PARIS : Renault mardi, Volkswagen mercredi, d'autres constructeurs bientôt ? Le géant de l'automobile allemand par qui est venu le scandale du "dieselgate" a annoncé à son tour avoir été mis en examen pour "tromperie", marquant une accélération de ce dossier longtemps enkysté.
Au lendemain de l'annonce par Renault de sa mise en examen, le géant allemand de l'automobile, qui conteste "tout préjudice" pour les consommateurs français, a annoncé dans un communiqué mercredi sa mise en cause dans ce scandale retentissant, confirmant une information d'Europe 1.
Une source judiciaire a confirmé à l'AFP la mise en examen de Volkswagen le 6 mai pour "tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal".
Selon cette source judiciaire, Volkswagen a été placé "sous contrôle judiciaire avec obligation de déposer un cautionnement d'un montant de 10 millions d'euros et obligation de constituer une sûreté sous forme de garantie bancaire pour un montant de 60 millions d'euros".
Le dieselgate, qui a donné lieu à des actions en justice dans de nombreux pays, a déjà coûté 30 milliards d'euros à Volkswagen, en grande partie aux Etats-Unis où le groupe allemand a plaidé coupable de fraude en 2017.
Volkswagen avait reconnu à l'automne 2015 avoir équipé 11 millions de ses véhicules diesel d'un logiciel capable de dissimuler des émissions dépassant parfois jusqu'à 40 fois les normes autorisées.
Chronologie d'un scandale né chez Volkswagen
2015
18 sept: l'agence américaine de l'environnement (EPA) accuse Volkswagen d'avoir violé la règlementation anti-pollution à l'aide d'un logiciel capable de tromper les contrôles sur les émissions d'oxydes d'azote (NOx) et déclenche le "dieselgate".
21 sept: le cours de l'action de VW plonge de 20%.
22-23 sept: Volkswagen admet avoir équipé du logiciel fraudeur 11 millions de ses véhicules dans le monde, son patron Martin Winterkorn démissionne et la justice allemande ouvre une enquête pénale.
15 oct: l'agence allemande de l'automobile ordonne à Volkswagen de rappeler 2,4 millions de voitures. Le groupe étend le rappel à l'ensemble des 8,5 millions de véhicules concernés en Europe.
2016
22 avril: Volkswagen affiche pour la première fois en 20 ans une perte annuelle.
28 juin: Volkswagen accepte de débourser 14,7 milliards de dollars pour indemniser ses clients américains.
29 juil: une commission d'experts français ayant testé 85 véhicules diesel décèle des "anomalies" dans un tiers des cas, et n'exclut pas le recours par d'autres constructeurs à des logiciels truqueurs.
2017
11 jan: Volkswagen plaide coupable aux États-Unis pour fraude et obstruction à la justice.
1er fév: l'équipementier allemand Bosch verse plus de 300 millions de dollars de dédommagement aux Etats-Unis mais n'admet pas sa culpabilité.
25 août, 6 dec: deux ex-employés de Volkswagen sont condamnés à des peines de prison aux Etats-Unis.
2018
23 fév: BMW reconnaît avoir "par erreur" équipé des véhicules diesel avec un logiciel non conforme. Le constructeur payera une amende de 8,5 millions d'euros mais l'enquête pénale pour "fraude" est classée.
23 fév: Volkswagen annonce avoir renoué en 2017 avec des bénéfices records.
3 mai: les autorités américaines engagent des poursuites judiciaires contre Martin Winterkorn et cinq autres dirigeants de Volkswagen.
13 juin: Volkswagen paye un milliard d'euros d'amende en Allemagne.
15 oct: perquisitions au siège d'Opel, filiale de PSA.
16 oct: Audi paye 800 millions d'euros d'amende en Allemagne.
2019
10 janv: Fiat Chrysler accepte de verser jusqu'à 515 millions de dollars à différentes autorités américaines qui l'accusent d'avoir truqué plus de 100 000 véhicules.
23 mai: amende de 90 millions d'euros pour l'équipementier Bosch en Allemagne.
24 sept: Daimler accepte de payer une amende de 870 millions d'euros en Allemagne.
2020
28 fév: accord à l'amiable entre Volkswagen et l'association de consommateurs VZBV pour solder le principal procès groupé allemand. Le constructeur va débourser quelque 750 millions d'euros pour indemniser 240.000 clients.
19 mai: fin, contre un paiement de 9 millions d'euros, de la procédure pénale qui visait l'actuel directeur de Volkswagen, Herbert Diess, et son président du conseil de surveillance, Hans Dieter Pötsch.
25 mai: la Cour fédérale allemande condamne Volkswagen à rembourser un client, une première qui marque un revers pour le constructeur.
9 sept: le tribunal de Brunswick annonce que Martin Winterkorn sera jugé pour "fraude". Le procès s'ouvrira en septembre 2021.
14 sept: Daimler conclut un accord de 2,2 milliards de dollars aux Etats-Unis.
30 sept: ouverture en Allemagne du procès de Rupert Stadler, ancien patron d'Audi et premier dirigeant du groupe Volkswagen a être jugé.
17 dec: la justice de l'UE confirme l'illégalité du logiciel de Volkswagen, ouvrant la voie aux poursuites judiciaires en France.
2021
7 mai: première condamnation de Volkswagen en France.
26 mai: Carlos Ghosn est interrogé comme témoin dans l'enquête française visant Renault.
8 juin: Renault annonce sa mise en examen pour "tromperie" mais "conteste avoir commis la moindre infraction".
9 juin : Volkswagen annonce à son tour sa mise en examen en France.
D'autres constructeurs peuvent être mis en cause
Les enquêtes sur ce scandale ont longtemps été ralenties par une bataille judiciaire devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui a finalement confirmé fin 2020 l'illégalité du logiciel de Volkswagen.
En France, les investigations de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avaient mis en évidence "le caractère intentionnel de la fraude" de Volkswagen.
Le gendarme de Bercy relevait, dans un procès-verbal du 11 février 2016 dont l'AFP avait eu connaissance, que près de 950.000 véhicules diesel, équipés du dispositif frauduleux, avaient été écoulés par le groupe allemand sur le territoire français.
"Le chiffre d’affaires frauduleux (...) s'élève à 22,78 milliards d'euros", avec "une économie frauduleuse de 1,52 milliard d'euros par an en moyenne entre 2012 et 2014", d'après la DGCCRF.
Mais la société conteste toute culpabilité dans ce dossier et estime qu'après avoir déjà payé en Allemagne en 2018 une "amende d'un milliard d'euros pour des faits allégués identiques", une "double condamnation (...) devrait être proscrite" en France.
"Pour Volkswagen AG, les faits examinés par la justice française sont inclus et identiques à ceux déjà tranchés en Allemagne, mais les juges d'instruction nous ont répondu qu'il fallait selon eux poursuivre les investigations avant de se prononcer définitivement sur ce sujet", a déclaré Me Nicolas Huc-Morel, avocat du constructeur, à l'AFP.
La société a d'ores et déjà contesté cette analyse des magistrats devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris. Son recours est en attente d'examen.
"Tous les éléments semblent confirmer les infractions commises par les différents constructeurs. Les propriétaires de véhicules lésés ne comprennent pas qu'il n'y ait pas un procès le plus rapidement possible" a réagi Me François Lafforgue, avocat des associations "Ecologie sans frontières", "Respire" et d'une centaine de propriétaires de véhicules.
Le scandale du "dieselgate" fait l'objet de différentes informations judiciaires en France. Celle concernant Volkswagen est ouverte depuis le 16 février 2016.
Deux autres constructeurs, PSA (Peugeot-Citroën) et Fiat-Chrysler, désormais mariés dans le groupe Stellantis, sont susceptibles d'être mis en examen à leur tour en France et devraient être interrogés très prochainement, selon des sources concordantes.
La mise en examen est une étape préalable à un éventuel procès en France et à une indemnisation des propriétaires de véhicules, dont la valeur a chuté brutalement après l'éclatement du scandale en septembre 2015.