De Mao à Xi, la Chine célèbre son siècle de Parti communiste

«Pour Xi Jinping, le culte de Mao c'est une façon d'accroître l'emprise du Parti, de célébrer une philosophie de lutte sans scrupules contre les adversaires et de centraliser le pouvoir personnel». (Photo, AFP)
«Pour Xi Jinping, le culte de Mao c'est une façon d'accroître l'emprise du Parti, de célébrer une philosophie de lutte sans scrupules contre les adversaires et de centraliser le pouvoir personnel». (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 28 juin 2021

De Mao à Xi, la Chine célèbre son siècle de Parti communiste

  • Radicalement transformée par quatre décennies de réformes économiques, la Chine d'aujourd'hui n'a plus grand chose à voir avec celle de Mao
  • Si le suspense reste entier sur les festivités du 1er juillet, il ne fait guère de doute que l'actuel président prononcera un discours exaltant la continuité du régime

CHANGSHA: Gommées les "erreurs" de la période Mao et leurs millions de morts. Le Parti communiste chinois (PCC) fête jeudi son centenaire, avec un déferlement de propagande à la gloire d’une Chine devenue en 40 ans la deuxième puissance économique mondiale.

Epuration, répression, famine... Le bilan humain du fondateur de la République populaire Mao Tsé-toung, au pouvoir de 1949 à 1976, s'estompe dans la Chine de 2021, où son lointain successeur Xi Jinping s'efforce d'asseoir la légitimité historique du régime.

Si le suspense reste entier sur les festivités du 1er juillet, il ne fait guère de doute que l'actuel président prononcera un discours exaltant la continuité du régime, depuis la porte Tiananmen à Pékin d'où Mao proclama sa victoire en 1949.

A 1 600 km plus au sud, dans sa province natale du Hunan, le "Grand timonier" est quasiment divinisé pour des millions de touristes qui viennent lui rendre hommage chaque année.

Au pied d'un buste géant du défunt président à Changsha, la capitale provinciale, les jeunes visiteurs retiennent avant tout l'essor du pays sous la férule du parti au pouvoir.

"La Chine s'est développée grâce aux efforts de nos ancêtres et de cette génération de membres du Parti communiste", explique un étudiant de 23 ans, Li Peng, entre selfies et thé aux perles.

Radicalement transformée par quatre décennies de réformes économiques, la Chine d'aujourd'hui n'a plus grand chose à voir avec celle de Mao.

Pour autant, "le PCC n'est pas sur le point de mourir. C'est un parti plein de vie, les jeunes sont particulièrement patriotes et n'ont pas peur de le dire", assure le jeune Li, lui-même membre du parti au pouvoir.

 

Cinq choses qu'on NE SAIT PAS sur le Parti communiste chinois

PEKIN: Il revendique plus de 90 millions de membres mais dirige dans l'ombre la deuxième puissance mondiale. Le Parti communiste chinois (PCC), qui fête le 1er juillet son centenaire, se caractérise par son opacité.

Né dans la clandestinité, le PCC reste fidèle à ses racines marxistes-léninistes, et son fonctionnement interne se dérobe aux regards, même s'il monopolise le pouvoir et le débat public en Chine.

"La plus vaste société secrète au monde", comme le qualifie le sinologue Jean-Pierre Cabestan, vit en symbiose avec l'Etat. Difficile dans ces conditions d'évaluer son emprise sur le pays séparément de celle de l'administration: nombre de bâtiments publics abritent les organes de l'Etat et du Parti et beaucoup de fonctionnaires sont en même temps permanents du PCC.  

Quand a-t-il été fondé?

Selon l'histoire officielle, le PCC n'a pas été fondé le 1er juillet 1921 mais le 23 juillet, lors d'un premier "congrès" de 13 participants, réunis dans le plus grand secret dans l'ancienne concession française de Shanghai. Pas sûr de la date exacte, c'est le futur fondateur de la République populaire, Mao Tsé-toung, qui fixera arbitrairement 20 ans plus tard l'anniversaire au 1er juillet.

Qui est membre?

Le Parti revendique 92 millions de membres mais la liste de ces derniers n'est pas connue. Parfois, le voile se lève, comme en 2018 lorsque la presse officielle a révélé que Jack Ma, le multimilliardaire le plus célèbre de Chine, était membre du PCC.

L'organisation n'est "que" le deuxième parti politique du monde après le BJP du Premier ministre indien Narendra Modi, qui compterait 180 millions de membres.

Comment est-il financé?

Le budget du PCC n'est pas public.

Le Parti a des ressources propres, issues des cotisations de ses membres (entre 0,5% et 2% de leurs revenus). En 2016, un journal officiel avait évoqué le chiffre de 7,08 milliards de yuans (920 millions d'euros au cours actuel) pour le total des cotisations de l'année précédente.

Divisé par le nombre de membres, cela revenait à moins de 80 yuans (10 euros) par personne et par an.

Son patrimoine est tout aussi obscur. Mais le Parti est à la tête d'un empire financier et gère directement des entreprises, des hôtels ou des usines, explique à l'AFP Jean-Pierre Cabestan, de l'Université baptiste de Hong Kong.

Quant aux salaires de ses dirigeants, l'obscurité est totale, même si les cadres du Parti sont en principe alignés sur la grille de la fonction publique. Mais nombre d'entre eux disposent d'avantages en nature (logement et véhicule de fonctions, domestiques...) qui n'apparaissent pas dans leur salaire de base. 

La question de la fortune des hauts responsables chinois est encore plus sensible et les médias étrangers qui s'y sont risqué en 2012 ont été sanctionnés par le régime.

En Chine même, le militant anti-corruption Xu Zhiyong, qui réclamait la transparence sur le patrimoine des dirigeants, a été condamné en 2014 à quatre ans de prison.

Des réunions secrètes

Les grandes messes publiques du Parti, comme son Congrès quinquennal, s'achèvent systématiquement sur l'adoption des décisions à la quasi-unanimité. 

Mais en amont, les réunions du Comité central (200 membres) et du Bureau politique (25 membres) se déroulent à huis clos, la télévision nationale se contentant de retransmettre en voix off les monologues du secrétaire général Xi Jinping. Les débats, s'il y en a, ne sont pas rendus publics, pas plus que les résultats des votes éventuels.

Les tensions au sein de l'appareil peuvent pourtant être vives, comme l'a montré en 2012 l'élimination de l'étoile montante du régime, Bo Xilai, rival de Xi Jinping.

Par contraste avec les déchirements des démocraties occidentales, "dissimuler les tensions internes permet au PCC de présenter une façade d'acier face à ses ennemis et à ceux de la Chine", comme l'explique M. Cabestan. 

Combien de victimes?

A l'étranger, la plupart des spécialistes de l'histoire chinoise évaluent entre 40 et 70 millions le nombre de personnes décédées du fait de la politique du Parti depuis son arrivée au pouvoir en 1949 (épuration, famine entraînée par le "Grand bond en avant", répression au Tibet, "Révolution culturelle", massacre de Tiananmen, etc). 

«Vision correcte» de l'histoire

Cent ans après la fondation clandestine du mouvement dans l'ex-concession française à Shanghai en juillet 1921, le président Xi insiste régulièrement sur la nécessité d'enseigner "une vision correcte" de l'histoire du Parti.

Une campagne qui se traduit par une vogue du "tourisme rouge" dans les hauts lieux de la révolution chinoise, par des films ou des séries télévisées à la gloire des pionniers du communisme.

La version désormais enseignée est fortement expurgée dans la dernière édition de l'histoire officielle du Parti, où les 10 années de violence politique de la "Révolution culturelle" (1966-76) n'ont droit qu'à trois pages.

Exit aussi la Grande famine (1958-62) et ses dizaines de millions de morts consécutifs au "Grand bond en avant", une campagne de développement économique à marche forcée. Le livre ne s'y arrête qu'en passant en évoquant une "catastrophe naturelle".

En revanche, les accomplissements du régime depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping fin 2012 occupent un quart de l'ouvrage.

Cette réécriture historique "vise à renforcer l'image de Xi Jinping en recentrant le Parti autour de lui", relève le sinologue Carl Minzner, de l'Université Fordham aux Etats-Unis.

Les mêmes erreurs?

Dans les médias inféodés au pouvoir, la critique du passé est qualifiée de "nihilisme historique" et promptement coupée par la censure.

"Débattre de l'ère maoïste est impossible en Chine aujourd'hui", résume l'historienne Julia Lovell, de l'Université de Londres. 

"Pour Xi Jinping, le culte de Mao c'est une façon d'accroître l'emprise du Parti, de célébrer une philosophie de lutte sans scrupules contre les adversaires et de centraliser le pouvoir personnel", observe-t-elle.

Cela "ne colle pas vraiment avec la Chine d'aujourd'hui, qui s'est tellement transformée depuis Mao".

Loin du collectivisme maoïste, la Chine compte aujourd'hui le record du monde du nombre de milliardaires en dollars, devant les Etats-Unis, et ce pays aux inégalités criantes emprisonne régulièrement ses militants syndicaux indépendants.

Le pouvoir n'en jouit pas moins d'un large soutien populaire sur fond de croissance économique et de diminution de la pauvreté. Et même si l'épidémie de Covid-19 a fait son apparition à Wuhan (centre), l'endiguement de la contamination est mise au crédit de l'exécutif.

Mais si le régime ne reconnaît pas ses erreurs, il court le risque de les commettre à nouveau, redoutent des sinologues.

"Xi lui-même ne veut sûrement pas d'une nouvelle Révolution culturelle. Sa famille en a terriblement souffert", suppose Joseph Torigian, de l'Université Américaine à Washington.

"Mais on peut dire que ce concept du pouvoir entre les mains d'un seul homme n'a jamais disparu".


Lai Ching-te, fils d'un mineur de charbon élu président de Taïwan

D'abord député puis maire de Tainan, il devient Premier ministre de la présidente Tsai Ing-wen en 2017, puis vice-président en 2020 (Photo, X).
D'abord député puis maire de Tainan, il devient Premier ministre de la présidente Tsai Ing-wen en 2017, puis vice-président en 2020 (Photo, X).
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  • Lorsqu'il était Premier ministre, M. Lai s'est exprimé plus ouvertement que Mme Tsai sur la question de l'indépendance
  • Bien qu'il ait indiqué à la Chine être ouvert au dialogue, Lai Ching-te risque d'être rabroué

TAIPEI: Fils d'un mineur de charbon, Lai Ching-te prêtera serment en tant que président de Taïwan lundi et il lui reviendra alors de prendre en charge les relations avec la Chine, en proie à une rupture de plus en plus profonde à mesure que Pékin accroît sa pression militaire et diplomatique sur l'île autonome.

A l'inverse de la majorité de la classe politique taïwanaise, M. Lai, né en 1959, est issu d'un milieu modeste. Sa mère l'a élevé seule, avec ses cinq frères et sœurs, dans un hameau rural de Nouveau Taipei (nord), en raison du décès de son père lorsqu'il était très jeune.

Après avoir obtenu un diplôme de santé publique à l'université de Harvard aux Etats-Unis, il a d'abord travaillé comme médecin dans un hôpital de Tainan (sud-ouest).

Décrit comme pugnace et combatif, Lai Ching-te - qui se fait aussi appeler William Lai - se décide à entrer en politique en 1996, quand Pékin effectue des tirs d'essai de missiles autour de Taïwan au moment de la première élection présidentielle démocratique de l'île.

"J'ai décidé qu'il était de mon devoir de participer à la démocratie taïwanaise et d'aider à protéger cette expérience naissante de ceux qui lui voulaient du mal", avait-il témoigné l'an passé dans le Wall Street Journal.

Le futur président taïwanais figure sur la liste des 100 personnes les plus influentes de 2024 établie par le magazine Time en avril, un choix qui reflète, selon lui, "la résilience et l'unité du peuple taïwanais".

«Dangereux séparatiste» pour Pékin

D'abord député puis maire de Tainan, il devient Premier ministre de la présidente Tsai Ing-wen en 2017, puis vice-président en 2020.

Agé de 64 ans, marié et père de deux enfants, le président du Parti démocrate progressiste (PDP) s'est engagé à poursuivre la politique de Mme Tsai visant à renforcer les capacités militaires de Taïwan afin de dissuader la Chine, qui multiplie ces dernières semaines les survols d'avions aux environs de son territoire.

Son franc-parler, qu'il a modéré ces dernières années, lui attire pourtant l'ire de Pékin, qui le qualifie de "dangereux séparatiste" conduisant Taïwan sur le chemin "de la guerre et du déclin".

Lors de la campagne, M. Lai avait affirmé que l'élection était un choix entre "démocratie et autocratie", et avait promis un soutien "inébranlable" au maintien du statu quo dans le détroit de Taïwan.

Il avait aussi dénoncé "le principe chinois d'une seule Chine", car "la paix sans la souveraineté, c'est juste comme Hong Kong", ancienne colonie britannique où Pékin a imposé cette année une nouvelle loi de sécurité nationale pour réprimer toute dissidence.


Attentat contre le Premier ministre slovaque: médecins optimistes, le suspect au tribunal

Le ministre slovaque de la Défense, Robert Kalinak (C), fait un geste lors d'une conférence de presse devant l'hôpital universitaire F.D. Roosevelt à Banska Bystrica, en Slovaquie, le 18 mai 2024, où le Premier ministre slovaque, Robert Fico, est soigné après avoir reçu de «multiples coups de feu» le 15 mai. (Photo de Ferenc Isza AFP)
Le ministre slovaque de la Défense, Robert Kalinak (C), fait un geste lors d'une conférence de presse devant l'hôpital universitaire F.D. Roosevelt à Banska Bystrica, en Slovaquie, le 18 mai 2024, où le Premier ministre slovaque, Robert Fico, est soigné après avoir reçu de «multiples coups de feu» le 15 mai. (Photo de Ferenc Isza AFP)
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  • Le ministre de la Défense et vice-Premier ministre Robert Kalinak, le plus proche allié politique de M. Fico, a déclaré que le Premier ministre était conscient
  • Le suspect de la tentative de meurtre, identifié par les médias slovaques comme étant le poète Juraj Cintula, âgé de 71 ans, a tiré cinq coups de feu sur Fico mercredi et l'a touché à quatre reprises

BRATISLAVA, Slovaquie : Le pronostic concernant l'état de santé du chef du gouvernement slovaque Robert Fico après la tentative d'assassinat est «positif», a annoncé samedi la ministre slovaque de la Santé, alors que le suspect comparaissait devant un tribunal.

M. Fico est hospitalisé depuis mercredi, date à laquelle un tireur isolé lui a tiré dessus à quatre reprises, notamment dans l'abdomen.

Il a subi une opération de cinq heures mercredi et une autre de deux heures vendredi, toutes deux dans un hôpital de la ville de Banska Bystrica, dans le centre de la Slovaquie.

«L'intervention chirurgicale d'hier, qui a duré deux heures, a contribué à un pronostic positif sur l'état de santé du Premier ministre», a déclaré la ministre Zuzana Dolinkova à la presse.

«L'état de santé du premier ministre est stable, mais il reste grave», a-t-elle ajouté.

«Si le tir était parti quelques centimètres plus haut, il aurait atteint le foie du Premier ministre», a déclaré le ministre de l'Intérieur Matus Sutaj Estok à la chaîne d'information TA3.

Le ministre de la Défense et vice-Premier ministre Robert Kalinak, le plus proche allié politique de M. Fico, a déclaré que le Premier ministre était conscient.

«Je ne pense pas qu'il puisse être transporté à Bratislava dans les prochains jours, car son état est encore grave», a-t-il déclaré aux journalistes.

Dans la matinée également, le suspect de la tentative de meurtre est arrivé au tribunal pénal de Pezinok au nord-est de Bratislava, qui devrait ordonner son maintien en détention provisoire.

L'homme, identifié par les médias slovaques comme étant le poète Juraj Cintula, âgé de 71 ans, a tiré cinq coups de feu sur Fico mercredi et l'a touché à quatre reprises.

Un procureur a requis vendredi que le suspect soit placé en détention provisoire après avoir été inculpé de tentative de meurtre avec préméditation.

La fusillade s'est produite alors que M. Fico saluait ses partisans après une réunion du gouvernement délocalisée dans la ville de Handlova, dans le centre de la Slovaquie.

M. Fico est en poste depuis que son parti populiste centriste, le Smer-SD, a remporté les élections législatives à l'automne dernier.

- Tous ces mensonges -

M. Fico effectue son quatrième mandat en tant que Premier ministre après avoir fait campagne sur des propositions de paix entre la Russie et l'Ukraine, pays voisin de la Slovaquie, et sur l'arrêt de l'aide militaire à Kiev, ce que son gouvernement a fait par la suite.

La tentative d'assassinat a profondément choqué ce pays de 5,4 millions d'habitants, membre de l'Union européenne et de l'OTAN, déjà fortement divisé sur le plan politique depuis des années.

La présidente pro-occidentale sortante, Zuzana Caputova, et son successeur, Peter Pellegrini, un allié de M. Fico qui prendra ses fonctions en juin, ont appelé leurs concitoyens slovaques à s'abstenir de toute «confrontation» après la fusillade.

Ils ont convoqué une réunion de tous les chefs de partis parlementaires pour mardi afin de faire preuve d'unité à la suite de l'attentat.

M. Kalinak a toutefois laissé entendre samedi que le Smer-SD ne participerait pas à la réunion.

«Ils ont invité les chefs des partis politiques et notre président (du parti) est entre les mains des médecins», a-t-il déclaré.

M. Kalinak a ajouté qu'il appellerait Mme Caputova à ce sujet, soulignant que la Slovaquie avait besoin de «réconciliation et de paix».

Certains hommes politiques slovaques ont déjà lancé des accusations contre leurs adversaires, les accusant d'être à l'origine de l'attentat.

M. Kalinak a critiqué vendredi les hommes politiques de l'opposition et certains médias pour avoir qualifié M. Fico de criminel, de dictateur ou de serviteur du président russe Vladimir Poutine avant l'attentat.

«Tous ces mensonges sont la principale raison pour laquelle Robert Fico se bat aujourd'hui pour sa vie», a-t-il déclaré dans un message publié sur le site internet du Smer-SD.


Zelensky se prépare à une offensive plus large, les troupes russes continuent d'avancer

Cette photo prise et diffusée par les services d'urgence ukrainiens le 17 mai 2024 montre des sauveteurs évacuant des civils victimes de bombardements russes dans la région de Kharkiv. (Photo Ukraine Emergency Service AFP)
Cette photo prise et diffusée par les services d'urgence ukrainiens le 17 mai 2024 montre des sauveteurs évacuant des civils victimes de bombardements russes dans la région de Kharkiv. (Photo Ukraine Emergency Service AFP)
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  • « Ils ont lancé leur opération, elle peut être constituée de plusieurs vagues. Et ça c'est leur première vague», a assuré vendredi M. Zelensky alors que la Russie vient d'engranger ses plus grands gains territoriaux depuis fin 2022
  • L'armée russe a revendiqué vendredi la capture, en une semaine, de 12 localités dans la région de Kharkiv et affirmé que ses forces continuaient à progresser

KIEV, Ukraine : Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit s'attendre, dans un entretien exclusif à l'AFP, à une offensive russe plus large dans le Nord et dans l'Est qui viserait à prendre Kharkiv, régions où Moscou poursuit son assaut d'ampleur lancé le 10 mai.

«Ils ont lancé leur opération, elle peut être constituée de plusieurs vagues. Et ça c'est leur première vague», a assuré vendredi M. Zelensky alors que la Russie vient d'engranger ses plus grands gains territoriaux depuis fin 2022.

Il a néanmoins assuré que, malgré les avancées russes des derniers jours dans la région de Kharkiv, la situation était meilleure pour ses forces qu'il y a une semaine, lorsque les troupes du Kremlin ont franchi par surprise la frontière.

Pour lui, la Russie veut attaquer  Kharkiv (Nord-Est), deuxième ville du pays, à seulement quelques dizaines de kilomètres du front. Moscou avait déjà échoué à la prendre en 2022 et le président russe Vladimir Poutine a affirmé vendredi ne pas avoir l'intention de l'attaquer «pour l'instant».

L'offensive russe vise officiellement, selon M. Poutine, à répliquer aux frappes ukrainiennes des derniers mois en territoire russe et créer une zone tampon censée empêcher ces frappes.

Les forces de Moscou essayent de profiter du manque d'hommes et d'armes auquel est confronté l'Ukraine après deux ans de guerre.

- Près de 10.000 évacuations  -

M. Zelensky a reconnu auprès de l'AFP un manque d'effectifs. «Il y a un nombre important de brigades qui sont vides», a-t-il dit.

Face à ses carences, Kiev a voté une législation controversée, entrée en vigueur samedi, pour accélérer la mobilisation militaire avec l'abaissement de l'âge de 27 à 25 ans.

Vendredi, M. Zelensky a également signé une loi permettant de recruter des détenus en échange d'une libération conditionnelle.

Tourné vers les Occidentaux, il a déploré n'avoir qu'un quart des systèmes de défense antiaérienne dont Kiev a besoin, ajoutant avoir également besoin de 120 à 130 avions de combat F-16.

Dans la région de Kharkiv, la Russie a affirmé samedi avoir saisi le village de Staritsa près de Vovtchansk, ville située à une cinquantaine de kilomètres de Kharkiv, assurant que ses forces «poursuivent leur avancée en profondeur dans les positions défensives de l'ennemi».

Près de dix mille personnes ont été contraintes de quitter leur habitation dans la région de Kharkiv, avaient auparavant annoncé les autorités ukrainiennes.

«Au total, 9.907 personnes ont été évacuées», a déclaré samedi le gouverneur Oleg Synegoubov, précisant que les forces armées ukrainiennes avaient repoussé deux tentatives de percer les défenses au cours de la nuit.

La situation est selon lui «sous contrôle», les «défenseurs menant des assauts et des opérations de ratissage dans certaines zones».

Selon M. Synegoubov, les Russes ont «commencé à détruire Vovtchansk, en utilisant chars et artillerie». La ville, comptait quelque 18.000 habitants avant-guerre. Une centaine de personnes y sont toujours et «de violents combats» ont lieu, selon le gouverneur.

L'armée russe a souvent fini par détruire les villes ukrainiennes pour les conquérir, comme Bakhmout l'an passé ou Avdiïvka en février.

Kiev accuse Moscou d'utiliser des civils comme «boucliers humains» à Vovtchansk et d'avoir commis au moins une exécution sommaire.

- Avancée de l'ennemi -

Un peu plus à l'ouest, les forces russes ont progressé sur leur deuxième axe d'assaut dans la région.

Elles visent le village de Loukiantsi, pour ouvrir la voie vers Lyptsi, une autre localité sur la route de Kharkiv.

«Les hostilités continuent à Loukiantsi. Oui, il y a une avancée de l'ennemi dans cette localité. Mais nos soldats essayent encore de la tenir», avait affirmé le gouverneur de la région de Kharkiv.

De son côté, l'armée russe a revendiqué vendredi la capture, en une semaine, de 12 localités dans la région et affirmé que ses forces continuaient à progresser.

- «Zone sanitaire» -

Moscou a engrangé en une semaine ses plus importants gains territoriaux depuis fin 2022, avec quelque 257 km2 conquis dans la seule région de Kharkiv, selon une analyse jeudi de l'AFP à partir de données fournies par l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW).

Vendredi après-midi, Kharkiv, très régulièrement bombardée, a été touchée par de nouvelles frappes russes qui ont fait au moins trois morts et 28 blessés, selon un dernier bilan fourni par le maire Igor Terekhov dans la soirée.

A Vovtchansk, des frappes russes ont tué un homme de 35 ans et blessé un autre de 60 ans, tous deux civils, selon le Parquet régional.

A Odessa, ville portuaire du sud du pays régulièrement frappée elle aussi, un bombardement russe a fait un mort et cinq blessés hospitalisés, selon le gouverneur local Oleg Kiper.

Pour sa part, l'armée russe a dit avoir fait face à une centaine de drones lancés depuis l'Ukraine dans la nuit de jeudi à vendredi.

Le gouverneur de la région de Belgorod, Viatcheslav Gladkov, a fait état de la mort d'une mère et de son enfant de quatre ans dans le village d'Oktiabrski.

Dans la soirée, il a en outre annoncé la mort d'un homme dans le village de Novaïa Naoumovka attaqué par des drones, et d'un blessé hospitalisé.

Dans la région de Krasnodar (sud-ouest), les autorités ont affirmé que deux drones ukrainiens avaient incendié une raffinerie à Touapsé. Dans cette même région, des «infrastructures civiles» ont été touchées et ont pris feu à Novorossiïsk, port de la mer Noire.

En Crimée, péninsule ukrainienne annexée en 2014 par la Russie, la ville de Sébastopol, quartier général de la flotte russe en mer Noire, a été en partie privée de courant car une installation électrique a été endommagée, selon les autorités locales.

Enfin, dans la journée de vendredi une femme a été tuée par une frappe dans la région russe de Briansk, selon le gouverneur.