PARIS: Vous êtes plutôt "sans nitrite", "meilleure rémunération" des agriculteurs, "fabriqué en France" ou les trois? Les emballages de produits alimentaires se chargent de toujours plus de promesses vertueuses, au risque de renforcer l'embarras et la méfiance des consommateurs.
Dans tous les rayons, les emballages se couvrent de drapeaux tricolores et de mentions comme "cuisiné dans nos ateliers vendéens", sans que les matières premières agricoles viennent forcément de France.
"La créativité des fabricants pour faire croire que leurs produits sont français et déclencher l'acte d'achat (pour des aliments souvent plus chers) est sans limite", déplore l'ONG Foodwatch.
«Arbres de Noël»
"La surenchère de promesses est à la fois révélatrice de la situation d'hyperchoix et de la difficulté de faire percevoir des différences pour les marques", explique Fabienne Chameroy, maître de conférences spécialisée en gestion de la marque et du label, à l'université d'Aix-Marseille.
"Il y a parfois cinq, six, sept logos sur un paquet de coquillettes", remarque Frédéric Nicolas, directeur d'études sur le comportement d'achat des consommateurs, à l'institut Iri.
Cela fait "trop d'infos dans un contexte où depuis plus d'un an (avec la pandémie de Covid-19) les courses sont plus rapides, le consommateur a encore moins de temps pour s'arrêter et regarder ce que le produit raconte", poursuit-il.
Composition, origine, conditions de fabrication... "Le besoin de comprendre ce qu'on mange n'a jamais été aussi fort", constate M. Nicolas.
Résultat: "Les industriels veulent expliquer, les emballages sont de plus en plus bavards" mais "les consommateurs ne comprennent rien et ne les croient pas" dans un contexte de "défiance très marquée envers l'agroalimentaire".
Les marques sont tentées de légitimer leur discours par des labels, reconnus (bio, commerce équitable) ou "maisons" (comme "Cocoa Life", créé par la multinationale Mondelez qui promet un cacao "durable").
"La limite, c'est que les consommateurs n'y comprennent pas grand chose", souligne Laure Blondel, directrice conseil marques et consommation responsable, au sein du cabinet Greenflex, filiale de TotalEnergies spécialisée dans la "transition environnementale et sociétale des organisations".
"On encourage les marques à agir concrètement sur leur offre, à la transformer en profondeur, pour ensuite éventuellement se tourner vers les labels" en prêtant attention à "ne pas finir avec des emballages qui font un peu arbres de Noël".
La directrice conseil met en garde contre la tentation de lancer un produit de niche "pour cocher la case +Je suis green+ et ne rien faire sur le reste de la gamme."
L'idée d'être "dans le mieux-faisant plutôt que le mieux-disant" est aussi défendue par Estelle Dubreuil, coordinatrice nationale de l'association Fair[e] un monde équitable, à l'initiative d'une "boussole des labels" avec d'autres organisations.
"On pousse à clarifier les engagements au-delà de la communication. Sinon +Abstenez-vous+ ou +Appuyez-vous sur des vrais labels+", plaide-t-elle auprès des entreprises.
Estelle Dubreuil appelle aussi à davantage de régulation des pouvoirs publics "pour qu'on s'y retrouve", par exemple en encadrant davantage les termes. "Responsable, durable, tout ça c'est du vocabulaire marketing", balaie-t-elle.
"Toute allégation environnementale doit être explicite et précise afin de pas induire le consommateur en erreur ou semer le doute dans son esprit", rappelle le Conseil national de la consommation.