux cas concernent des populations jeunes, "il n'est pas possible de laisser courir le virus" pour atteindre l'immunité collective, a expliqué lors d'un point presse Laetitia Huiart, directrice scientifique chez SPF.
Pour faire barrage à Delta qui est "extrêmement contagieux", il faut "encourager fortement la vaccination afin d'éviter une forte hausse des patients hospitalisés et d'éventuelles tensions hospitalières", a-t-elle ajouté.
Une proportion importante de personnes âgées (surtout les plus de 80 ans autonomes) ou fragiles ne sont pas encore vaccinées (plus de 5 millions de personnes à risque, selon l'assurance maladie), ont déploré les experts de SPF.
L'Assemblée a voté, au tour du Sénat
Le Premier ministre, Jean Castex, en déplacement à Vesoul, a appelé à déployer "avec une rapidité et efficacité maximales" la stratégie définie le 12 juillet par Emmanuel Macron, consistant à "amplifier la campagne de vaccination et à déployer le pass sanitaire".
L'extension controversée de ce pass (vaccination ou test négatif) qui sera très bientôt exigé dans les bars, restaurants et grands centres commerciaux, ainsi que l'obligation vaccinale pour les soignants ont été votées par 117 voix pour et 86 contre, à l'Assemblée nationale au terme d'une nuit blanche de débats intenses.
Le projet de loi est désormais passé au Sénat, avant une adoption espérée par le gouvernement avant la fin du week-end.
Outre la droite républicaine, le pass suscite l'opposition d'une certaine frange de la population, au nom du respect des libertés individuelles: une nouvelle manifestation est prévue samedi à Paris, place du Trocadéro.
Plusieurs syndicats ont dénoncé comme "une atteinte à la liberté de travailler", les dispositions prévoyant d'aller jusqu'à un licenciement pour des salariés et agents publics refusant de se soumettre au pass sanitaire.
Ce document, déjà obligatoire depuis mercredi dans les lieux culturels et de loisirs, va être étendu début août aux bars et restaurants ainsi qu'aux transports (avions, trains, autocars long courrier) et à tous les établissements de soin puis fin août à leurs salariés.
En attendant, l'annonce de son extension par M. Macron a donné un coup de fouet à la vaccination: 58% de la population (39 millions de personnes) ont aujourd'hui reçu au moins une dose (et 48% sont complètement vaccinés), contre respectivement 53% et 40% le 10 juillet.
"situation de foule"
Mais la vaccination ne fera pas tout: dans un "contexte de contamination très large, il faut revenir aux mesures barrières simples", a insisté le Pr Delfraissy, en conseillant le masque même aux vaccinés "dans une situation de foule" et les lieux mal ventilés. Selon lui, on pourrait par ce biais "gagner probablement 20% en termes d'hospitalisations".
Il a également jugé "dangereux" en termes épidémiques de fréquenter les boîtes de nuit, rouvertes début juillet.
Dans l'Est, Vosges et Doubs, deux foyers de contaminations partis de discothèques ont été identifiés avec, à chaque fois, plusieurs dizaines de personnes touchées.
Pour renforcer la prévention, le président de l'organisation patronale Umih Nuit, Thierry Fontaine, a prôné un test d'une validité réduite à 12 heures au lieu du "test PCR ou antigénique de 48 heures" demandé actuellement.
SPF a confirmé avoir observé pour la semaine du 12 au 18 juillet "une forte hausse du nombre de cas ayant fréquenté des lieux de rassemblements, notamment les bars": +192% en une semaine avec 1.532 cas.
A côté de la vaccination et des gestes barrière, SPF a lancé un appel pour maintenir un traçage strict des cas contacts et un isolement draconien des personnes présentant des symptômes.