PARIS: D'une zone sinistrée, Anne Hidalgo a promis de faire une entrée "majestueuse" dans Paris. Mais si la mue de la porte de la Chapelle s'accélère avant les Jeux olympiques, le chemin reste encore long pour la transformer en quartier attractif.
Elle s'élève désormais au-dessus de l'entrée du périphérique et de l'A1: l'Arena, seule infrastructure construite intra muros en vue des JO (26 juillet - 11 août), doit être inaugurée le 11 février lors d'un match du Paris Basketball, son futur club résident.
Cette salle de 8.000 places, qui doit accueillir le badminton et la gymnastique rythmique pendant les JO, est l'un des nombreux chantiers en cours de la principale entrée nord de Paris.
En face, le deuxième site du campus Condorcet doit accueillir plus de 4.500 personnes à la rentrée 2025.
Entre les deux, l'axe nord-sud reliant le cœur de la capitale à la Seine-Saint-Denis est l'objet d'intenses travaux qui doivent s'achever en avril, au grand soulagement des commerçants qui, comme Brahim Fanny, leur reprochent d'avoir "tué le commerce".
Réduction de la place de la voiture au profit de larges trottoirs, d'une double piste cyclable et d'environ 160 arbres entourés de plantes: autour de son rond-point, la rue de la Chapelle dévoile un nouveau visage plus favorable au piéton.
Avec le parc Chapelle Charbon ouvert en 2020 tout près, la porte va "renaître" en 2024, s'est félicitée la maire socialiste Anne Hidalgo mercredi lors de ses voeux.
Outre une "dalle de granit comme sur les Champs-Elysées", le budget d'environ 50 millions est dédié à un mobilier urbain - colonne Morris, fontaine Wallace, bancs Davioud - correspondant à "l'esthétisme parisien", avait énuméré en décembre le premier adjoint (PS) Emmanuel Grégoire, soulignant ainsi que "la porte de la Chapelle, c'est Paris".
Tout sauf une évidence? Ce quartier populaire, isolé par les axes ferroviaires et routiers, souffre de maux qui en ont fait un repoussoir. Début 2020, en lançant de la Chapelle la campagne pour sa réélection, Anne Hidalgo avait reconnu "la difficulté à y vivre du fait des campements de migrants et des problèmes de drogue".
Si ces campements ont disparu, "ce n'est pas un quartier fréquentable", dit une employée de restaurant que son fiancé vient chercher "en voiture tous les soirs".
«Faites quelque chose !»
Habitante du quartier depuis vingt ans, Lise Hennon dit élever ses enfants dans un environnement "plus impressionnant qu'insécurisant", où les dealers "font du business entre eux".
Début décembre, les élus de gauche de la mairie ont été pris à partie par une femme dont le fils venait de se faire agresser sur l'axe en travaux. "Faites quelque chose !", leur a-t-elle demandé, excédée.
Outre les "moyens de police très importants", le quartier a besoin d'une "occupation positive de l'espace", répond Emmanuel Grégoire, pour qui l'Arena et le campus doivent insuffler une nouvelle dynamique commerciale afin que "le plus vite possible, les gens se disent, +tiens, je vais aller manger porte de la Chapelle+".
Avec l'Arena, une boulangerie et un espace culturel à Chapelle International, un ensemble d'immeubles flambant neuf, sont les prémices d'un "quartier agréable à vivre et où on a une raison d'aller", veut croire le maire (PS) du XVIIIe arrondissement, Eric Lejoindre.
"Ça fait 17 ans que je suis là, pas la peine de parler du futur: on n'a eu que des promesses", rétorque Farid, patron de bar, qui liste les déboires liés aux travaux, une "catastrophe" selon lui: obligation d'enlever véranda et terrasse sans compensation financière, absence de concertation et de signalétique, inondations, chaussée inadaptée aux piétons...
Salim Aouchiche, gérant du bar voisin où Mme Hidalgo a démarré sa campagne, se dit "mitigé" quant à l'après-JO: "c'est beau de mettre tant de millions pour refaire l'avenue, mais ce n'est pas avec eux qu'on va résoudre ces problèmes de sécurité".
Si "ces aménagements vont dans le bon sens", Olivier Ansart, président de l'association ASA-PNE qui accompagne les projets urbain du nord-est parisien, regrette lui la "densité" des nouveaux logements dans des "zones très fragiles d'un point de vue social", notamment à Chapelle International où "la partie végétale est réduite à la portion congrue".