LONDRES : Comme un air de campagne électorale avant l'heure: largement devancés dans les sondages, les conservateurs au pouvoir au Royaume-Uni multiplient les attaques sur la carrière du chef de l'opposition travailliste Keir Starmer, en course pour devenir le prochain Premier ministre.
Ancien avocat spécialisé dans les droits humains, passé ensuite par le bureau du procureur pour l'Angleterre et le Pays de Galles (Crown Prosecution Service, CPS), Keir Starmer voit ses anciennes affaires passées au crible par les Tories - relayés par les médias britanniques conservateurs- à la recherche d'affaires potentiellement embarrassantes.
«Vous êtes un terroriste cherchant un conseil légal? Appelez Keir», moque le parti conservateur dans un tract publié cette semaine sur X (ex-Twitter).
«Quand je vois un groupe appelant au jihad dans nos rues, je l'interdis. Il (Keir Starmer) le prend comme client», a lancé mercredi Rishi Sunak au Parlement.
Il faisait référence au fait que Keir Starmer avait fait partie des avocats ayant conseillé le mouvement islamiste Hizb ut-Tahrir dans les années 2000, lorsque ce dernier s'opposait à une interdiction de ses activités en Allemagne.
Londres a intégré ce mouvement à la liste de ses organisations terroristes, notamment pour avoir soutenu l'attaque du Hamas du 7 octobre en Israël.
Peu avant, des articles de presse avaient pointé le fait que Keir Starmer avait défendu par le passé un membre de l'IRA, le groupe para-militaire Armée républicaine irlandaise, ainsi que le prédicateur islamiste Abou Qatada, considéré comme «l'ambassadeur européen de Ben Laden» et extradé en Jordanie en 2013.
- 27 points d'avance -
Le parti travailliste et plusieurs experts judiciaires ont estimé que Keir Starmer n'avait fait qu'appliquer une règle du droit britannique qui oblige un avocat à accepter tout travail dans un domaine dans lequel il se déclare compétent.
Menés de 27 points par les travaillistes pour les législatives attendues cet automne, selon un sondage d'opinion YouGov publié cette semaine, les conservateurs «semblent à court d'idées» et «n'ont pas grand chose à quoi se raccrocher», relativise Robert Ford, politologue à l'université de Manchester.
Après 14 ans au pouvoir, les Tories apparaissent usés et divisés, peinant à concrétiser certaines promesses faites en amont du Brexit, en particulier en matière de lutte contre l'immigration et de croissance économique.
Les Britanniques voient aussi durer une crise du pouvoir d'achat qu'on n'avait plus connu depuis des décennies et s'aggraver la déréliction de leurs services publics, en particulier dans la santé.
- «Indulgent avec les criminels» -
Dans un contexte de guerre culturelle contre le militantisme progressiste qu'ont endossé une partie des conservateurs, les attaques visant Keir Starmer visent aussi à le dépeindre comme un «avocat gauchiste», lui qui a par le passé défendu des syndicats ou des militants qui s'en étaient pris au géant McDonald's.
Durant ses cinq années à la tête du parquet, entre 2008 et 2013, il s'est attaqué aux dépenses indues des parlementaires, au piratage des téléphones de journalistes ou encore aux responsables du meurtre raciste d'un jeune étudiant noir qui avait profondément choqué le pays.
Des fonctions pour lesquelles il a été anobli en 2015.
Se défendant cette semaine, Keir Starmer a reconnu que «bien sûr», des erreurs avaient pu être commises pendant qu'il dirigeait le parquet, mais que ses adversaires ne trouveraient «rien d'accablant, ni de squelettes dans les placards».
Pour Tim Bale, professeur de sciences politiques à l'université Queen Mary de Londres, cette stratégie contre Keir Starmer ne prendra pas dans l'électorat: «Il est peu probable que les attaques personnelles puissent masquer les problèmes économiques qui plombent ce gouvernement, notamment l'état de l'économie et du système national de santé».