Tribune des militaires : retour sur un séisme politique avorté

Photo prise lors du défilé militaire du 14 juillet 2020 à Paris / AFP
Photo prise lors du défilé militaire du 14 juillet 2020 à Paris / AFP
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Tribune des militaires : retour sur un séisme politique avorté

  • Le chef d’état-major des Armées, François Lecointre a annoncé que les militaires signataires de la tribune controversée encourent la radiation ou des sanctions disciplinaires
  • Le procureur de Paris, Rémy Heitz, a rejeté la demande de La France insoumise d'engager des poursuites visant les auteurs et diffuseurs de ladite tribune

CASABLANCA : « L’heure est grave, la France est en péril, plusieurs dangers mortels la menacent ». C’est en ces termes que débute, ce qu’on appelle désormais « la Tribune des militaires », un appel lancé mercredi 21 avril 2021, à l’initiative de Jean-Pierre Fabre-Bernadac, officier de carrière et responsable du site Place Armes, pour un retour de « l’honneur » et du « devoir » au sein de la classe politique française.

La lettre, signée par 25 généraux à la retraite, une centaine de haut-gradés, ainsi que plus d'un millier de militaires, a été diffusée par Valeurs actuelles sur son site internet et n’a pas manqué de créer la polémique, d’autant plus que celle-ci a été suivie par la publication, deux jours plus tard, sur le même support, d'une deuxième lettre, signée cette fois-ci par Marine le Pen.

Dans sa lettre, Marine le Pen, présidente du groupe d’extrême droite, le Rassemblement National (RN), affiche son soutien à cette tribune qui dénonce « le délitement » de la France et qui appelle Macron à défendre le patriotisme. Marine le Pen en profite, par la même occasion, pour inviter ces militaires à se joindre à son action « pour prendre part à la bataille qui s’ouvre (...) qui est avant tout la bataille de la France ».

Une invitation qui n’est pas surprenante dans la mesure où le texte reprend certaines thématiques chères au RN. En effet, ces militaires dénoncent le « délitement » qui frappe la France et « qui, à travers un certain antiracisme, s’affiche dans un seul but: créer sur notre sol un mal-être, voire une haine entre les communautés (...) Délitement qui, avec l’islamisme et les hordes de banlieue, entraîne le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des dogmes contraires à notre Constitution (...) Délitement, car (...) le pouvoir utilise les forces de l’ordre comme agents supplétifs et boucs émissaires face à des Français en gilets jaunes exprimant leurs désespoirs ».

Réactions en chaîne 

Cet appel qui a eu l’effet d’une bombe dans la sphère politique française, a recueilli son lot de fustigations et de critiques, à commencer par celles d'une partie de la gauche.

La première réaction est venue de Jean-Luc Mélenchon, leader de la France insoumise, qui a fustigé samedi dernier la « stupéfiante déclaration de militaires s'arrogeant le droit d'appeler leurs collègues d'active à une intervention contre les islamo gauchistes ». De son côté Benoît Hamon a estimé via un tweet qu’il s’agissait ni plus ni moins d’une menace explicite appelant au coup d’Etat. Tous les deux se sont offusqués du manque de réaction du gouvernement.

Ce n’est que dimanche 25 avril que la ministre des Armées, Florence Parly, a marqué la position du gouvernement en s'élevant contre « une tribune irresponsable » qui précise-t-elle n’est signée que par des militaires à la retraite qui n’ont plus aucune fonction au sein de l’armée. Elle ajoutera par ailleurs, que les mots de Madame Le Pen « reflètent une méconnaissance grave de l'institution militaire, inquiétant pour quelqu'un qui veut devenir cheffe des armées ».

Le lendemain, ce sera au tour d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de l’Industrie, de condamner la tribune tout en déclarant sur France info : « Soixante ans jour pour jour après le putsch des généraux contre le général de Gaulle, tout cela n'est pas gratuit (...) Le masque tombe, le vernis craque, Marine Le Pen c'est l’extrême droite et c'est très exactement le même schéma qu'il y a 60 ans ». Le jour même, Jean-Luc Mélenchon et son groupe parlementaire demanderont au procureur de Paris « d’engager des poursuites » contre les auteurs de la tribune, ceci en s’appuyant sur un article du code de procédure pénale pour signaler au magistrat un manquement à la loi, en l'occurrence la « provocation à la désobéissance de militaires ».

Le jour même, la ministre des Armées Florence Parly leur emboîtera le pas en demandant des sanctions. « Pour ce qui concerne les militaires qui ont enfreint le devoir de réserve, bien entendu, des sanctions sont prévues, et j'ai donc demandé pour ceux qui seraient parmi les signataires signalés, des militaires d'active, j'ai demandé au chef d'état-major d'appliquer les règles qui sont prévues dans le statut des militaires, c'est-à-dire des sanctions » a-t-elle déclaré sur la radio France Info.

Sanctions promises et réclamations indues

Finalement, mercredi 28 avril 2021 au soir, le chef d’état-major des Armées, François Lecointre, a annoncé que les militaires signataires de la tribune controversée encourent la radiation ou des sanctions disciplinaires. « Ces officiers généraux vont passer chacun devant un conseil supérieur militaire. Au terme de cette procédure, c’est le président de la République qui signe un décret de radiation » a-t-il précisé.

De son coté le Premier ministre, Jean Castex a condamné « avec la plus grande fermeté », mercredi la tribune , tout en dénonçant la « récupération politique inacceptable » de Marine Le Pen

Cette tribune qui promet la « guerre civile » et des « morts par milliers », si « rien n’est entrepris » (Ndlr : par le président de la République), aurait pourtant trouvé grâce dans les rangs de la droite selon Rachida Dati, qui s’est dite « d’accord sur le constat », tout en nuançant que « les militaires ne sont pas dans leur rôle quand ils font de la politique ».

Enfin aux dernières nouvelles, le procureur de Paris, Rémy Heitz, a rejeté la demande de La France insoumise d'engager des poursuites visant les auteurs et diffuseurs de ladite tribune, car « aucune infraction pénale » n'y figure, selon un courrier dévoilé mardi par Jean-Luc Mélenchon sur Facebook.

(Avec AFP)


Macron met en garde contre la mort de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Le président français a évoqué une Europe «dans une situation d'encerclement» face aux grandes puissances régionales
  • Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a appelé l'UE à renforcer encore sa défense au sein de l'Otan

PARIS: "Notre Europe est mortelle, elle peut mourir". Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, en exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une "Europe puissance" et une défense "crédible".

"Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant" car "à l'horizon de la prochaine décennie, (...) le risque est immense d'être fragilisé, voire relégué", a-t-il asséné devant 500 invités, dont les ambassadeurs des 26 autres Etats membres de l'UE, des étudiants, des chercheurs et le gouvernement au complet.

Le président français a évoqué dans un discours-fleuve une Europe "dans une situation d'encerclement" face aux grandes puissances régionales et a jugé que les valeurs de la "démocratie libérale" étaient "de plus en plus critiquées" et "contestées".

"Le risque, c'est que l'Europe connaisse le décrochage et cela, nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts", a averti le chef de l'Etat, en plaidant pour une "Europe puissante", qui "se fait respecter", "assure sa sécurité" et reprend "son autonomie stratégique".

Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu'il inviterait les Européens à se doter d'un "concept stratégique" de "défense européenne crédible", en évoquant la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.

Il a aussi appelé l'Europe à renforcer son industrie de défense et plaidé pour un "emprunt européen", sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l'armement en appliquant le principe de "préférence européenne".

Entrée en campagne

Face aux débats sur l'immigration portés par la droite et l'extrême droite, il a affirmé que l'UE devait "retrouver la maîtrise" de ses "frontières" et "l'assumer", proposant "une structure politique" continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migration, de criminalité et de terrorisme.

Sur le plan économique, pour aboutir à une "Europe de prospérité", Emmanuel Macron a défendu un "choc d'investissements commun", en doublant la capacité financière de l'UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel.

Devant les pratiques commerciales chinoises et américaines, le président français a également demandé une "révision" de la politique européenne "en défendant nos intérêts".

"Ca ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce telles qu'elles avaient été écrites il y a 15 ans, si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques", a-t-il déclaré.

Réagissant peu après, le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d'ondes que son homologue, a salué les "bonnes impulsions" du discours pour que "l'Europe reste forte" et promis de continuer à la "faire avancer ensemble".

Le discours d'Emmanuel Macron est largement considéré comme une entrée en campagne du chef de l'Etat français, alors que son camp patine à six semaines des élections européennes du 9 juin, pour lesquelles le Rassemblement national (RN, extrême droite) fait largement course en tête.

Selon un récent sondage Opinionway, la liste de la majorité présidentielle, à 19%, se situait toujours loin derrière celle du RN (29%), mais gardait une nette avance sur celle des socialistes (12%).

"Sur la scène européenne, cela fait sept ans qu'Emmanuel Macron confond ses incantations et ses gesticulations avec des réalisations", a ironisé Marine Le Pen, cheffe de file des députés du RN, sur X, accusant le chef de l'Etat de "brader des pans entiers de souveraineté" nationale.

Le palais présidentiel de l'Elysée a réfuté toute tactique électoraliste et affirmé que M. Macron ambitionnait d'"influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin.

Une légitimité qui sera mesurée à l'aune des réactions européennes. Et aux retours des Français, qui estiment à 57% que le président n'a pas eu "d'influence réelle" sur l'UE depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi.

Vendredi, le président prendra aussi la température lors d'un échange avec des étudiants à Strasbourg (Est), où il signera un nouveau contrat triennal pour conforter la stature européenne de la capitale alsacienne qui accueille le parlement européen.

 

 


UE: une majorité de Français doute de l'influence réelle de Macron, selon un sondage

Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
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  • 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas «s'impliquer davantage dans la campagne» car «ce n'est pas son rôle en tant que président de la République»
  • Pour autant 61% des Français jugent qu'une «défaite nette» de la liste Renaissance serait un «échec personnel» pour le président

PARIS: Une majorité de Français (57%) doute de l'influence réelle d'Emmanuel Macron sur le fonctionnement et les décisions prises par l'Union européenne depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi pour BFMTV.

Alors qu'Emmanuel Macron va mettre en avant son bilan européen lors d'un discours jeudi matin à la Sorbonne, seuls 42% des Français estiment que le chef de l'État a eu "une influence réelle sur le fonctionnement et les décisions prises par l’Union européenne" depuis 2017.

L'électorat d’Emmanuel Macron porte un regard très positif sur son rôle (70%), alors que la majorité des électeurs de gauche (56%) et d'extrême droite (68%) sont plutôt négatifs.

A un mois et demi des européennes, 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas "s'impliquer davantage dans la campagne" car "ce n'est pas son rôle en tant que président de la République".

Pour autant 61% des Français jugent qu'une "défaite nette" de la liste Renaissance serait un "échec personnel" pour le président.

En cas de large défaite du camp présidentiel, une majorité (61%) souhaite qu'Emmanuel Macron "change significativement d'orientation politique", une opinion partagée par 43% des électeurs du président au premier tour de l'élection présidentielle en 2022.

Pour autant, seule une minorité de Français (46% contre 54%) réclame une dissolution de l’Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées. Encore moins (39% contre 61%) souhaitent un changement de Premier ministre.

Si 58% des sondés déclarent tenir compte avant tout d'enjeux de politique européenne dans leur décision de vote, 41% concèdent qu'ils feront leur choix avant tout sur des enjeux nationaux, surtout parmi les électeurs RN (61%).

Ce sondage a été réalisé par internet du 23 au 24 avril à partir d'un échantillon de 1.001 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Selon les résultats, la marge d'erreur est comprise entre +/- 1,4 point et +/-3,1 points.


Evénements climatiques extrêmes: la Croix-Rouge souhaite un sac d'urgence par Français

Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
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  • Le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge
  • «75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule», selon un sondage OpinionWay

PARIS: Un "sac d’urgence" pour chaque Français en cas d’évacuation face aux événements climatiques extrêmes: c’est l’une des préconisations de la Croix-Rouge française dans un rapport sur la résilience de la société française, qui fait état d'un manque de préparation.

Canicule, sécheresse, incendies de forêt, inondations: le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge, en collaboration avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), publiée jeudi.

"75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule", selon un sondage OpinionWay pour la Croix-Rouge française.

"La préparation face aux crises est l'affaire de tous. Elle concerne bien entendu les pouvoirs publics, mais aussi les acteurs associatifs et privés, ainsi que les citoyens", déclare à l'AFP Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française.

Pour affronter "l’inévitable", l’association a dix recommandations. Dont la constitution du "Catakit", un sac d'urgence par personne, prêt en cas d'évacuation et comprenant par exemple de la nourriture non périssable, de l'eau, une trousse de secours, des vêtements et une lampe torche, pour attendre l'arrivée de l'aide.

"Seuls 11% des Français disposent d’un sac d’urgence prêt, et moins de la moitié connaît les objets indispensables qu’il faut y glisser", détaille le sondage OpinionWay.

Autre recommandation: la formation aux gestes et aux comportements qui sauvent. "On estime aujourd’hui à seulement 40% le nombre de Français ayant récemment suivi une formation aux gestes qui sauvent, contre 95% Norvège ou 80% en Allemagne", note le rapport.

Or, rappelle la Croix-Rouge, "si les individus sont informés et formés, l’impact des événements climatiques extrêmes sur les populations sera moindre et les dégâts matériels réduits".

L'association suggère que chaque Français ait a minima connaissance des réflexes vitaux: "savoir identifier les alertes sonores, avoir les bons comportements en cas de catastrophes" en plus de la maîtrise des gestes qui sauvent.

"Les événements climatiques extrêmes se manifestent de manière plus fréquente, plus intense, plus longue, et plus étendue géographiquement, rappelle Philippe Da Costa. "Tous les territoires de l'Hexagone et d’Outre-mer sont concernés".

Pour la Croix-Rouge, "il n’y a pas de fatalité". "Se préparer pour savoir comment agir avant les crises et comment réagir pendant les crises" pourra limiter l'impact des évènements climatiques extrêmes sur les populations.