PARIS: Kiabi mise sur la seconde main, Jacadi ne baisse pas ses prix, Gémo vend de tout, de la grenouillère au mocassin: face à la crise que traverse le prêt-à-porter, les enseignes se mettent en ordre de bataille pour se démarquer.
"En dix ans, la part de l'habillement a reculé de 15% dans le Caddie des Français", se désole Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l'habillement.
Le secteur du prêt-à-porter en France est secoué depuis plus d'un an par une violente crise. Camaïeu, Kookaï, Naf Naf, André, San Marina... Ces marques bien connues des consommateurs français ont souffert d'un cocktail détonnant : pandémie, inflation, hausse des coûts de production, des loyers et des salaires ou encore concurrence de la "fast fashion".
Mais certaines tirent leur épingle du jeu, comme Kiabi, qui a vu son chiffre d'affaires progresser de 10% en 2022. Son secret? Miser sur la seconde main (275 magasins ou "corners" la proposent sur 570 au total) mais aussi sur la location de vêtements ou encore leur écoconception (70% aujourd'hui, affirme la direction).
Jessica Thomas, assistante commerciale qui vient "une fois par mois à Kiabi", apprécie particulièrement le coton bio des vêtements.
"La qualité est bien pour le prix", confirme Flora Laayouni, employée de banque, à l'unisson des clients interrogés par l'AFP à la sortie d'un Kiabi des Hauts-de-Seine.
«La différence, c'est le style»
Les critères de consommation "pour demain vont forcément intégrer l'écoresponsabilité", juge Gildas Minvielle, de l'Institut Français de la Mode (IFM).
Autre griffe souvent citée pour sa résilience, la marque pour enfants Jacadi, positionnée haut de gamme. Celle-ci, à rebours des tendances, assume d'augmenter ses prix pour répercuter la hausse de ses coûts de production.
"Toute marque qui s'éloigne de son ADN est vouée à disparaître", estime son patron Cédric Dardenne, qui dirige une enseigne forte "d’une identité de marque bien posée", faisant partie "de la mémoire collective".
Jacadi a vu ses ventes progresser de 14% en 2022, à près de 180 millions d'euros.
"Quand les clients sont plus regardants sur la valeur du produit, (...) ce qui fait la différence, c'est le style", abonde Julien Pollet, PDG de Promod.
Il faut alors jouer les équilibristes entre "la tendance, sans tomber dans la fast fashion" et "le rapport qualité-prix", explique le patron de la marque qui affiche 8% de croissance en 2022 avec un chiffre d'affaires de près de 370 millions d'euros.
Développement à l'international
La marque Gémo s'appuie, elle, sur son approche globale, pour se raccrocher aux branches en cas de coup dur: "Si l'enfant va mal, on peut continuer à se développer sur l'adulte et inversement", ses magasins ciblant toute la famille, détaille son DG Philippe Thirache.
Revendiquant une croissance de chiffre d'affaires de 7% (906 millions en 2022), la marque se développe à l'international, au Gabon, au Cameroun, au Sénégal, par exemple, pour être "dans des pays où il y a énormément de naissances, une population qui croît".
Les enseignes "qui souffrent sont [celles] qui ne sont pas très lisibles en stratégie", estime-t-il.
"Ici, c'est de bonne qualité et pas trop cher", valide Sabrina, cliente du Gémo de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), interrogée par l'AFP.
Pour Gildas Minvielle de l'IFM, les difficultés du secteur remontent à 2015, en raison d'"une crise du circuit de distribution", avec trop d'ouvertures de magasins, qui ont saturé le marché. Ensuite, il y a eu l'arrivée de "gros acteurs étrangers", des concurrents comme Zara, H&M et, plus récemment, SheIn.
Puis, un problème de positionnement, avec un "milieu de gamme" qui a été "très attractif" tant qu'il n'était confronté qu'aux "indépendants multimarques" plus chers.
Mais la donne a changé avec l'arrivée de la "fast fashion" et le "discount" vestimentaire: quand ces derniers ont proposé des produits à prix cassés, les vêtements du milieu de gamme sont alors devenus "trop chers par rapport à la qualité proposée".