DAKAR: Le président sénégalais Macky Sall a désigné samedi son Premier ministre Amadou Ba comme candidat de son camp à la présidentielle de février 2024, totalement indécise.
Amadou Ba, 62 ans, a moins de six mois pour convaincre les Sénégalais de lui confier la direction du pays après des années économiques et politiques difficiles, mais avec l'espoir de tirer profit des nouveaux revenus pétroliers et gaziers à partir de 2024.
Le président Sall l'a ouvertement chargé, s'il est élu, de poursuivre sa politique de grands chantiers visant à développer le pays et le sortir de la pauvreté.
Mais Amadou Ba risque pour cela de devoir affronter la concurrence dans son propre camp, la fin prévue des années Macky Sall ayant attisé les convoitises.
Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, a annoncé en juillet qu'il ne briguerait pas un troisième mandat.
Il avait maintenu pendant des mois l'incertitude sur une éventualité qui soulevait les objections constitutionnelles d'un grand nombre et qui passe pour avoir nourri de vives tensions dans un pays par ailleurs considéré comme un pôle de stabilité dans une région troublée.
Le camp de Macky Sall a alors donné carte blanche au président pour choisir un candidat.
M. Sall a attendu deux mois pour trancher parmi une dizaine de candidatures déclarées. Parmi elles, Amadou Ba faisait partie des favoris.
M. Ba avait pour lui son expérience: chef du gouvernement depuis septembre 2022, ministre des Affaires étrangères jusqu'en 2020, et auparavant parmi les premiers rôles pour mettre en oeuvre le plan d'émergence économique du président en sa qualité de ministre de l'Economie et des Finances de 2013 à 2019.
Macky Sall a fini par réunir les chefs de sa coalition au palais présidentiel samedi après-midi pour délivrer le verdict qui tenait la classe politique en haleine.
"Nous avons retenu Monsieur Amadou Ba, actuel Premier ministre, comme candidat de Benno Bokk Yakaar (BBK, la coalition gouvernementale) et de la grande majorité présidentielle", a-t-il dit dans un message lu en sa présence par son Haut représentant, Moustapha Niasse.
M. Ba "pourrait être un leader rassembleur" au-delà de la coalition, et "il connaît également très bien le plan Sénégal émergent pour assurer la poursuite des politiques économiques, sociales et environnementales", a-t-il ajouté.
«Choix cohérent»
Le chef de l'Etat a invoqué la diversité du parcours de M. Ba, inspecteur des impôts sorti de l'Ecole nationale d'administration et de magistrature de Dakar. Il a loué ses "qualités d'humilité, d'écoute".
La connaissance des dossiers, le langage policé de M. Ba, pas coutumier des controverses, passent pour inspirer la confiance des partenaires, y compris étrangers.
Il est aussi crédité d'un réseau très dense, y compris chez les chefs religieux, très influents.
La désignation d'Amadou Ba a été entérinée par la réunion des leaders de la coalition autour de Macky Sall et en direct à la télévision nationale.
Benno Bokk Yakaar a publié sur les réseaux sociaux une photo d'Amadou Ba, présenté comme "le candidat de BBY" et "le choix cohérent pour une victoire dès le premier tour".
La désignation de M. Ba devrait appeler rapidement un remaniement ministériel.
La décision du président Sall risque cependant de nourrir certaines amertumes. L'actuel ministre de l'Agriculture, Aly Ngouille Ndiaye, un des prétendants à l'investiture, a prévenu préalablement qu'il ne se désisterait pas.
Il a annoncé sa démission du gouvernement sur les réseaux sociaux samedi soir. Il est temps pour lui "de relever de nouveaux défis", a-t-il dit.
La candidature de M. Ba "est la seule et unique candidature de Benno Bokk Yakaar", a prévenu M. Sall. "Je lance un appel vibrant pour l'unité à tous les candidats à la candidature", a-t-il ajouté.
En tout, une trentaine de candidatures sont déclarées pour la présidentielle du 25 février 2024. La collecte des parrainages doit commencer fin septembre. Le Conseil constitutionnel validera ou invalidera les candidatures fin décembre.
Avec le renoncement de M. Sall, mais aussi l'incarcération de l'opposant Ousmane Sonko, les Sénégalais sont plongés dans un flou sans précédent quant au nom de leur futur président.