IJMUIDEN : Les pêcheurs du port néerlandais d'IJmuiden ramènent leur dernier butin de l'année attrapé dans les eaux territoriales britanniques et qui pourrait être le dernier de ce type si les négociations sur le Brexit venaient à échouer.
Alors que les dockers déchargent de leurs chalutiers des palettes de poissons congelés sur les quais du port très fréquenté d'IJmuiden, à l'ouest d'Amsterdam, la tempête politique qui se prépare pourrait bien faire couler leurs affaires.
Le sujet très sensible des droits de pêche menace de torpiller tout espoir d'un accord commercial avant la fin de la période de transition prévue jusqu'au 31 décembre et à l'issue de laquelle le Royaume-Uni doit quitter le marché unique européen.
Sans accord, les pêcheurs néerlandais ne seront plus en mesure de sillonner les eaux britanniques à la recherche de poisson, comme ils le font depuis des siècles.
"Il reste à savoir si nous devrons pêcher uniquement dans les eaux européennes ou si nous pourrons également encore le faire dans les eaux britanniques", affirme Arnout Langerak, 47 ans, directeur de l'entreprise de pêche Cornelis Vrolijk, en activité depuis cinq générations.
Depuis 400 ans
"Les Néerlandais, les pêcheurs néerlandais y pêchent déjà depuis 400 ans, si ce n'est plus. Nous aimerions continuer à le faire au cours des 400 prochaines années", a-t-il déclaré vendredi à l'AFP.
Si la pêche commerciale représente une part relativement modeste des économies de pays côtiers comme la Grande-Bretagne, la France et les Pays-Bas, elle revêt une importance politique considérable.
Le sort réservé aux communautés menacées de pêcheurs comme celle d'IJmuiden est au coeur des problématiques de souveraineté, d'identité nationale et du commerce.
À IJmuiden, les camions défilent au rythme des palettes de poissons qui y sont chargés, pour la dernière fois de l'année.
De nombreux navires quitteront le port après Noël, dans l'espoir de revenir avec ce qui deviendra la première prise de la nouvelle année, mais cette fois sans aucune certitude.
Dans l'usine voisine de Cornelis Vrolijk, des équipes de travailleurs dépiautent et nettoient un flux constant de harengs, destiné à être emballé pour les consommateurs belges, néerlandais et allemands.
L'une des frustrations des Néerlandais - qui raffolent du hareng cru - est que les Britanniques ne consomment qu'une partie restreinte du poisson qui se trouve dans leurs propres eaux territoriales.
"Les Britanniques mangent surtout du fish and chips, pas de harengs, ni de maquereaux, tout ce que nous, nous mangeons. Eux mangent de la morue", a déclaré Arnout Langerak.
"C'est typique des Britanniques de vouloir davantage du quota qu'ils ne consomment même pas eux-mêmes."
Les pêcheurs n'ont aucun doute sur les conséquences d'un "no-deal".
"Les chalutiers congélateurs néerlandais pêchent 70 pour cent de leurs prises dans les eaux britanniques", déclare Gerard van Balsfoort, 68 ans, président de l'Association européenne des chalutiers congélateurs pélagique, basée aux Pays-Bas.
"Dévastateur"
"Un non-accord est synonyme de non-accès. Cela signifie que nous perdons 70 pour cent de notre chiffre d'affaires. C'est dévastateur."
Les chalutiers congélateurs pélagiques pêchent des poissons vivant près de la surface de la mer comme le hareng, le maquereau et la sardine, avant de les congeler pour les garder au frais jusqu'à leur retour au port.
Le Royaume-Uni assure vouloir décider lui-même qui sera autorisé ou non à pêcher dans ses eaux territoriales, mais Bruxelles souhaite obtenir un accord sur le long terme, garantissant un accès aux navires de pêche de l'UE.
Le négociateur de l'UE, Michel Barnier, a déclaré vendredi qu'il ne restait "que quelques heures" afin de surmonter les divisions avec le Royaume-Uni et a confirmé que la pêche reste le sujet le plus glissant des négociations.
Dans les ports de pêche néerlandais comme IJmuiden, les sentiments sont exacerbés, mais les Néerlandais affirment qu'ils veulent un accord équitable.