MOSCOU: Les autorités de la Transdniestrie, une région séparatiste prorusse de Moldavie, ont demandé mercredi à la Russie des "mesures de protection" face à la "pression accrue" qu'exerce selon elles Chisinau, sur fond de tensions exacerbées par le conflit en Ukraine voisine.
La diplomatie russe a rapidement répondu, assurant avoir pour "priorité" la "protection" des habitants de la Transdniestrie et ajoutant que Moscou allait "examiner avec attention" la demande de Tiraspol, sans donner plus de précisions.
Le gouvernement moldave a quant à lui dit "rejeter la propagande" des dirigeants séparatistes et affirmé que la région bénéficiait des "politiques de paix, de sécurité et d'intégration économique" dans le cadre de ses liens avec l'Union européenne.
L'enchaînement de ces événements rappelle toutefois au stade actuel celui similaire de février 2022, lorsque l'appel des séparatistes prorusses de l'Est de l'Ukraine avait ensuite été l'un des prétextes mis en avant par le président russe Vladimir Poutine pour déclencher une attaque de grande ampleur contre ce pays.
Les députés de Transdniestrie se sont réunis à Tiraspol en congrès extraordinaire et ont réclamé au Parlement russe de "mettre en œuvre des mesures pour protéger" ce petit territoire où vivent "plus de 220 000 citoyens russes" face à une "pression accrue de la part de la Moldavie".
La Transdniestrie est confrontée à des "menaces sans précédent de nature économique, socio-humanitaire et militaro-politique", est-il écrit dans leur déclaration.
Le ministre séparatiste des Affaires étrangères, Vitali Ignatiev, a précisé sur la chaîne de télévision russe Rossiya-24 qu'il s'agissait "tout d'abord de demander un soutien diplomatique" à Moscou.
A Washington, le porte-parole du Département d'Etat Matthew Miller a déclaré que "les Etats-Unis soutiennent fermement la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Moldavie à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues".
Premier pays européen à réagir officiellement, la Pologne, par la voix de son Premier ministre Donald Tusk, a jugé "dangereuses" les tensions dans la région.
Transdniestrie: l'Ukraine met en garde contre toute «interférence extérieure destructrice»
La diplomatie ukrainienne a mis en garde mercredi contre toute "interférence extérieure destructrice" en Transdniestrie, région séparatiste prorusse de Moldavie voisine de l'Ukraine qui vient de demander la "protection" de Moscou.
Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a appelé dans un communiqué "à une résolution pacifique des questions économiques, sociales et humanitaires entre (la Moldavie) et (la Transdniestrie), sans aucune ingérence extérieure destructrice", allusion à peine voilée à la Russie.
"Nous faisons et continuerons à faire tout notre possible pour (...) empêcher toute tentative de la Russie de déstabiliser la Moldavie ou d'autres pays de notre région", a ajouté le ministère, qui a dit "suivre de près les derniers développements".
La diplomatie ukrainienne a également appelé "au retrait rapide des troupes russes" de la Transdniestrie.
Plus tôt dans la journée, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en Albanie pour un sommet de dirigeants d'Etats d'Europe du Sud-Est, a indiqué avoir rencontré son homologue moldave Maia Sandu, avec laquelle il a discuté "des récents développements dans la région moldave de Transdniestrie, des efforts de la Russie pour déstabiliser la région et de moyens efficaces pour contrer l'influence néfaste de l'Etat agresseur".
Accusations de «génocide»
Etroite bande de terre située entre la Moldavie et l'Ukraine, la Transdniestrie a fait sécession après une courte guerre en 1992 contre l'armée moldave. La Russie y maintient toujours 1.500 militaires censés notamment assurer une mission de maintien de la paix, selon les chiffres officiels.
Mais depuis l'assaut russe de février 2022 contre Kiev, des conjectures ressurgissent régulièrement quant à une éventuelle attaque russe à partir de la Transdniestrie en direction de la grande ville portuaire ukrainienne d'Odessa, sur la mer Noire.
Les autorités séparatistes ont assuré que le congrès de mercredi était une réaction à la récente introduction de droits de douane par Chisinau sur les importations en provenance de Transdniestrie.
Dans son discours, le président séparatiste Vadim Krasnosselski, cité par les médias locaux, a assuré que ce territoire subissait "une politique de génocide", via des pressions économiques, "physiques", juridiques et linguistiques.
La crainte d'une escalade
C'est la première fois qu'un tel congrès avait lieu depuis 2006, quand les députés séparatistes avaient décidé d'organiser un référendum sur une intégration de la Transdniestrie à la Russie.
Au cours de ce scrutin, dont le résultat n'a pas été reconnu internationalement, la population locale avait voté à 97,1% pour son rattachement à ce pays.
Depuis le début de l'assaut russe en Ukraine il y a deux ans, les craintes d'un élargissement du conflit à la Transdniestrie ont rejailli à plusieurs reprises.
L'an passé, les autorités de cet État autoproclamé avaient notamment accusé Kiev de vouloir l'attaquer après avoir affirmé avoir déjoué en mars un attentat ayant visé ses dirigeants.
Le ministère russe de la Défense a assuré la semaine dernière, sans présenter de preuves, que l'Ukraine préparait une "provocation armée" contre la Transdniestrie.
Comptant officiellement 465 000 habitants majoritairement russophones, ce territoire qui longe le Dniestr n'est pas reconnu en tant qu'Etat par la communauté internationale, y compris par Moscou.
Chisinau et l'Union européenne reprochent régulièrement à la Russie de chercher à déstabiliser la Moldavie, anciennement dans sa zone d'influence mais dont les autorités sont désormais résolument tournées vers l'Europe.