AIX EN PROVENCE: Pour les jeunes de 18 à 25 ans, peu aidés par l'Etat et très dépendants de la solidarité familiale, les conséquences économiques de la crise sanitaires ont aggravé les difficultés d'accès à l'emploi et au logement, constatent les économistes.
« La Covid, c'est un gigantesque effort de solidarité des moins de 60 ans pour les plus de 60 ans », a affirmé Hakim El Karoui, du cabinet de conseil Brunswick, lors d'un débat consacré aux déséquilibres intergénérationnels aux Rencontres économiques qui se tiennent ce week-end à Aix-en-Provence.
« La jeunesse a été mise de côté pendant la pandémie » et « a fait des sacrifices pour sauver les anciens », a abondé samedi lors d'un autre débat Enrico Letta, dirigeant du Parti démocrate et ancien président du conseil italien.
La crise actuelle est venue accentuer une tendance de fond. « En 1995, les moins de 50 ans et les plus de 60 ans avaient à peu près le même patrimoine. Aujourd'hui, il y a 60% d'écart entre les moins de 50 ans et les plus de 60 ans », selon El Karoui qui en rend responsable « la bulle immobilière, notamment dans les grandes villes ».
« Un des coûts de la crise de la Covid, c'est fabriquer un gros écart intergénérationnel », a aussi estimé l'économiste Patrick Artus.
« En effet, il y a un effet direct qui est que les jeunes ont du mal à trouver du boulot et un effet indirect, c'est que les politiques monétaires expansionnistes font monter les prix des actifs.» En conséquence, « les vieux s'enrichissent et les jeunes ne peuvent plus acheter de logements ».
Les transferts publics à l'intention de tous les moins de 25 ans ont pourtant légèrement augmenté ces dernières années et s'élèvent en moyenne à 10 000 euros par personne par an, « que ce soit directement via la politique familiale ou par la dépense d'éducation », note pour sa part Hippolyte d'Albis, co-président du Cercle des économistes.
Il concède cependant que la tranche des 18-25 ne perçoit que très peu de subsides de l'Etat. En effet « 40% de la consommation de cette classe d'âge est financée par des transferts intra-familiaux » contre 30% il y a 40 ans.
Précarité étudiante
Pour Hippolyte d'Albis, la jeunesse « n'est pas dépendante de l'Etat, mais des familles », dont seules certaines peuvent subvenir aux besoins de leurs enfants majeurs. Aussi les inégalités au sein d'une même classe d'âge « au cours du temps augmentent de plus en plus » dans la société française.
C'est pourquoi cet économiste n'est « pas pour des mesures universelles pour les générations comme par exemple un revenu pour tous les jeunes » mais préconise des dépenses plus ciblées « qui permettent de corriger les inégalités au bénéfice de ceux qui au sein des générations, sont dans les situations les plus difficiles ».
El Karoui met au contraire l'accent sur les inégalités entre générations. « En 1981, les pauvres étaient majoritairement des retraités de plus de 60 ans. Aujourd'hui, le taux de pauvreté des retraités, c'est 7%. Pour la population générale, c'est 16% ».
Pour Anniela Lamnaouar, vice-présidente du syndicat étudiant Fage « la crise sanitaire a juste mis en lumière la précarité étudiante » qui « n'est pas arrivée avec la crise ».
« Au niveau de la Fage, ça fait 11 ans qu'on a des épiceries sociales et solidaires qui sont très remplies », explique-t-elle, ajoutant qu'avec la pandémie, « on a été obligé d'en ouvrir d'autres ».
Pour David Cayla, économiste à l'université d'Angers, « le problème central, c'est l'emploi. Ce que veulent les jeunes aujourd'hui, notamment ceux qui font des études, c'est de trouver du boulot », a-t-il déclaré avant une conférence donnée samedi à Aix dans le cadre beaucoup plus restreint des « Rencontres déconnomiques » organisées avec l'association des Amis du Monde diplomatique.
« Or l'Etat n'a fait aucun plan d'embauche, notamment pour les jeunes. Tout ce qu'il a fait, ce sont des mesures d'incitation, mais l'incitation ne crée pas l'emploi », d'après ce partisan d'une relance passant notamment par des créations de postes dans les services publics.