Le conflit israélo-palestinien ravive d’anciennes tensions en France

Le président français, Emmanuel Macron a souligné dans un appel téléphonique avec Benjamin Netanyahou son «indéfectible attachement à la sécurité d'Israël» (Photo, AFP)
Le président français, Emmanuel Macron a souligné dans un appel téléphonique avec Benjamin Netanyahou son «indéfectible attachement à la sécurité d'Israël» (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 09 juin 2021

Le conflit israélo-palestinien ravive d’anciennes tensions en France

  • Depuis la naissance de l'État d'Israël en 1948, la France a toujours partagé des relations passionnelles avec le jeune pays âgé de 73 ans
  • Alors que de l’autre côté de l’Atlantique, la perception de la cause palestinienne évolue dans l'opinion publique, il semble qu’en France l’obsession de l’islam politique infecte le débat sur les droits des Palestiniens

PARIS: Comme à chaque fois que le feu s’embrase dans la bande de Gaza entre Israéliens et Palestiniens, une flambée de violence suit en France. Le 13 mai dernier, le préfet de police, Didier Lallement, a interdit une manifestation organisée par l’Association des Palestiniens en Île-de-France pour protester contre les «bombardements incessants des avions israéliens sur la population de Gaza». Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé aux préfets des villes françaises de s’appuyer sur les informations collectées afin d’évaluer la sûreté de ces manifestations. Les manifestations dans l'Hexagone n'ont été permises qu'à Lille, Marseille, et Strasbourg alors que l’interdiction à Paris a provoqué le rassemblement de plusieurs milliers de manifestants. 

Pour le jeune ministre de l'Intérieur, le but de ces interdictions était d'éviter «les graves troubles à l’ordre public constatés en 2014», lors d’une manifestation dénonçant une opération israélienne sur la bande de Gaza qui a tué plus de 1 500 civils. «On ne peut pas avoir de manifestation de haine et antisémite», a déclaré M. Darmanin après l’annonce des interdictions de manifestations, dénonçant les appels «mort aux juifs» entendus en été 2014. Selon Anne-Clémentine Larroque, historienne et spécialiste de l’islamisme, le climat de tensions en France au sujet des islamismes a nécessairement un impact sur l’opinion publique et le gouvernement fait attention à éviter un embrasement des différentes causes entre elles.

«L’islamisme n’est pas la cause palestinienne mais cette dernière a été exploitée par des groupes djihadistes, l'État évite que ceux-ci s’emparent de cette cause à travers le Hamas. Il y a une amalgamation des différentes causes», analyse Anne-Clémentine Larroque. «L'islamo-gauchisme nourrit une pensée binaire. Ces amalgames travestissent toutes nuances sur la diversité culturelle, religieuse du Moyen-Orient et rétrécissent ses réalités», poursuit l’historienne. 

La France, soutien indéfectible d’Israël

Le président français, Emmanuel Macron, s'est dit préoccupé par la détérioration de la situation en Cisjordanie, et a souligné dans un appel téléphonique avec Benjamin Netanyahou son «indéfectible attachement à la sécurité d'Israël», tout en présentant ses condoléances au Premier ministre israélien. Tout cela n’est pas nouveau: depuis la naissance de l'État d'Israël en 1948, la France a toujours partagé des relations passionnelles avec le jeune pays âgé de 73 ans. 

L'islamo-gauchisme nourrit une pensée binaire. Ces amalgames travestissent toutes nuances sur la diversité culturelle, religieuse du Moyen-Orient et rétrécissent ses réalités

Anne-Clémentine Larroque

«En ce qui concerne la politique française vis-à-vis de la question palestinienne et le conflit israélo-arabe, Israël a toujours été le favori de Paris. Jacques Chirac était une parenthèse, vu sa sympathie envers les droits palestiniens et sa visite à Jérusalem en 1996 qui avait suscité beaucoup d'émotions. Il faut rappeler que le programme nucléaire israélien est un programme offert à l'origine par la France et que la coopération militaire a longuement existé entre les deux États», explique Ziad Majed, professeur associé à la American University of Paris, et spécialiste du Liban, de la Syrie ainsi que de la Palestine.

«Les raisons de cette relation tumultueuse sont en effet liées à plusieurs causes: après 1945 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France s’est sentie coupable et a décidé de soutenir le projet de fondation d’un État pour les juifs, avec un sentiment de culpabilité lié au régime de Vichy. La France abrite aujourd’hui la troisième communauté juive au monde, après Israël et les États-Unis. À l'époque, les profils des dirigeants politiques des deux côtés se rapprochent: côté français, on retrouve Guy Mollet, un ministre d'État, et côté israélien, David Ben Gourion, le fondateur de l’État d’Israël. Les deux personnages, des socialistes, ont sympathisé au fil du temps grâce à un ennemi commun: l’Égypte de Gamal Abdel Nasser. Cette dernière armait des indépendantistes algériens et défiait l’État d'Israël, provoquant un rapprochement militaire et idéologique entre les deux pays. En 1956, la France a combattu aux côtés des Israéliens et des Anglais contre l’Égypte de M. Nasser qui a nationalisé le canal de Suez. Après Jacques Chirac, la France s’est repositionnée pour adopter une posture très pro-israélienne avec Nicolas Sarkozy. Et même sous François Hollande, plus prudent que son prédécesseur, le Premier ministre, Manuel Valls, a fait de la surenchère pro-israélienne. Emmanuel Macron aujourd'hui s'inscrit donc dans cette même logique de soutien à Tel-Aviv», continue Ziad Majed.

La diplomatie française face au conflit israélo-palestinien 

Après onze jours de combats sanglants entre Israël et le Hamas qui ont fait 145 morts côté palestinien, dont 41 enfants, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a mis en garde Israël contre un «risque d’apartheid». Une remarque qui a valu la convocation immédiate de l’ambassadeur français à Jérusalem et qui a fait grincer les dents de Benjamin Netanyahou. 

«Les remarques de Jean-Yves Le Drian ne sont pas vraiment nouvelles. De nombreux rapports qualifient Israël d’“État apartheid”, il faut lire pour cela les rapports de Human Rights Watch, les enquêtes de B’Tselem. Ce sont des organisations non gouvernementales (ONG) reconnues internationalement et qui travaillent sur ce sujet depuis de longues années. Jean-Yves Le Drian fait un discours politique mettant en garde Israël, mais les positions officielles de la France restent peu critiques de l'occupation, de la colonisation et des violations israéliennes du droit international», dénonce Ziad Majed.

L’idée que le terrorisme dont la France a souffert du fait de certains jeunes islamistes ressemblerait à ce que le Hamas fait en Palestine est complètement fausse

Ziad Majed

En effet, l’usage du terme «apartheid» est certainement nouveau dans le discours diplomatique français mais sur les actes, la France ne tient pas la route. Le jeudi 27 mai, au Conseil des droits de l’homme des nations unies (OHCHR), la France s’est abstenue lors du vote sur l’ouverture d’une enquête concernant les atteintes aux droits de l’homme en Israël-Palestine. Ce n'était pas une première pour Paris qui avait déjà adopté cette posture de réserve dans les conflits entre Israël et Palestine en 2009 et 2014. In fine, la demande d'enquête a été approuvée avec 24 voix, 9 contre et 14 abstentions. 

Alors que de l’autre côté de l’Atlantique, la perception de la cause palestinienne évolue dans l'opinion publique, il semble qu’en France l’obsession dans tous les débats de l’islam politique, des musulmans de France, des fantasmes identitaires infectent le débat sur les droits des Palestiniens. «Tout cela fait qu'on ne voit pas toujours la question palestinienne en dehors de ce prisme», rappelle Ziad Majed. «L’idée que le terrorisme dont la France a souffert du fait de certains jeunes islamistes ressemblerait à ce que le Hamas fait en Palestine est complètement fausse», continue-t-il. 

Malgré les interdictions de rassemblements à Paris, des milliers de Parisiens et de nombreux Français d’autres villes de l’Hexagone sont descendus exprimer leur soutien à la cause palestinienne. Mais aux États-Unis, le soutien dans les milieux progressistes va encore plus loin. «Il y a une articulation entre des luttes comme celle des Black Lives Matter et celle des Palestiniens. Établir une telle connexion est important, d'où la voix de l’aile gauche du Parti démocrate américain qui revendique une nouvelle politique. Mais il faut s’attendre à une contre-attaque des lobbys israéliens, des évangélistes, qui sont la plus grande base de soutien à Israël aux États-Unis», conclut Ziad Majed. Le bras de fer intrapolitique s’annonce en effet agité. Mais loin de la question politique, des dizaines de victimes sont tuées par une aviation israélienne qui fait peu de différence entre civils et combattants du Hamas. C'est encore un exemple d'impunité qui perdure dans le Moyen-Orient. 

 


Nucléaire iranien : Paris dit être «en contact étroit» avec Washington

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  • "Au vu des récentes annonces concernant l'ouverture de négociations entre les Etats-Unis et l'Iran sur le programme nucléaire iranien, le ministre a rappelé l'engagement de la France et exprimé son soutien à tout effort diplomatique
  • Jean-Noël Barrot s'est entretenu au téléphone avec son homologue américain, Marco Rubio, mercredi soir

PARIS: La France est "en contact étroit" avec les Etats-Unis sur le dossier du nucléaire iranien et soutient les efforts diplomatiques américains, a déclaré jeudi le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, après une conversation entre les chefs de la diplomatie des deux pays.

"Au vu des récentes annonces concernant l'ouverture de négociations entre les Etats-Unis et l'Iran sur le programme nucléaire iranien, le ministre a rappelé l'engagement de la France et exprimé son soutien à tout effort diplomatique visant à parvenir à un accord solide et durable", a dit Christophe Lemoine.

Jean-Noël Barrot s'est entretenu au téléphone avec son homologue américain, Marco Rubio, mercredi soir.

Aux côtés du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, partisan d'une ligne très dure, le président américain Donald Trump avait créé la surprise en annonçant lundi que les Etats-Unis étaient engagés dans des discussions "directes" avec l'Iran, alors que ces deux pays n'ont plus de relations diplomatiques depuis 45 ans.

Mercredi, il avait ensuite souligné qu'une action militaire n'était pas exclue. "S'il faut recourir à la force, nous recourrons à la force", avait-il lancé. "Israël y sera bien évidemment très impliqué, il en sera le chef de file".

Cette menace survient à quelques jours de discussions qui doivent avoir lieu samedi dans le sultanat d'Oman et auxquelles participeront l'émissaire américain pour le Moyen-Orient Steve Witkoff ainsi que le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi.

Interrogé sur le niveau de coordination entre les Américains et les Européens qui ont, quant à eux, des discussions en format E3 (Allemagne, France, Royaume Uni) avec l'Iran, le porte-parole du Quai d'Orsay est resté évasif.

"Nous sommes en lien étroit avec nos partenaires américains. Nous continuerons à discuter avec eux", a-t-il affirmé, se refusant à dire si les Européens avaient été informés en amont des négociations menées par Washington.

Christophe Lemoine a par ailleurs répété que l'objectif était que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire, réaffirmant que "la seule voie est diplomatique".

"Toute initiative visant à amener l'Iran à l'abandon de son programme nucléaire est bienvenue", a-t-il dit, même si la fenêtre est "étroite" pour y parvenir.

Les Occidentaux, Etats-Unis en tête, soupçonnent depuis des décennies Téhéran de vouloir se doter de l'arme nucléaire. L'Iran rejette ces allégations et affirme que ses activités dans le nucléaire se limitent à des fins civiles.


France: le blocage de Sciences Po Strasbourg levé par la police

Le blocage par des étudiants de Sciences Po Strasbourg, entamé mercredi après le maintien d'un partenariat controversé entre cet établissement de l'est de la France et une université israélienne, a été levé jeudi par les forces de l'ordre, a constaté l'AFP.  Une cinquantaine de policiers sont intervenus en milieu de matinée. Après sommations, ils ont pu rétablir l'accès au bâtiment sans heurt. (AFP)
Le blocage par des étudiants de Sciences Po Strasbourg, entamé mercredi après le maintien d'un partenariat controversé entre cet établissement de l'est de la France et une université israélienne, a été levé jeudi par les forces de l'ordre, a constaté l'AFP. Une cinquantaine de policiers sont intervenus en milieu de matinée. Après sommations, ils ont pu rétablir l'accès au bâtiment sans heurt. (AFP)
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  • C'est la nouvelle présidente de l'université de Strasbourg, Frédérique Berrod, qui a sollicité l'intervention des forces de l'ordre, a indiqué à l'AFP le service de communication de l'Université
  • Mercredi, Mme Berrod avait appelé à la "levée du blocage"

STRASBOURG: Le blocage par des étudiants de Sciences Po Strasbourg, entamé mercredi après le maintien d'un partenariat controversé entre cet établissement de l'est de la France et une université israélienne, a été levé jeudi par les forces de l'ordre, a constaté l'AFP.

Une cinquantaine de policiers sont intervenus en milieu de matinée. Après sommations, ils ont pu rétablir l'accès au bâtiment sans heurt.

C'est la nouvelle présidente de l'université de Strasbourg, Frédérique Berrod, qui a sollicité l'intervention des forces de l'ordre, a indiqué à l'AFP le service de communication de l'Université.

Mercredi, Mme Berrod avait appelé à la "levée du blocage".

La décision de maintenir le partenariat entre Sciences Po Strasbourg et la Lauder School of Government de l'Université Reichman en Israël - que les étudiants accusent de soutenir la politique du gouvernement israélien à Gaza - "est prise" et "il me semble, a été la plus démocratique possible", avait-elle observé.

Mardi soir, le conseil d'administration de l'établissement d'enseignement supérieur a approuvé le maintien du partenariat par 16 voix pour, 14 contre et trois abstentions. Il a ainsi décidé de ne pas suivre les conclusions d'un "comité d'examen du partenariat" composé de 10 membres (cinq étudiants et cinq enseignants) mis en place en mars pour tenter de dégager une solution consensuelle et ainsi mettre fin aux blocages qui s'étaient tenus depuis janvier.

Ce comité a préconisé de mettre un terme aux échanges entre l'IEP Strasbourg et la Lauder School of Government, et de rechercher un "partenariat alternatif" avec une autre université israélienne.


Wauquiez et Saint-Pierre-et-Miquelon: «pas de polémique» sur une proposition «déroutante», dit Retailleau

 Bruno Retailleau, candidat à la présidence des Républicains, a assuré jeudi ne pas vouloir "polémiquer" sur la proposition, "à première vue déroutante", faite par son rival, Laurent Wauquiez, d'envoyer les "étrangers dangereux" sous obligation de quitter le territoire (OQTF) à Saint-Pierre-et-Miquelon. (AFP)
Bruno Retailleau, candidat à la présidence des Républicains, a assuré jeudi ne pas vouloir "polémiquer" sur la proposition, "à première vue déroutante", faite par son rival, Laurent Wauquiez, d'envoyer les "étrangers dangereux" sous obligation de quitter le territoire (OQTF) à Saint-Pierre-et-Miquelon. (AFP)
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  • Laurent Wauquiez, qui proposait "d'enfermer" à Saint-Pierre-et-Miquelon les personnes dangereuses sous obligation de quitter le territoire (OQTF) provoquant un tollé au sein de la classe politique, a réagi sur X aux propos de son rival à la présidence
  • "Ce qui est déroutant Bruno, c’est l’incapacité de la France, ministre après ministre, à régler le problème des OQTF et le fait d’accepter passivement que des criminels étrangers soient relâchés dans nos rues"

PARIS: Bruno Retailleau, candidat à la présidence des Républicains, a assuré jeudi ne pas vouloir "polémiquer" sur la proposition, "à première vue déroutante", faite par son rival, Laurent Wauquiez, d'envoyer les "étrangers dangereux" sous obligation de quitter le territoire (OQTF) à Saint-Pierre-et-Miquelon.

"Je ne veux pas en rajouter. Je me suis engagé, quand j'ai déclaré ma candidature, à ne pas polémiquer avec un compétiteur de ma famille politique", a souligné le ministre de l'Intérieur, lors d'une conférence de presse, place Beauvau, sur le bilan de ses six mois en poste.

"Donc je ne polémique pas, pas plus maintenant que demain sur cette cette question, cette proposition qui est à première vue déroutante", a-t-il ajouté. "Mais chacun a le droit en démocratie de s'exprimer et de proposer", a-t-il conclu.

Laurent Wauquiez, qui proposait "d'enfermer" à Saint-Pierre-et-Miquelon les personnes dangereuses sous obligation de quitter le territoire (OQTF) provoquant un tollé au sein de la classe politique, a réagi sur X aux propos de son rival à la présidence des Républicains.

"Ce qui est déroutant Bruno, c’est l’incapacité de la France, ministre après ministre, à régler le problème des OQTF et le fait d’accepter passivement que des criminels étrangers soient relâchés dans nos rues", a-t-il écrit sur le réseau social, proposant au ministre de l'Intérieur de "travailler ensemble" pour trouver des solutions.

Interrogé lors de sa conférence de presse sur l'hypothèse d'un départ de Beauvau s'il était désigné en mai président des LR, Bruno Retailleau l'a écartée: "Non, j'assume d'être candidat et ministre. Je pourrai assumer demain d'être président d'un parti et d'être ministre de l'Intérieur", a-t-il répondu. "Ce n'est pas ça qui constitue pour moi une butée. Ce qui constituerait une butée, c'est l'impossibilité d'agir ou d'autres éléments, mais nous n'en sommes pas là", a-t-il ajouté.