PARIS: L'Assemblée nationale a adopté mercredi soir en première lecture un projet de loi renforçant les mesures antiterroristes et le renseignement.
Le texte, qui pérennise des mesures inspirées de l'état d'urgence, a été voté par 87 voix contre 10 et 4 abstentions. Il doit désormais aller au Sénat.
Pour le gouvernement, ce nouveau projet dans l'arsenal antiterroriste concilie "vigilance" face à la menace et "protection" des libertés, avec pour notamment le souci d'éviter une censure du Conseil constitutionnel.
"Le terrorisme mute comme un sale virus. (...) Il est tout à fait normal que nous suivions ces évolutions", a plaidé le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.
Le groupe LR, qui a longuement bataillé pour tenter de durcir ce texte examiné depuis mardi, a finalement appelé à voter pour "par esprit de responsabilité" même s'il considère qu'il constitue, selon Eric Ciotti, "une occasion manquée".
A gauche, LFI a tenté sans succès de s'y opposer avec une motion de rejet. Le député "insoumis" Ugo Bernalicis a estimé qu'avec ce projet de loi "nous glissons vers un régime de plus en plus autoritaire".
Chez les socialistes, Marietta Karamanli a estimé qu'il n'y avait "aucune certitude sur l'efficacité" des mesures proposées, mais les élus du groupe ont eu liberté de vote. Pour LREM Jean-François Eliaou a salué un texte "utile et équilibré".
Le projet de loi vise notamment à faire entrer définitivement dans le droit commun quatre mesures emblématiques mais expérimentales de la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (Silt) de 2017.
Périmètres de sécurité, fermeture de lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) et visites domiciliaires: ces quatre dispositions de police administrative avaient pris la suite de mesures de l'état d'urgence, mises en oeuvre pendant deux années après les sanglants attentats de Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015.
"Guantanamo à la française"
En toile de fond, l'inquiétude des acteurs de la lutte antiterroriste autour de la libération des détenus condamnés pour actes de terrorisme.
Annoncé dans la foulée de l'attentat contre une fonctionnaire de police à Rambouillet (Yvelines), ce nouveau projet de loi était programmé de longue date.
Et près d'un an après la censure par le Conseil Constitutionnel d'une proposition de loi LREM instaurant des mesures de sûreté, le gouvernement propose deux volets de mesures pour éviter les "sorties sèches".
Il a ainsi choisi de muscler les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance en les allongeant jusqu'à deux ans cumulés pour certains ex-détenus condamnés pour terrorisme.
Le projet prévoit ainsi l'interdiction, pour une personne sous surveillance et assignée dans un périmètre de résidence, d'être présente lors d'un évènement exposé à un risque terroriste particulier.
Le député Bernalicis s'est dit "pas d'accord pour mettre des privations de liberté sur des personnes qui n'ont pas commis d'infractions".
Eric Ciotti a à l'inverse fustigé "la faiblesse de nos outils par rapport à la gravité des menaces" des "bombes humaines qui vont sortir de prison". Il a prôné une révision constitutionnelle pour pouvoir "changer de cadre" en matière de lutte antiterroriste.
Outre l'écueil d'une possible censure du Conseil constitutionnel, M. Dupond-Moretti a dénoncé dans la "surenchère" de la droite le risque d'aboutir à un "Guantanamo à la française".
Un autre volet concerne le renseignement, avec pour objectif de tirer les conséquences des évolutions technologiques et juridiques de ces cinq dernières années.
Les services disposeront d'un régime particulier de conservation des renseignements pour améliorer les outils d'intelligence artificielle, pourront intercepter des communications satellitaires.
La technique dite de l'algorithme qui permet d'analyser des données de navigation sur internet fournies par les opérateurs télécoms, pérennisée, est étendue aux URL de connexion.
Le projet propose en outre de libéraliser l'accès à certaines archives à des fins d'études et de recherches, sans dissiper les craintes d'historiens.