SAINT-DENIS : Maillot floqué, écharpe, tambour sans oublier le masque tricolore, Charlène avait préparé sa tenue depuis des mois. Aux abords du Stade de France et en tribunes, les supporters triés sur le volet savourent leur chance d'assister au premier match des Bleus devant public depuis des mois.
Lorsque Charlène Lecuir a appris qu'elle assisterait mardi à la rencontre amicale France-Bulgarie, elle a poussé "un cri de joie". Comme cette Parisienne de 27 ans, la Fédération française de foot (FFF) a décidé d'inviter 5 000 personnes, obtenant même une dérogation quelques heures avant la deuxième étape du déconfinement et son couvre-feu décalé à 23 heures.
Parmi la liste des invités de la FFF: des soignants, des policiers et gendarmes ou encore des pompiers, "en première ligne dans la gestion de la crise sanitaire".
Aliénor, auxiliaire de vie aux urgences d'un hôpital parisien, est "ravie d'avoir été invitée". "J'ai l'impression qu'on valorise mon travail", déclare la soignante de 38 ans.
Pour elle, "tout est une première: je n'ai jamais assisté à un match de foot, je ne suis jamais allée au Stade de France, je suis très excitée!"
Embrassades, accolades... de nombreux supporters se sont donné rendez-vous avant la rencontre devant les différents bars qui font face au stade.
«Le foot, ça se vit»
Non loin, trois amis qui ont fait déplacement depuis Lille, "ne comptent plus les bières" et s'impatientent avant l'ouverture des portes.
"On a préparé nos voix, nos chants", raconte Basile qui est "en manque de stade depuis 8 mois".
"Le foot, ça se vit, ça ne se regarde pas à la TV!" Anaïs n'en démord pas, "le stade, c'est l'unique lieu qui lui procure du pur bonheur". Enfin quand l'équipe de France gagne...
Couronne de fleurs bleu-blanc-rouge, maillot floqué au nom Giroud, manucure, boucles d'oreilles et même masque tricolore, rien n'est laissé au hasard.
"J'ai attendu ce moment depuis longtemps", confie Anaïs. Son dernier match remonte à la rencontre France-Ukraine le 7 octobre 2020 au Stade de France où la jauge était fixée à 1 000 spectateurs.
A la porte G du Stade, les supporters se mêlent à ceux qui attendent, non pas le match mais de se faire vacciner.
Depuis trois mois, le lieu sert aussi de vaccinodrome, jusqu'en début de soirée.
Toutes les 10 minutes, les hauts-parleurs rappellent les consignes: "Merci de bien présenter votre pass sanitaire", lance le speaker. Car pour pouvoir assister à la rencontre, il faut montrer patte blanche.
Ainsi tous les invités ont dû réaliser un test PCR ou antigénique de moins de 48h ou présenter un certificat de vaccination complet.
«Bouffée d'air»
Une fois entrés dans l'enceinte, c'est l'extase. Chants, Marseillaise, "claping", exclamations et sifflets, le langage du supporter reprend ses droits, même si seules les tribunes latérales basses sont occupées de fans bruyants, mais globalement respectueux du port du masque.
Les maillots floqués du N.19 de Karim Benzema sont légion, les chants à la gloire d'Antoine Griezmann résonnent et soudain... "Grizou" ouvre le score d'un superbe retourné acrobatique et les tribunes s'enflamment.
Le temps d'une soirée de football, les 5 000 chanceux ont pu oublier une année difficile. C'est le cas d'Ulysse Gutmann-Faure, étudiant en droit à la Sorbonne à Paris. "Je n'ai jamais assisté à un match de foot, je n'ai jamais eu les moyens", confie l'étudiant, fondateur de l'association "Co'p1" qui vient en aide aux étudiants en difficulté.
Toute l'année avec d'autres bénévoles, il a distribué des milliers de paniers repas à des étudiants en "détresse" et avec son association, il a obtenu auprès de la FFF, 100 places. "On a manqué de lien social et ce match, c'est celui de l'espoir, ça ne peut qu'aller mieux c'est extraordinaire d'y assister", déclare l'étudiant, ému. "C'est une bouffée d'air". Il n'aura pas été déçu.