LONDRES : Une « atmosphère d'islamophobie » pousse les musulmans français à émigrer vers des pays comme le Royaume-Uni et le Canada, selon un nouveau livre.
Selon The Times, les auteurs de « La France, tu l'aimes mais tu la quittes » comparent ce phénomène à une « fuite des cerveaux ».
Cependant, contrairement à une fuite des cerveaux conventionnelle, les professionnels musulmans en France échangent un pays prospère pour un autre.
La France compte la plus grande population musulmane d'Europe, avec environ 7 à 10 % de ses 67 millions d'habitants appartenant à cette foi.
Parmi les musulmans ayant quitté la France, plus de sept sur dix déclarent être partis en partie à cause du racisme et de la discrimination.
La France suit une politique de laïcité, qui interdit l'affichage de symboles religieux dans la vie professionnelle, y compris dans le droit, la fonction publique et l'éducation.
Selon Olivier Esteves, co-auteur du livre et professeur à l'Université de Lille, beaucoup de musulmans qui émigrent sont parmi les plus ambitieux professionnellement mais aussi les plus pieux, ce qui entraîne un conflit de valeurs.
Le professeur à l'Université de Lille cite également la popularité du Rassemblement National de Marine Le Pen comme facteur aggravant de cette fuite des cerveaux. Le parti d'extrême droite affirme que l'Islam est une menace existentielle pour l'identité française.
Esteves prévient qu’une victoire électorale du RN entraînerait une nouvelle vague d’émigration parmi les musulmans français qualifiés.
« Les gens qui s’opposent à l’immigration disent souvent ‘on ne se sent plus chez nous’ », explique-t-il. « Mais il y a de plus en plus de musulmans français qui ne se sentent plus chez eux en France. »
« Dans les prochains mois, nous verrons une désinhibition croissante des propos et des comportements islamophobes.
« Nous avons écrit sur des femmes qui se font cracher dessus parce qu’elles portent le hijab - ce genre de choses ne va qu’empirer. »
L’enquête à la base du livre a interrogé 1,000 répondants, principalement sur les réseaux sociaux. Environ 140 d’entre eux ont fait l’objet d’entretiens approfondis par les auteurs.
Esteves estime que le nombre de musulmans ayant quitté la France pourrait se chiffrer en « dizaines de milliers ».
Le mois dernier, des musulmans se sont rassemblés devant la Grande Mosquée de Paris pour exprimer leurs préoccupations de se sentir étrangers dans leur propre pays.
Une participante, Aminata Sylla, a confié au Times qu'elle « avait hâte » de partir pour la Grande-Bretagne ou Oman, citant une accumulation d'expériences négatives liées à sa couleur de peau, sa religion et son port du voile.
« Parfois, j’ai l'impression de ne pas pouvoir respirer », a-t-elle dit.
Sylla, qui prépare un master en relations internationales à l'Université de la Sorbonne, a déclaré qu’elle s'était sentie « comme un animal » à travers une série d'expériences négatives, y compris lorsqu’elle a été frappée dans le métro parisien pour avoir porté un hijab.
La jeune femme de 25 ans se décrit comme une « fille de la France abandonnée par sa mère ».
Mehdi, un professeur de français de 39 ans installé à Preston, en Angleterre, a qualifié sa décision de quitter sa ville natale de Lyon il y a trois ans de « déchirante », exprimant un sentiment d'échec face à l'impossibilité de maintenir sa relation avec son pays d'origine.
« Je ne pense pas avoir jamais autant pleuré que lorsque j’ai pris le ferry pour partir définitivement », a-t-il déclaré.