KARBALA, Irak : Ce sont des centaines de personnes qui ont manifesté vendredi dans plusieurs villes du sud de l'Irak ainsi que dans une centrale électrique gérée par le gouvernement. Ils ont dénoncé les pénuries d'électricité qui se prolongent au moment où la température monte en flèche.
« Nous demandons le retour du courant. Sinon, nous ne quitterons pas cette centrale. Nous resterons là et la forcerons à fermer », a déclaré Diaa Wady qui manifestait devant la centrale électrique d'Al-Khairat, près de Karbala.
La foule, composée en grande partie d'hommes, a encerclé et attaqué la voiture d'un fonctionnaire, brisant la vitre arrière et criant.
« Nous sommes des manifestants pacifiques venus défendre nos droits. Nous exigeons que le courant électrique soit rétabli, sinon nous camperons dans nos tentes », a lancé Sajjad Aoun Al-Kiriti, un manifestant contrarié.
Dans un pays où les températures dépassent les 50°C depuis plusieurs jours, des dizaines de personnes ont également manifesté vendredi dans d'autres villes du sud du pays, comme Maysan, Wassit et Al-Kut.
Selon le ministère de l'Electricité, les coupures de courant ont débuté la semaine dernière dans le sud avant de se généraliser au reste de l'Irak. Elles ont été provoquées par des attaques non élucidées contre les lignes électriques.
EN BREF
L'Irak importe du gaz et de l'électricité de l'Iran pour alimenter près d'un tiers du secteur de l'électricité, ravagé par les années de conflit, le manque d'entretien et la corruption.
Cependant, l'Iran a décidé le mois dernier de cesser de fournir de l'électricité à son voisin, arguant que le ministère irakien de l'Electricité lui devait plus de 6 milliards de dollars en impayés.
« Certains cherchent à déstabiliser le pays et à semer le chaos », a confié à la télévision Ahmad Moussa, porte-parole du ministère.
Le ministre de l'Electricité, Majed Hantoosh, a présenté sa démission fin juin, un jour avant que Téhéran n'annonce sa décision de réduire ses approvisionnements en électricité. Cela faisait 18 ans que le ministre irakien de l'Electricité ne parvenait pas à faire face à la saison d'été.
En Irak, les températures élevées sont souvent accompagnées de coupures de courant pendant les mois d'été. Toutefois, d'autres facteurs entrent en jeu dans la crise survenue ces derniers temps.
L'Irak se dit incapable de payer ses échéances en raison des sanctions américaines imposées aux transferts d'argent vers l'Iran et de la profonde crise financière provoquée par la baisse des prix du pétrole et par la pandémie.
Le gouvernement irakien affirme à son tour que peu de consommateurs règlent leurs factures, et que bon nombre d'entre eux s'emparent de l'électricité en branchant illégalement leurs lignes aux réseaux électriques principaux.
En effet, la recrudescence des coupures de courant révèle le fossé profond qui se creuse entre les habitants.
Si les habitants les plus aisés de Bagdad peuvent se payer des générateurs qui fonctionnent lorsque le réseau public tombe en panne, d'autres sont privés de climatisation depuis plusieurs jours.
Sadiq Sadkan, fonctionnaire, paie près de 200 dollars par mois pour bénéficier du générateur qui alimente son quartier de la classe moyenne pendant les coupures de courant. « Je suis abonné à un générateur privé, qui marche 24 heures sur 24... Il fournit de l'électricité à n'importe quel moment de la journée », explique Sadkan.
Seif Talib, un réalisateur de 29 ans qui habite à Bassora, fait son possible pour affronter la chaleur. Il planifie ainsi le tournage des scènes extérieures au printemps et reporte les scènes intérieures et le montage aux mois d'été.
Selon Talib, les coupures de courant chez lui atteignent plus de 12 heures par jour depuis la mi-juin. Sa fille âgée d'un an pleure la nuit par malaise, ce qui suscite chez lui un sentiment accru de pression. « Les températures qui dépassent les 50° sont tout à fait habituelles pour nous. Mais il faut aussi supporter les coupures de courant ? Le problème est vraiment compliqué», lance-t-il.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.