La forteresse Danemark veut exporter ses demandeurs d'asile hors d'Europe

Un groupe de migrants vérifie un panneau des départs à la gare centrale de Copenhague, le 12 novembre 2015. Photo d'illustration ASGER LADEFOGED / SCANPIX DENMARK / AFP
Un groupe de migrants vérifie un panneau des départs à la gare centrale de Copenhague, le 12 novembre 2015. Photo d'illustration ASGER LADEFOGED / SCANPIX DENMARK / AFP
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Publié le Jeudi 03 juin 2021

La forteresse Danemark veut exporter ses demandeurs d'asile hors d'Europe

  • Connu pour sa ligne très dure en matière d'immigration, le Danemark doit adopter jeudi une loi lui permettant d'ouvrir des centres pour demandeurs d'asile, qui y seraient envoyés pendant le traitement de leur dossier
  • Le projet de loi devrait passer sans encombre l'étape du Parlement, fort du soutien de la droite et de l'extrême-droite, malgré l'opposition de certaines formations de gauche

COPENHAGUE: Un centre d'asile délocalisé au Rwanda ou en Erythrée? Connu pour sa ligne très dure en matière d'immigration, le Danemark doit adopter jeudi une loi lui permettant d'ouvrir des centres pour demandeurs d'asile, qui y seraient envoyés pendant le traitement de leur dossier... et même après.

Dernière nouveauté anti-migratoire du gouvernement social-démocrate de la Première ministre Mette Frederiksen pour dissuader tout migrant de mettre les pieds dans le riche pays nordique, le texte prévoit que le demandeur reste dans le pays tiers, même s'il obtient in fine le statut de réfugié. 

Le projet de loi devrait passer sans encombre l'étape du Parlement, fort du soutien de la droite et de l'extrême-droite, malgré l'opposition de certaines formations de gauche.

Retrait du permis de séjour de Syriens parce que leurs régions d'origine seraient désormais sûres, durcissement d'une loi anti-"ghettos" visant à plafonner le nombre d'habitants "non occidentaux" dans les quartiers, objectif officiel d'atteindre le "zéro réfugié": l'exécutif de centre-gauche mène actuellement une des politiques migratoires les plus restrictives d'Europe.

Payé par le Danemark

Selon le projet de loi, tout demandeur d'asile au Danemark sera, une fois sa demande enregistrée et à quelques rares exceptions près type maladie grave, envoyé dans un centre d'accueil en dehors de l'Union européenne. 

S'il n'obtient pas le statut de réfugié, le migrant sera prié de partir du pays hôte. 

"Mais dans le projet du gouvernement, ceux qui obtiendraient le droit d'asile ne seraient pas autorisés à +retourner+ au Danemark, ils auraient simplement le statut de réfugié dans le pays tiers", souligne Martin Lemberg-Pedersen, spécialiste des questions migratoires à l'université de Copenhague.

Toute la procédure sera confiée au pays tiers, moyennant paiement danois.

Pour le moment, aucun pays n'a accepté d'accueillir un tel projet mais le gouvernement assure discuter avec cinq à dix pays, non identifiés.

Egypte, Erythrée, Ethiopie circulent dans la presse danoise. Mais c'est surtout avec le Rwanda - qui avait un temps envisagé d'accueillir des demandeurs d'asile pour le compte d'Israël - que les discussions semblent les plus avancées. 

Fin avril, un protocole d'accord a été signé sur la coopération en matière d'asile et de migration, sans mentionner l'externalisation de la procédure d'asile.

Le système "doit bien sûr être établi dans le cadre des conventions internationales. Ce sera une condition préalable à un accord" avec un pays tiers, assure à l'AFP le ministre des Migrations, Mattias Tesfaye, qui le mois dernier avait défendu qu'il ne s'agirait pas forcément de démocratie "au sens où nous l'entendons".

Revirement

Le projet, incarné par Mme Frederiksen, acte le revirement complet de la social-démocratie danoise sur les questions migratoires. 

Ainsi que la généralisation à presque tout le spectre politique de propositions jadis réservées à l'extrême-droite, note le politologue Kasper Hansen, professeur à l'Université de Copenhague.

Cinq ans après l'adoption d'une loi controversée permettant la saisie des biens de valeur des migrants entrant au Danemark - qui avait fait le tour du monde mais était restée très peu appliquée - les autorités poursuivent leur stratégie de dissuasion. 

Seulement 761 personnes ont obtenu l'asile en 2019 et 600 en 2020, contre plus de 10.000 en 2015. Rapporté à sa population, le Danemark accueille dix fois moins de réfugiés que ses voisins allemand ou suédois.

"Ce projet est la continuation d'une politique symbolique, c'est un peu comme Donald Trump et son mur", estime le secrétaire-général de l'ONG ActionAid Danemark, Tim Whyte.

Cet énième tour de vis inquiète les observateurs internationaux: le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies le juge "contraire aux principes sur lesquels repose la coopération internationale en matière de réfugiés".

"En initiant un changement aussi drastique et restrictif (...), le Danemark risque de déclencher un effet domino, où d'autres pays en Europe et dans les régions voisines exploreront également les possibilités de limiter la protection des réfugiés sur leur propre territoire", souligne son représentant dans les pays nordiques, Henrik Nordentoft.

Selon Tim Whyte, il s'agit là d'une manière de se désengager face à ses partenaires européens alors que le Danemark jouit déjà d'une exception sur la coopération en matière d'asile et de migration.

"Les réfugiés vont demander l'asile en Allemagne, en France, en Suède. Cela (le projet de loi danois, ndlr) ne va pas les empêcher de franchir la Méditerranée, ils ne viendront seulement plus au Danemark qui de cette manière se défausse", dit-il à l'AFP.


L'Otan en plein doute sur son avenir face à la tempête Trump

Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, s'exprime lors d'une conférence et d'une réunion avec des étudiants de l'École d'économie de Varsovie (SGH), à Varsovie (Pologne), le 26 mars 2025. (Photo Wojtek RADWANSKI / AFP)
Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, s'exprime lors d'une conférence et d'une réunion avec des étudiants de l'École d'économie de Varsovie (SGH), à Varsovie (Pologne), le 26 mars 2025. (Photo Wojtek RADWANSKI / AFP)
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  • Sous les coups de butoir de Donald Trump et de son équipe, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, vieille dame de plus de 75 ans, doit rapidement changer.
  • les États-Unis restent membres de l'OTAN, y compris pour la dissuasion nucléaire, mais se désengagent des forces conventionnelles, comme l'a évoqué le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. 

BRUXELLES : Les tirs de barrage américains contre les pays européens de l'Otan ébranlent jusqu'aux fondements de l'Alliance atlantique, qui a cependant toutes les peines du monde à imaginer un avenir sans les États-Unis.

Sous les coups de butoir de Donald Trump et de son équipe, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, vieille dame de plus de 75 ans, doit rapidement changer. Un diplomate interrogé sous couvert d'anonymat décrit l'agressivité de la nouvelle administration américaine comme un « traumatisme ».

Ce changement se fera-t-il avec ou sans les États-Unis ? La question agite les couloirs du siège de l'Alliance à Bruxelles.

« On connaît la direction : moins d'États-Unis et plus d'Europe », résume un diplomate sous couvert d'anonymat. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens.

En deux mois, Donald Trump s'en est pris au Canada qu'il entend voir devenir le 51ᵉ État américain, et au Danemark, dont il revendique l'un des territoires, le Groenland. 

Plusieurs responsables américains, dont le vice-président J. D. Vance, n'ont pas caché leur mépris à l'égard des Européens, considérés comme des « profiteurs » et des passagers clandestins d'une alliance où, dénoncent-ils, ils ne paient pas leur dû.

Depuis le 20 janvier, date du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, « l'optimisme est de moins en moins de mise », confie un diplomate. « Les États-Unis n'ont pas encore pris de décisions concrètes, mais on dirait que chaque jour est porteur d'un nouveau coup contre les fondations de l'Alliance. »

- Transition « désordonnée » -

Pour Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'Otan et chercheur auprès de l'ECFR, trois scénarios sont possibles.

Celui de la transition ordonnée : les Américains se désengagent, mais en bon ordre, à la suite d'une négociation qui donne aux Européens le temps de se préparer. « Cela permet d'éviter les incertitudes », assure-t-il dans un entretien avec l'AFP.

Celui de la transition « désordonnée » : les États-Unis restent membres de l'OTAN, y compris pour la dissuasion nucléaire, mais se désengagent des forces conventionnelles, comme l'a évoqué le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. 

Le retrait se fait « en mode crise », avec des « menaces et des annonces désordonnées ». C'est « le scénario dominant » aujourd'hui, estime l'analyste.

Il y a aussi le scénario cauchemar pour nombre d'Alliés : le retrait « de facto ou de jure ». Les États-Unis se désintéresseront de la défense du continent européen.

Donald Trump exige que les Européens et les Canadiens consacrent au moins 5 % de leur PIB à cette défense, alors qu'ils sont à moins de 2 % pour l'Italie ou l'Espagne. La marche est très haute. Mais tous savent qu'il faudra « annoncer » quelque chose au sommet de l'OTAN en juin, selon un diplomate.

Le Secrétaire général de l'Alliance Mark Rutte a évoqué un chiffre entre 3,5 et 3,7 %. Ce sera difficile, mais c'est une question de priorités dans les dépenses nationales, ajoute-t-il. 

Personne ne sait si ce chiffre sera suffisant pour Donald Trump.

- "Cinq ans" -

En attendant, beaucoup à Bruxelles et dans les autres capitales européennes s'interrogent sur un "après" Etats-Unis.

"Nous avons toujours su que le moment viendrait où l'Amérique se retirerait en quelque sorte et où l'Europe devrait faire davantage", rappelle ainsi Jamie Shea, ancien porte-parole de l'Otan et expert auprès du think tank londonien Chatam House.

Et le calendrier est très serré. Les Européens ont "cinq ans" pour recréer une dissuasion face à la menace russe, juge ainsi Camille Grand. Un calcul basé sur le temps jugé nécessaire, selon plusieurs services de renseignement, pour que la Russie reconstitue son armée et soit en mesure de menacer un pays de l'Otan, explique-t-il. 

Selon cet expert français, les Européens en sont capables, même si un investissement substantiel sera nécessaire pour combler l'apport américain en termes de renseignement, de satellites ou de logistique. « Il n'y a pas de raison que 500 millions d'Européens ne puissent pas dissuader 140 millions de Russes », assure-t-il.

Plusieurs pays en doutent. « Les États-Unis restent indispensables pour une dissuasion crédible », estime ainsi un diplomate européen auprès de l'Otan.


Le Wisconsin, théâtre d'une première défaite électorale pour Trump et Musk

 Donald Trump et Elon Musk. (Photo AFP)
Donald Trump et Elon Musk. (Photo AFP)
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  • Le président américain Donald Trump a essuyé mardi son premier revers électoral avec l'élection d'une juge démocrate dans le Wisconsin,
  • En Floride, deux législatives partielles ont également eu lieu mardi dans des circonscriptions solidement ancrées à droite et qui resteront dans l'escarcelle des républicains, selon les projections de plusieurs médias

WASHINGTON : Le président américain Donald Trump a essuyé mardi son premier revers électoral avec l'élection d'une juge démocrate dans le Wisconsin, un scrutin habituellement d'ampleur locale, marqué cette fois-ci par la forte implication d'Elon Musk.

Selon les projections de plusieurs médias américains, Susan Crawford, soutenue par les démocrates, a remporté un siège pour dix ans à la Cour suprême de cet État de la région des Grands Lacs.

Elle faisait face à Brad Schimel, soutenu par Donald Trump et par le multimilliardaire Elon Musk, et dont la victoire aurait fait basculer la haute instance du Wisconsin du côté conservateur.

En Floride, deux législatives partielles ont également eu lieu mardi dans des circonscriptions solidement ancrées à droite et qui resteront dans l'escarcelle des républicains, selon les projections de plusieurs médias.

Mardi soir, le président a mis à profit sa plateforme Truth Social pour se féliciter des deux « larges » victoires de son camp en Floride, mettant en avant son « soutien » aux candidats.

Il n'a en revanche pas commenté le résultat pour la Cour suprême du Wisconsin, préférant y retenir l'adoption, par un référendum organisé le même jour, d'une mesure obligeant les électeurs à présenter une pièce d'identité avec photo afin de pouvoir voter.

« C'est une grande victoire pour les républicains, peut-être la plus grande de la soirée », a-t-il écrit.

« Le plus important » 

Elon Musk n'a pas non plus réagi à la défaite de Brad Schimel, et a plutôt salué l'issue du référendum local. « C'était le plus important », a-t-il affirmé sur son réseau social X.

Le patron de Tesla et Space X s'inquiétait d'un potentiel rééquilibrage par la Cour suprême locale dans le découpage des circonscriptions électorales, en faveur des démocrates. État pivot, le Wisconsin avait été remporté par Donald Trump à la présidentielle de novembre.

« C'est l'une de ces situations étranges où une petite élection en apparence pourrait déterminer le destin de la civilisation occidentale », avait lancé Elon Musk mardi.

Le président républicain avait, lui, publié lundi sur Truth Social un message de soutien à Brad Schimel. Il s'en était surtout pris à Susan Crawford, qui serait, selon lui, « un désastre pour le Wisconsin et pour les États-Unis d'Amérique ».

Un peu plus de deux mois après le début de son mandat, les enquêtes d'opinion indiquent une baisse relative de la popularité de Donald Trump. Ces élections dans le Wisconsin et en Floride étaient les premières véritables épreuves auxquelles il faisait face dans les urnes depuis novembre.

Campagne onéreuse 

Mardi, le trumpiste Randy Fine a bien remporté le siège en jeu à la Chambre des représentants face au démocrate Josh Weil, mais avec une avance bien plus mince qu'il y a quelques mois.

Ces résultats ont « de quoi donner des sueurs froides à mes collègues républicains », a déclaré sur la chaîne MSNBC Hakeem Jeffries, responsable de la minorité démocrate à la Chambre des représentants. Cela fait écho à la difficulté de l'opposition à se faire entendre depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

Dans le Wisconsin, les deux camps avaient sorti l'artillerie lourde pour une élection qui, d'ordinaire, passe inaperçue dans le reste du pays.

Selon le Centre Brennan de l'université de New York, c'est « le scrutin judiciaire le plus coûteux de l'histoire américaine », avec plus de 98 millions de dollars déversés dans la campagne, dont 53 millions en faveur du candidat conservateur.

Elon Musk n'est pas étranger à cela.

« Il a dépensé plus de 25 millions de dollars pour essayer de m'empêcher de siéger à la Cour suprême du Wisconsin », a lancé dimanche Susan Crawford lors d'un rassemblement.

Son équipe de campagne avait récemment accusé Elon Musk de vouloir « acheter un siège à la Cour suprême du Wisconsin afin d'obtenir une décision favorable » dans des poursuites engagées par Tesla, son entreprise de véhicules électriques, contre les autorités du Wisconsin.


Amnesty International demande à la Hongrie d'arrêter M. Netanyahou

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo d'archives de l'AFP)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo d'archives de l'AFP)
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  • Le Premier ministre israélien doit se rendre cette semaine dans un pays membre de la Cour pénale internationale
  • Cette visite " ne doit pas devenir un indicateur de l'avenir des droits humains en Europe "

LONDRES : Amnesty International a demandé à la Hongrie d'arrêter le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, à la suite d'informations selon lesquelles il se rendra dans cet État membre de l'UE mercredi à l'invitation de son homologue hongrois Viktor Orban.

M. Netanyahou fait l'objet d'un mandat d'arrêt délivré en novembre par la Cour pénale internationale en raison de la conduite d'Israël à Gaza.

M. Orban, proche allié de M. Netanyahu, a déclaré qu'il n'exécuterait pas le mandat. En tant qu'État membre, la Hongrie est tenue d'exécuter tout mandat d'arrêt délivré par la CPI.