TEHERAN : Une personne a été tuée au Khouzestan lors d'une manifestation contre la pénurie d'eau qui frappe cette province du Sud-Ouest de l'Iran et à l'origine d'un mécontentement populaire que certains responsables cherchent à minimiser.
La victime a été tuée par balle vendredi soir dans la ville de Chadégan, à 70 km au sud d'Ahvaz, la capitale provinciale, écrit samedi l'agence officielle Irna. Selon Irna, le Khouzestan, qui abrite les principaux gisements de pétrole iraniens, est frappé depuis la fin du mois de mars par une sécheresse à l'origine de "tensions".
Vendredi déjà, l'agence Tasnim, avait indiqué qu'"à la suite des problèmes de pénurie d'eau au Khouzestan, les gens (avaient) organisé des rassemblements dans certaines villes" de la province. Sur les réseaux sociaux, des vidéos impossibles à authentifier circulent depuis jeudi soir montrant ce qui est présenté comme des manifestations de colère contre les autorités dans plusieurs villes de la province, comme Susangerd, Mahchahr ou Hamidiyeh, en plus de Chadégan.
Des médias en persan émettant de l'étranger ont parlé de manifestations réprimées par les forces de l'ordre jeudi soir, alors que les médias iraniens se montraient plutôt silencieux sur le sujet. Cité vendredi par Isna, le gouverneur du Khouzestan, Qassem Soleimani-Dachtaki, a affirmé que les vidéos circulant sur les réseaux sociaux étaient "des faux" utilisés par "certaines personnes (qui cherchent) à agiter la population".
Vendredi soir à Chadégan, "un certain nombre d'opportunistes et d'émeutiers ont abattu un des manifestants", a rapporté Irna samedi en citant Omid Sabripour, gouverneur par intérim du comté. Selon lui, les auteurs de l'homicide ont "cherché à agiter la population en tirant en l'air", et un "jeune habitant" a été tué, écrit Irna.
«Erreurs et décisions injustifiées»
Mais l'agence Isna, citant également M. Sabripour, donne une version différente du drame, selon laquelle les tirs ont été dirigés à la fois vers les manifestants et les force de l'ordre, et la victime est "un passant âgé de 30 ans".
Vendredi, la télévision d'Etat avait indiqué que le Premier vice-président iranien, Eshaq Jahanguiri, avait envoyé une délégation gouvernementale à Ahvaz avec l'ordre de "s'attaquer immédiatement" à la pénurie d'eau. Selon Irna, un député du Khouzestan, Abdollah Izadpanah, a mis en garde vendredi contre l'"insécurité" dans sa province à cause de la pénurie d'eau, résultat selon lui d'"erreurs et de décisions injustifiées" comme celle de transférer l'eau de rivières ou fleuves de la région vers d'autres provinces.
Pays aride, l'Iran fait régulièrement face à des épisodes de sécheresse, en particulier dans ses provinces méridionales.
Depuis le début du mois, Téhéran et de nombreuses villes d'Iran sont soumises à des coupures d'électricité fréquentes, résultat, selon le gouvernement, d'une sécheresse d'une ampleur sans précédent depuis 11 ans ayant fortement affecté les lacs de retenue des barrages hydroélectriques du pays.
Le Khouzestan abrite une importante minorité arabe. La population se plaint régulièrement d'être laissée pour compte par les autorités et de ne pas bénéficier des retombées de la manne pétrolière. La province avait été l'un des points chauds de la vague de contestation contre le pouvoir -- violemment réprimée -- de novembre 2019.
Jadis très fertile (elle fut le berceau de la civilisation élamite, qui connut son apogée au deuxième millénaire avant Jésus-Christ), la plaine du Khouzestan est régulièrement frappée par la sécheresse et par des tempêtes de sable venues d'Irak ou de la péninsule Arabique, phénomènes qui prennent de l'ampleur depuis plus d'une quinzaine d'années.
Selon les experts climat de l'ONU, l'intensité et la fréquence des épisodes de sécheresse, qui menacent notamment la sécurité alimentaire, risquent encore d'augmenter avec le réchauffement climatique, même si le monde parvient à limiter la hausse des températures à +1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle.
par Amir HAVASI