KABOUL : L'Allemagne a mis fin mardi à près de 20 ans de mission et retiré ses derniers soldats d'Afghanistan, dans un contexte de retrait intégral des troupes étrangères dirigées par les États-Unis, et au milieu de craintes que le pays ravagé par la guerre ne retombe dans l'anarchie.
La ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, a déclaré hier soir sur Twitter, que son dernier soldat a «quitté l'Afghanistan sain et sauf».
Environ 750 conteneurs de matériel ont été renvoyés en Allemagne par voie terrestre et aérienne, dont 120 véhicules et six hélicoptères, révèle-t-elle. Elle a remercié les 150 000 soldats qui ont servi en Afghanistan depuis l'éviction des talibans lors de l’invasion menée par les États-Unis en 2001.
Les troupes allemandes «peuvent être fières de cette mission», affirme Kramp-Karrenbauer.
Des responsables afghans ont déclaré mercredi que la présence allemande a été «très efficace».
Les talibans gagnent toutefois du terrain depuis le début du processus de retrait entrepris au début du mois de mai.
Le retrait devrait être complété le 11 septembre, anniversaire de l’attaque sur les tours jumelles aux États-Unis.
«Il ne fait aucun doute que leur assistance a été très efficace, particulièrement dans l’augmentation du potentiel des capacités militaires de nos troupes», a déclaré à Arab News Fawad Aman, porte-parole du ministère afghan de la Défense.
Il ajoute que les soldats allemands installés dans la région nord, en particulier dans la province de Balkh, la plus importante ville de la région, ont «aidé les forces afghanes en termes d'éducation, de mentorat, d’offensives».
«Ils se sont engagés à ce que le départ des troupes ne signifie pas la fin de l’assistance, et ils nous aideront certainement à l'avenir. Ils participaient de plus en plus dans des projets de développement régional», poursuit Aman.
Près de 60 soldats allemands ont perdu la vie au cours de la mission en Afghanistan, victimes des frappes meurtrières des talibans contre les troupes étrangères et les forces gouvernementales afghanes.
Les forces allemandes ont suscité la colère générale avec leurs raids aériens au cours des deux dernières décennies, et qui ont tué des dizaines de civils afghans, principalement dans la province du nord-est de Kunduz.
Plus de 90 civils afghans ont perdu la vie lors d'une attaque en septembre 2009, ce qui a incité l'Allemagne à offrir une compensation de 5 000 $ pour chaque individu, une somme qualifiée par l'ancien ministre afghan de l'Économie de «ridicule».
En guise de représailles après une frappe aérienne meurtrière sur Kunduz en 2016, les talibans ont effectué un attentat-suicide contre le consulat allemand à Mazâr-e Charîf, la capitale provinciale de Balkh. Un nombre de civils afghans a été tué.
Si aucun ressortissant allemand n'a été blessé, le bâtiment du consulat a été gravement endommagé.
En 2017, un camion piégé devant l’ambassade d’Allemagne a tué des dizaines d’afghans, et a contraint Berlin à suspendre sa mission diplomatique en Afghanistan.
Au sujet de «l’héritage durable» des troupes allemande dans le pays, le politologue afghan Zabihullah Pakteen explique que les habitants de Ballkh ne pensaient pas que la ville «tomberait aux mains des Talibans» en leur présence.
Revers de la médaille : les seigneurs de la guerre, convertis en entrepreneurs, sont devenus les principaux bénéficiaires de la présence allemande, confie Pakteen à Arab News.
La détérioration de la sécurité en Afghanistan, les avancées des Talibans et les pertes rapides de territoires subies par le gouvernement ont donné aux afghans le sentiment que le monde abandonne ses partenaires locaux, se désole-t-il.
En avril, la coalition a accepté sur une directive du président Joe Biden de retirer quelque 7 000 forces non américaines.
Depuis le 1er mai, les Talibans ont intensifié leurs attaques et envahi des dizaines de régions stratégiques, confisquant des armes et des véhicules blindés de l’armée afghane.
Dans le cadre d’un effort visant à arrêter les avancées des Talibans face au nombre réduit de troupes étrangères, le gouvernement assiégé du président Ashraf Ghani distribue des armes et des fonds, par l’intermédiaire de pôles régionaux. Ce programme suscite un débat depuis quelques semaines.
Mardi, le haut commandant en Afghanistan, le général Scott Miller a souligné le risque d’une guerre civile au moment où les dernières troupes américaines se préparent à quitter le pays.
Miller a déclaré que l’Afghanistan pourrait faire face à « des moments très difficiles » si ses leaders ne parviennent pas à s’unifier après le départ des troupes étrangères.
«La situation sécuritaire n’est pas du tout bonne en ce moment. La guerre civile est une voie certainement envisageable si cette trajectoire se poursuit», a-t-il affirmé aux journalistes. Ceci «devrait être une préoccupation pour le monde entier».
Contactées mercredi par Arab News, les autorités afghanes ont refusé de commenter l’avertissement de Miller.
Toutefois, Ghani a déclaré dans le passé que les forces de sécurité du pays sont «absolument capables» de contrôler les Talibans.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com