PARIS: "La solution, c'est le dialogue": l'obligation vaccinale contre la Covid-19 pour les soignants, envisagée par le gouvernement, ne fait pas l'unanimité parmi les personnels de santé, certains préférant faire rimer injection avec "pédagogie" plutôt qu'avec "coercition".
"Je ne dis pas que je ne le ferai jamais, je dis juste que je ne suis pas prête": pour Josiane, aide-soignante dans un Ehpad des Hauts-de-Seine, se faire vacciner n'est pas à l'ordre du jour et elle ne veut pas que l'on décide à sa place.
"C'est mieux de nous laisser libre et de laisser les choses se faire. Je n'ai pas confiance, je trouve qu'il (le vaccin) a été produit trop rapidement", poursuit cette quadragénaire.
Depuis une semaine, le gouvernement, des médecins, le Medef et la CFDT ont pris position en faveur de l'obligation vaccinale pour les soignants, encore trop peu vaccinés dans les Ehpad et les hôpitaux selon l'exécutif. Après un concert de soutiens, des voix discordantes commencent à émerger.
Parmi elles, celle du secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, qui a indiqué lundi qu'il n'y était "pas favorable". "Il faut voir pourquoi une partie des soignants ne veut pas se faire vacciner, il y a certainement des raisons, donc il vaut mieux discuter plutôt que d'imposer", a-t-il déclaré sur LCI.
Selon Santé Publique France (SPF), 59% des professionnels en Ehpad ou USLD (unités de soins de longue durée) ont reçu au moins une injection, 46,9% ont désormais un schéma vaccinal complet. Dans les hôpitaux, ce taux est très légèrement supérieur.
À l’échelle de la population totale, 51,2% ont reçu au moins une injection et 36,2% ont désormais un schéma vaccinal complet.
«Contre-productif»
"Dans les établissements bien organisés, où il y a eu des réunions de sensibilisation, cela se passe bien. Mais dans les établissements où le management est un fiasco, où les personnels sont à bout, il y a beaucoup plus de réticence à la vaccination", fait valoir Malika Belarbi, responsable du collectif national CGT pour l'accueil des personnes âgées.
Pour Josiane, qui assure "prendre toutes les précautions vis-à-vis des résidents" de son établissement, "la solution, n'est pas l'obligation. C'est le dialogue, c'est de venir à nous".
Rendre obligatoire la vaccination serait même "contre-productif" pour Ghislaine Sicre, présidente de Convergence Infirmière, que "la coercition dérange". "On oppose les gens les uns aux autres. C'est dangereux", ajoute-t-elle, plaidant "pour la pédagogie à 100%".
Se disant "heurtée par cette stigmatisation", elle estime qu'il faudrait alors rendre la vaccination obligatoire pour tous.
"Il faut partir du principe que c'est un choix individuel et que ça doit le rester", abonde le secrétaire général de FO-Santé, Didier Birig. Et "si l'employeur, c'est-à-dire le ministère, décide de rendre la vaccination obligatoire, on demande qu'il s'engage à ce que toutes les complications potentielles soient prises en charge car rien ne nous dit qu'il n'y aura pas de complications à terme, comme on l'a déjà vécu avec l'hépatite B".
"Se faire vacciner pour protéger les patients les plus faibles est un impératif moral et déontologique", souligne Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) qui n'en est pas moins "choqué par la communication du gouvernement". Notamment par le fait qu'elle se base, selon lui, sur des chiffres "non fiabilisés".
"On sert de pare-feu, à éloigner l'attention du public des vraies difficultés", ajoute l'infirmier.
"Ça bouge et les gens récalcitrants peuvent changer d'avis, mais c'est très lent", témoigne Christophe Trivalle, gériatre à l'hôpital Paul Brousse (AP-HP), référent vaccination de l'établissement. Or, "le seul moyen de casser la circulation des variants c'est d'arriver à avoir une couverture vaccinale suffisante, autour de 80% ce qui n'est pas évident à atteindre", insiste-t-il.
Et de s'interroger: "Peut-être que le fait de parler d'une obligation pour les soignants ou d'en parler beaucoup peut aider à les convaincre?"