PARIS: Les chefs d'Etat du G5 Sahel doivent s'entretenir vendredi avec Emmanuel Macron, alors que la France n'a encore donné aucun détail sur la réduction de ses forces militaires dans la région, où les groupes jihadistes restent toujours aussi menaçants.
Seul le président nigérien Mohamed Bazoum se trouvera à Paris. Ses homologues tchadien, malien, burkinabé et mauritanien resteront pour leur part en visio-conférence pour une rencontre aussi attendue que discrète: la France n'a communiqué que jeudi en fin de journée sur le programme, sans aucun commentaire.
Après plus de huit ans d'engagement massif, des sommes colossales englouties et 50 soldats morts au combat, le président français avait annoncé en juin la fin prochaine de l'opération Barkhane avec une revue à la baisse des effectifs français (5.100 soldats actuellement), la fermeture de bases militaires et une réarticulation de la lutte antijihadiste autour de partenaires européens.
Et même si Paris avait à plusieurs reprises évoqué la possibilité d'un retrait, les partenaires africains ont été pris de court par cette annonce. Ils seront avides de détails sur une opération qui pourrait considérablement modifier le rapport de forces sur le terrain entre les armées régulières et les jihadistes liés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique (EI).
"Le Président Emmanuel Macron déballera tout demain", titrait jeudi à Bamako le quotidien Nouvel Horizon. "L'heure de l'explication a sonné entre Macron et ses alliés", estimait de son côté Aujourd'hui au Faso, à Ouagadougou, qui estime que le sommet "devrait être le rendez-vous de mise au point sur les i".
En principe, la réduction des effectifs français s'opérera progressivement, avec un jalon à environ 3.500 hommes d'ici un an puis 2.500 personnes d'ici 2023, a indiqué récemment à l'AFP une source familière du dossier. Les commandos d'élite de la task force française "Sabre" devraient être maintenus.
« Manque de moyens, parfois de volonté »
Mais dans cette immense région désertique largement délaissée par les pouvoirs centraux, le reste du contre-terrorisme devra être assumé par les armées de la Force conjointe du G5 Sahel, que peu d'observateurs jugent capables de relever le défi.
"La Force conjointe n'a pas donné beaucoup de résultats", relève une source travaillant avec la Force conjointe à Bamako. "L'arrivée des Tchadiens (un bataillon récemment déployé dans la zone des trois frontières, ndlr) est peut-être la seule chose qui marche réellement. Le reste, c'est du brouillon car il y a un manque de moyens et parfois de volonté".
En face, les groupes jihadistes continuent inlassablement de poser leur empreinte, s'étendent vers le golfe de Guinée, au sud, et provoquent de lourdes pertes dans les forces armées comme au sein des populations civiles.
Paris tentera pourtant de convaincre ses partenaires de la viabilité de son projet européen: elle compte beaucoup sur la task force Takuba, des troupes d'élite censées former les unités maliennes au combat et qui rassemblent aujourd'hui 600 hommes, dont la moitié de Français, et des Estoniens, des Tchèques, des Suédois et des Italiens.
Côté africain, les situations politiques sont quelque peu incertaines. Au Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno a succédé à l'âge de 37 ans à son père, tué au front en avril, sans égard pour la constitution mais avec le soutien rapide de Paris. Au Mali, la junte a enchaîné deux coups d'Etat en moins d'un an, poussant cette fois la France à suspendre sa coopération militaire avant de la reprendre tout récemment sans guère d'explication.
Au fil des discussions pourrait aussi surgir la question des négociations avec les groupes armés, que plusieurs Etats africains appellent de leurs vœux. Mais Paris exclut de discuter avec les cadres supérieurs, liés aux centrales jihadistes de l'EI et d'Al-Qaïda. La question "devra ce coup-ci être abordée. Elle n'est plus un sujet tabou", estime ainsi le quotidien Aujourd'hui au Faso.
Au même moment, un autre partenaire étranger sera sollicité : la ministre française des Armées Florence Parly est ce vendredi aux Etats-Unis pour rencontrer son homologue Lloyd Austin. Il devrait confirmer le soutien apporté par Washington dans la région -- ravitaillement en vol, transport logistique, renseignement --.