PARIS : Sursaut ou nouveau flop démocratique ? Après l'abstention historique qui a marqué le premier tour des régionales et des départementales, le second tour dimanche devrait s'inscrire "dans la continuité" et ne pas connaître de rebond spectaculaire de la participation.
A deux jours du scrutin, les instituts de sondage et les politologues ne décèlent toujours pas de signes susceptibles d'inverser la tendance.
Un électeur sur trois seulement s'est rendu aux urnes au premier tour, pour une abstention record de 67,7%, loin au-dessus des 50,09% du scrutin de 2015 et surtout du précédent pic pour des régionales en 2010 (53,67%).
"Je vois mal une mobilisation qui viendrait bouleverser le rapport de forces établi au premier tour, même s'il y a souvent un peu plus de participation au second tour qu'au premier, comme ce fut le cas en 2015", affirme Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS.
Au soir du premier tour, tous les leaders politiques ont lancé un appel à la mobilisation. Parmi eux, Marine Le Pen, dont l'électorat a particulièrement boudé les urnes, le Rassemblement national ne parvenant en tête que dans une seule région (Provence-Alpes-Côte d'Azur) contre six en 2015.
La question de la participation se pose surtout dans cette région, où le sortant LR Renaud Muselier et le RN Thierry Mariani sont au coude-à-coude pour leur duel de dimanche, après le retrait de Jean-Laurent Félizia, chef de file écologiste de l'union de la gauche, afin de barrer la route au Rassemblement national.
"Il y a deux questions en Paca : l'attitude de l'électorat de gauche (appelé à voter LR contre le RN) et si le RN a des réserves de voix", expose Bernard Sananès, président de l'institut Elabe.
Malgré ces enjeux, "nous sommes plus sur une réédition du premier tour" que sur un rebond de la mobilisation, constate Frédéric Dabi, directeur général de l'Ifop, institut qui a publié un sondage cette semaine montrant un très léger rebond de deux points de la participation à 36% pour dimanche.
Comprendre les compétences des régions
Après le fiasco au premier tour d'une campagne axée sur des sujets nationaux comme la sécurité, le débat s'est concentré sur les sujets locaux dans l'entre-deux-tours, mais sans avoir forcément des conséquences sur la participation.
"Relocalisation ne signifie pas forcément remobilisation de l'électorat", constate M. Dabi.
Reste à comprendre, à moins d'un an de la présidentielle, les raisons de cette forte abstention, proche du record absolu sous la Ve République, qui était de 69,8% lors du référendum sur le quinquennat en septembre 2000.
La crise sanitaire, comme l'an dernier lors des municipales, a sans doute dissuadé des électeurs de se rendre dans les bureaux de vote, même si son impact est difficile à évaluer.
Le gouvernement, qui a lancé une campagne de communication en vue du deuxième tour, s'est retrouvé également sur le banc des accusés, l'opposition voyant comme l'un des facteurs de l'abstention les dysfonctionnements dans l'acheminement de la propagande électorale au premier tour.
La ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa a, pour sa part, évoqué le problème de la visibilité du rôle des territoires dans le quotidien des Français.
"Ce n'est pas toujours clair pour tout le monde de savoir quelles sont les compétences des départements et des régions", a-t-elle concédé vendredi sur Europe 1.
Pour Jules Nyssen, délégué général de Régions de France, il n'y a aucun doute : "Au premier tour, l'abstention a été liée au fait que le débat politique a lieu sur d'autres sujets que les compétences régionales, des compétences d'ailleurs difficiles à voir clairement pour les citoyens".
"Tant que les gens ne comprendront pas mieux à quoi sert une région et comment cela influe dans leur quotidien, il y aura un problème d'abstention.Il faut que les niveaux de responsabilités soient mieux perçus", assure-t-il.