OUAGADOUGOU: Le bilan de l'attaque la plus meurtrière menée par des djihadistes présumés depuis 2015 au Burkina Faso, qui a visé dans la nuit de vendredi à samedi le village de Solhan (Nord-Est), est monté à 160 morts, ont indiqué dimanche des sources locales.
Au total, « 160 corps ont été inhumés hier (samedi) dans trois fosses communes par les populations locales (...) dont une vingtaine d'enfants », a déclaré un élu de la région.
Un bilan confirmé par une autre source locale qui a précisé que « 50 corps ont été enterrés dans chacune des deux fosses communes et 60 corps dans la troisième fossé ».
« Ce sont les populations elles-mêmes qui ont procédé à l'enlèvement et à l'enterrement des corps après les avoir rassemblés et transportés » sur des triporteurs, a ajouté cette source.
LE CHEF DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE AU BURKINA «CETTE SEMAINE» APRÈS L'ATTAQUE
Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a annoncé dimanche sur son compte Twitter un voyage « cette semaine » au Burkina Faso, frappé par l'attaque la plus meurtrière à laquelle le pays ait été confrontée depuis six ans (160 morts).
« Je me suis entretenu aujourd'hui avec le président (Roch Marc Christian) Kaboré. J'exprimerai à nouveau la solidarité de la France lors de mon déplacement cette semaine au Burkina Faso », a indiqué le ministre des Affaires étrangères.
Je me suis entretenu aujourd’hui avec le Président Kaboré. J’exprimerai à nouveau la solidarité de la #France lors de mon déplacement cette semaine au #Burkina Faso.
— Jean-Yves Le Drian (@JY_LeDrian) June 6, 2021
Un précédent bilan de mêmes sources faisait état samedi soir de 138 morts, le gouvernement évoquant 132 morts et une quarantaine de blessés.
L'élu local a affirmé que « la situation est encore volatile dans la zone malgré l'annonce d'opérations militaires et que les populations continuent à fuir Solhan » pour les agglomérations proches de Sebba et Dori. « Beaucoup ont tout perdu après l'incendie de leurs biens et de leurs habitations », a-t-il dit.
Solhan est une petite localité située à une quinzaine de kilomètres de Sebba, chef-lieu de la province du Yagha qui a enregistré ces dernières années de nombreuses attaques attribuées à djihadistes liés à Al-Qaïda et à l'Etat islamique. Cette zone est proche des frontières avec le Mali et le Niger.
Les assaillants ont d'abord visé un poste de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs civils de l'armée burkinabè, selon des sources locales. Ils s'en sont ensuite pris aux maisons de Solhan et ont exécuté des habitants.
Selon le gouvernement, « les forces de défense et de sécurité sont à pied d'œuvre pour neutraliser ces terroristes ».
Un deuil national de trois jours a débuté samedi en hommage aux victimes de « cette attaque barbare et ignoble », selon le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, qui a appelé ses compatriotes « à rester unis et soudés contre ces forces obscurantistes ».
En condamnant samedi cette attaque, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a souligné « la nécessité urgente que la communauté internationale renforce son soutien à l'un de ses membres dans son combat contre la violence extrémiste et son bilan humain inacceptable ».
L’Union européenne (UE) a également condamné « ces attaques lâches et barbares », appelant « à tout mettre en œuvre pour que leurs auteurs répondent de leurs actes ».
L'attaque massive de Solhan en a suivi de près une autre, menée tard vendredi soir, sur un village de la même région, Tadaryat, au cours de laquelle au moins 14 personnes ont été tuées.
Ces attaques surviennent une semaine après deux autres attaques dans la même zone faisant quatre tués.
Les 17 et 18 mai, 15 villageois et un soldat avaient été tués lors de deux assauts contre un village et une patrouille dans le Nord-Est du pays.
Les forces de sécurité peinent à enrayer la spirale de violences djihadistes qui ont fait depuis 2015 plus de 1 400 morts et déplacé plus d'un million de personnes, fuyant les zones de violences.
LES PRINCIPALES ATTAQUES DJIHADISTES DEPUIS 2015
2016: la capitale frappée
Le 15 janvier 2016, 30 personnes, majoritairement des Occidentaux, sont tuées et 71 blessées lors d'un raid djihadiste contre l'hôtel Splendid et le restaurant Cappuccino à Ouagadougou.
L'attentat, premier de ce type dans le pays, est revendiqué par le groupe djihadiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui l'attribue au groupe Al-Mourabitoune de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar.
2018: état-major et ambassade de France visées
Le 2 mars 2018, des attaques simultanées visent l'état-major des armées burkinabè, en plein centre-ville, et l'ambassade de France. Huit militaires sont tués et 85 personnes blessées.
L'attentat est revendiqué par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda. Pour la première fois, les assaillants ont utilisé une voiture piégée.
2019: bases militaires et mine d'or
Le 19 août 2019, 24 soldats sont tués dans l'attaque d'une base militaire à Koutougou (Nord), près du Mali.
Le 6 novembre, au moins 38 personnes sont tuées et 63 blessées dans l'attaque d'un convoi transportant des employés de la mine d'or de Boungo, exploitée par une société canadienne dans l'Est.
Le 24 décembre, 200 individus lourdement armés attaquent la base militaire et la ville d'Arbinda, près de la frontière malienne. L'attaque djihadiste fait 42 morts, 35 civils et sept militaires.
2020: massacre du village de Silgadji
Le 25 janvier 2020, un massacre fait 39 morts sur un marché du village de Silgadji (Nord), où des hommes sont exécutés après avoir été séparés des femmes.
Ce massacre intervient moins d'une semaine après l'attaque des villages de Nagraogo et Alamou (province de Sanmatenga), où les assaillants ont tué 36 civils.
2021: journalistes européens et civils
Le 26 avril 2021, deux journalistes espagnols et le patron irlandais d'une ONG sont exécutés alors qu'ils se trouvaient avec une patrouille antibraconnage attaquée dans l'Est.
Le 3 mai, au moins 25 civils sont tués dans l'attaque du village de Kodyel, dans la commune de Foutouri (Est).
2021: attaque la plus meurtrière
Dans la nuit du 4 au 5 juin, une attaque menée par des djihadistes présumés, la plus meurtrière depuis 2015, vise le village de Solhan (Nord-Est) faisant 160 morts, selon des sources locales.