PARIS: Plus de 25 000 manifestants, selon les autorités, se sont rassemblés dimanche à Paris et dans d'autres villes de France, pour contester l'absence de procès après le meurtre de Sarah Halimi en 2017, à l'appel de collectifs citoyens et de représentants de la communauté juive.
Ils étaient plus de 20 000 dans la capitale, a indiqué en fin de journée le ministère de l'Intérieur, et plus de 6 200 en province.
Sous le mot d'ordre « Sans justice pas de République », les manifestants parisiens se sont retrouvés place du Trocadéro à l'initiative d'un collectif « Agissons pour Sarah Halimi ».
Dès le début du rassemblement parisien, à 14H00, les organisateurs s'étaient félicités d'une « immense victoire ». Dans la foule, des pancartes ont été brandies, portant les messages « Pas de droit sans justice », « Justice défoncée ? » ou « Justice pour Sarah Halimi », quand d'autres manifestants huaient les magistrats de la Cour de cassation.
« La clameur est montée et l'espoir est revenu. L'espoir, c'est vous ici », a lancé à la tribune le frère de Sarah Halimi (ou Lucie Attal), William Attal.
De nombreuses personnalités cultuelles, politiques, et du monde culturel et du spectacle, étaient également présentes pour réclamer « justice » pour Sarah Halimi, et une évolution de la loi.
En milieu de journée dimanche, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti avait déjà annoncé la présentation « fin mai » en Conseil des ministres d'un projet de loi visant à « combler » un « vide juridique », après que la Cour de cassation a confirmé l'irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, sexagénaire juive tuée en 2017 à Paris.
Cette annonce fait suite à une demande du président Emmanuel Macron.
Avec la future nouvelle loi, « si justice n'a pas été rendue pour Sarah Halimi, elle sera rendue grâce à Sarah Halimi », a lancé au micro Jonathan Behar, l'un des organisateurs du rassemblement.
Cette mobilisation a eu lieu en réaction à la confirmation, le 14 avril, par la Cour de cassation, de l'impossibilité de juger le meurtrier de Sarah Halimi, compte tenu de l'abolition de son discernement lors des faits.
Selon les sept experts psychiatriques qui l'ont examiné, Kobili Traoré, gros consommateur de cannabis, était en proie à une « bouffée délirante » lorsqu'il a tué sa voisine de 65 ans, Lucie Attal, aussi appelée Sarah Halimi.
La cour d'appel de Paris avait conclu à l'existence d'un trouble psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits, ce que la Cour de cassation a jugé conforme au droit.
L'impossibilité d'un procès a suscité une très forte incompréhension au sein d'une partie de la communauté juive française, et déclenché un vif débat sur la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles psychiatriques sur fond de consommation de drogues.
Sarah Halimi est « victime d'un déni de justice et d'un naufrage judiciaire », a fustigé lors du rassemblement parisien Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). « La nouvelle loi doit porter le nom de Sarah Halimi », a-t-il exhorté.
Les manifestants étaient aussi 2 000 à Marseille, 1 200 à Lyon, 600 à Strasbourg et Deauville, 400 à Toulouse et Nice, selon l'Intérieur. A l'étranger, environ 500 personnes se sont rassemblées devant l’ambassade de France à Tel Aviv. Elles étaient environ 150 à Londres.
« La justice française c'est zéro. N'importe qui peut tuer sous prétexte qu'il ait bu ou fumé sans être inquiété par la justice. Il faut assumer ses actes, c'est pas normal », accusait Céline Duka, présente dans le cortège marseillais « pour ne pas qu'on tue (Sarah Halimi) une deuxième fois ».
A Lyon, près des pancartes proclamant « Juges où est votre honneur ? » ou « Fume des joints, il ne t'arrivera rien », le grand rabbin Daniel Dahan a demandé que « la lutte contre l'antisémitisme (devienne) une grande cause nationale, pas seulement dans les discours, mais dans les actes ».
Une rue de Paris va porter le nom de Sarah Halimi
La maire socialiste de Paris Anne Hidalgo a annoncé dimanche qu'une rue de la capitale porterait le nom de Sarah Halimi, sexagénaire juive tuée en 2017 à Paris, à l'occasion d'un rassemblement sur la place du Trocadéro à Paris contre l'absence de procès dans cette affaire.
« Une rue portera le nom de Sarah Halimi à Paris, c'est un projet sur lequel nous allons travailler évidemment avec la famille, mais le nom de Sarah figurera dans nos rues parisiennes », a déclaré l'édile sur BFMTV.
« Ca sera aussi une façon de lui rendre justice, pas de lui rendre la vie, mais de lui rendre justice », a-t-elle ajouté.
« Ce crime doit être jugé. Je pense qu'il faut une nouvelle loi et que cette loi s'appelle Sarah Halimi » , a-t-elle affirmé.
Des centaines de manifestants à Tel-Aviv réclament un procès
Des manifestants brandissaient des panneaux avec le portrait de la victime et sur lequel on pouvait lire « Justice pour Sarah Halimi » lors de ce rassemblement devant l'ambassade de France à Tel-Aviv.
« J'ai honte d'être française, la France de mon enfance n'existe plus », a affirmé Roselyne Mimouni, une retraitée franco-israélienne venue manifester. « Je suis atterrée qu'une femme juive ait été assassinée en France parce qu'elle était juive ».
« La communauté française d'Israël est venue exprimer sa colère et son amertume », a souligné de son côté Daphna Poznanski, ex-député de la 8e circonscription (qui inclut Israël) des Français de l'étranger.
Des députés israéliens ont pris la parole pour exprimer leur solidarité avec la famille Halimi et la communauté juive de France, à l'instar de Yossi Taïeb, député du parti ultra-orthodoxe séfarade Shass, lui-même natif de France.
« La décision de la justice française est absurde, scandaleuse et dangereuse. De Tel-Aviv à Paris, le peuple juif, en Israël et dans le monde entier, est solidaire de la famille Halimi et de la communauté juive de France », a déclaré la ministre israélienne de la Diaspora, Omer Yankelevich.