PARIS : Le Sénat s'empare lundi du tentaculaire projet de loi climat, inspiré des travaux de la Convention citoyenne (CCC) voulue par Emmanuel Macron, mais critiqué pour son manque d'ambition et jugé "perfectible" par l'opposition de droite qui domine la chambre haute.
Constellation de rapporteurs, au nombre de 10 avec les rapporteurs pour avis, myriade d'amendements, près de 700 adoptés en commission, plus de 2 000 déposés en séance publique... après les députés, les sénateurs s'engagent dans un examen en première lecture à marche forcée jusqu'au vote d'ensemble le 29 juin.
Porté par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, le projet de loi "climat et résilience" traduit une partie des 146 propositions de la CCC qu'avait retenues Emmanuel Macron, de la suppression de certaines lignes aériennes intérieures en cas d'alternatives de moins de 2h30 en train à l'interdiction de la mise en location des logements passoires thermiques en 2028.
Il doit être validé définitivement fin 2021 et être complété par un volet constitutionnel afin d'inscrire le climat dans la Loi fondamentale. Mais le Premier ministre Jean Castex accuse la chambre haute d'avoir "abaissé" cette ambition-là.
Le Sénat répond en affirmant vouloir "rehausser les ambitions environnementales" du gouvernement sur ce projet de loi "climat et résilience" à l'étude, et "rendre crédibles les engagements européens de la France", souligne le président centriste de la commission de l'Aménagement du territoire Jean-François Longeot.
Le texte devait permettre à la France d'atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés en application de l'Accord de Paris (réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030 par rapport à 1990, neutralité carbone d'ici 2050). Des objectifs revus à la hausse en avril au niveau européen (réduction d'au moins 55% en 2030).
Mais les écologistes comme plusieurs instances telles le Haut Conseil pour le climat (HCC) ou le Conseil économique, social et environnemental (Cese) jugent que le compte n'y est pas.
Le Sénat devrait marquer le coup en adoptant en séance un amendement visant à créer un article préliminaire au projet de loi, selon lequel "la France s’engage à respecter les objectifs" en cours de révision au niveau européen.
«Trait d'union»
Les sénateurs ont dessiné en commission les grandes directions vers lesquelles ils entendent faire évoluer ce texte "perfectible": "réconcilier les transitions écologique, économique et sociale", "fixer un cap clair pour engager durablement notre économie dans la transition bas carbone", et encore "faire le trait d'union entre la vie quotidienne des Français, (...) notre modèle économique et nos engagements climatiques internationaux et européens".
Transports, logement, consommation... Pour la rapporteure Marta de Cidrac (LR), "il était important de ne pas perdre de vue que ce texte touche essentiellement nos concitoyens dans leur quotidien".
Plusieurs articles ont été réécrits, par exemple pour déployer plus rapidement l'affichage environnemental.
L'article créant le délit d'"écocide" a été "clarifié". Le terme même d'"écocide" a été abandonné, pour le réserver au droit international.
Le volet rénovation énergétique des logements a été enrichi, sous l'impulsion de Dominique Estrosi-Sassone (LR), avec notamment la disparition programmée des logements de classe D en 2048.
Parmi les autres mesures notables adoptées en commission: coup de pouce à la vente en vrac, baisse du taux de TVA à 5,5% pour les billets de train, création d'un chèque alimentaire et nutritionnel, interdiction dès 2023 des climatiseurs sur les terrasses, création d'un prêt à taux zéro pour aider les ménages modestes à acquérir des véhicules propres...
L'écotaxe régionale pour les poids lourds a elle été mise entre parenthèses.
En pointe sur ce texte, le groupe écologiste a salué "des avancées", même s'il le juge encore insuffisant. Il déplore aussi plusieurs "reculs", en particulier sur le volet lutte contre l'artificialisation des sols. Les sénateurs l'ont entièrement revu pour privilégier "une approche territorialisée" et assouplir les délais.
Du côté des ONG, Pierre Cannet du WWF France note "de bonnes surprises" sur la publicité, mais déplore le "détricotage" des dispositifs visant à réduire l'usage des engrais azotés ou sur les menus végétariens à la cantine.