RANGOUN: Dans des usines de fortune, cachées dans la jungle birmane, des habitants qui ont formé des groupes d'autodéfense fabriquent des fusils pour combattre la junte militaire, mais leur armes artisanales ne font pas toujours mouche....
Depuis l'éviction en février du gouvernement de Aung San Suu Kyi par les généraux, qu'ils accusent de fraude lors des élections législatives de 2020, la Birmanie est plongée dans le chaos et son économie est paralysée.
Plusieurs communautés dans le pays --surtout celles qui affichent un nombre élevé de morts du fait de la police-- ont formé des milices locales d'autodéfense.
Dans un atelier de l'Etat de Kayah (est) près de la frontière thaïlandaise, qui retentit de bruits de scies et de marteaux, un armurier amateur se prépare, au milieu de morceaux de bois éparpillés autour de lui, à monter un pontet, c'est-à-dire la boucle de métal protégeant la queue de détente d'une pression au 3e para, accidentelle.
Un autre apporte la dernière touche à la crosse à l'aide d'une ponceuse, avant d'examiner le produit fini : un fusil avec un mécanisme à verrou qui trouverait sa place dans un film de la Première Guerre mondiale.
Or les performances de ces armes artisanales ne répondent pas toujours aux standards nécessaires pour les combats.
"Une nuit, les militaires nous ont tiré dessus avec de l'artillerie lourde", a raconté John Ko, membre d'un groupe d'autodéfense. Les soldats de la junte se sont ensuite rapprochés à 60-90 mètres du groupe.
"Quand nous avons décidé de riposter, nos fusils n'ont pas tiré comme prévu. C'était nous qui les avions fabriqués", a-t-il ajouté.
"Nous avons demandé le soutien de nos deux tireurs d'élite et nous avons tiré huit coups, mais seuls six étaient corrects", a-t-il poursuivi.
Outre la montée en puissance des groupes d'autodéfense, les analystes pensent que des centaines d'opposants à la junte se sont rendus dans les zones tenues par les insurgés pour recevoir un entraînement militaire.
Mais ces combattants du dimanche savent qu'ils ont peu de chance face à l'armée birmane, l'une des plus aguerries et des plus brutales d'Asie du Sud-Est.
John Ko a convenu qu'ils avaient été dépassés par les adversaires, supérieurs en nombre et en armement, lors d'un récent affrontement.
"Quand nous avons tenté de capturer le camp militaire, leur hélicoptère est arrivé et leurs renforts nous ont tiré dessus", a-t-il raconté.
Ces derniers jours, les combats se sont intensifiés dans l'Etat de Kayah, les habitants accusant les militaires d'avoir utilisé des obus d'artillerie qui ont atterri sur leurs villages.
Après avoir fui les combats, Ko Mar, 36 ans, vit désormais depuis plus de deux semaines avec sa famille dans un abri de fortune dans la jungle.
"Les militaires nous ont tiré dessus avec des armes lourdes. C'est pour cela que nous nous sommes enfuis et que nous restons cachés ici", a-t-il raconté.
"Maintenant, nos provisions s'amenuisent. Nous avons besoin de riz, de sel et d'huile. Nous mangeons ce que nous avons, comme des tiges de bananes et des fruits de jacquiers --ou pommes jacque, surnommées le fruit du pauvre, ndlr--", a-t-il ajouté.