PARIS: Extrême droite en pole position, abstention record en vue : les Français votent dimanche, à moins d'un an de la présidentielle, pour le premier tour de leurs élections régionales, au terme d'une campagne quasi inexistante pour cause de covid.
Retardé de trois mois en raison de la crise sanitaire, le scrutin qui se tient à la proportionnelle sur deux tours, les 20 et 27 juin, vise à élire pour six ans les conseillers des treize régions de la France métropolitaine et de deux d'outre-mer, compétents dans des domaines touchant directement les citoyens, comme les transports publics, les collèges et lycées, l'aménagement du territoire.
Pourtant, il ne draine généralement pas des foules d'électeurs (près de 51% d'abstention en 2015 au premier tour) et la désaffection pourrait flamber à 60% et plus cette année, selon les anticipations de différents instituts de sondage. Ces élections seront aussi évidemment analysées comme un galop d'essai pour la présidentielle 2022.
Le Rassemblement national (RN, extrême droite) de la finaliste de la présidentielle de 2017, Marine Le Pen, a le vent en poupe, surtout que l'abstention tend à faire le jeu des extrêmes, tandis que le parti du président Emmanuel Macron, La République en marche, tout jeune et sans réelle assises territoriales n'est pas dans une posture favorable.
"Plus l'abstention monte et plus, en pourcentage des votes exprimés, les offres extrêmes sur le spectre politique ont à y gagner", note ainsi le politiste de la Sorbonne Pierre Lefébure. "Surtout le RN avec un électorat très motivé et chauffé à blanc par un matériel électoral qui met partout en avant la photo de Marine Le Pen à un an de la présidentielle", ajoute-t-il.
En face : un parti présidentiel tout jeune, dépourvu de candidats sortants, une gauche éclatée, sans leadership depuis 2017, et une droite divisée sur l'attitude à adopter face au RN.
Dans ces conditions, le Rassemblement national ambitionne bel et bien de briser le front républicain qui lui avait barré la route en 2015.
Pour la première fois, il pourrait diriger plusieurs régions, favorisé par le scrutin à la proportionnelle qui donne une prime de 25% des sièges à la liste recueillant le plus grand nombre de voix.
«Prendre des pincettes»
Il est donné en tête au premier tour dans six régions, notamment en Provence-Alpes-Côte-d'Azur où l'extrême droite est un acteur important depuis plus de trente ans.
"Ce n'est pas tant la progression en voix qui semble frappante, mais bien l'augmentation des chances de victoire du RN" par rapport aux régionales de 2015, explique Bernard Sananès, président de l'institut Elabe.
Le parti n'est plus le repoussoir qu'il fut, dans un paysage politique qui a brassé à l'envi ces derniers mois des thèmes composant son fonds de commerce - laïcité, immigration... Pour 51% des Français, une victoire du RN aux régionales ne serait pas "un danger pour la démocratie".
De quoi inquiéter Emmanuel Macron, même s'il n'est pas officiellement candidat pour 2022, il est déjà talonné par son ancienne adversaire de 2017, même s'"il faut quand même prendre d'énormes pincettes pour tirer des conclusions nationales et présidentielles des régionales", met en garde Antoine Bristielle, directeur de l'Observatoire de l'opinion à la Fondation Jean Jaurès.
En 2015, la droite et la gauche s'étaient ainsi partagé les régions mais n'avaient pas réussi à se qualifier pour le second tour de la présidentielle, 15 mois plus tard.
Et cette année le scrutin, doublé d'élections départementales, s'ouvre au terme d'une campagne très atypique : les mesures sanitaires ont empêché meetings et porte-à-porte, les candidats ont arpenté les marchés, tracts à la main mais masques sur le visage... Les rares retrouvailles avec les électeurs ont été émaillées d'incidents dans un pays où les tensions sociales semblent avoir été exacerbées par les mois de crise sanitaire. Au moins trois personnalités politiques ont été enfarinées tandis que le chef de l'État lui-même a été giflé lors d'un déplacement.