HONG KONG : Le magnat hongkongais Jimmy Lai a été inculpé vendredi en vertu de la loi sur la sécurité nationale pour "collusion avec des puissances étrangères", devenant la personnalité hongkongaise la plus connue à être visée par cette sévère législation.
Déjà incarcéré pour des accusations de "fraude", M. Lai, 73 ans, est cette fois-ci accusé d'avoir enfreint cette drastique loi sur la sécurité nationale, imposée fin juin par Pékin et destinée à mettre fin aux manifestations pro-démocratie monstres qui ont secoué le territoire semi-autonome l'an passé.
"A l'issue d'une enquête approfondie menée par les services de police en charge de la sécurité nationale, un homme de 73 ans est inculpé pour collusion avec un pays étranger ou avec des forces extérieures afin de compromettre la sécurité nationale", a déclaré la police dans un communiqué.
Les infractions liées à cette législation draconienne sont passibles de l'emprisonnement à perpétuité.
M. Lai, le patron du tabloïd Apple Daily, connu pour son engagement dans le camp pro-démocratie et ses critiques acerbes de l'exécutif hongkongais, aligné sur Pékin, doit comparaître samedi devant un tribunal pour avoir enfreint cette loi, selon la police.
Le gouvernement britannique s'est dit "très préoccupé" vendredi après son inculpation.
"Le Royaume-Uni reste très préoccupé par la volonté des autorités de Hong Kong de continuer les poursuites judiciaires contre des personnalités pro-démocratie comme Jimmy Lai", a déclaré à la presse un porte-parole du Premier ministre Boris Johnson.
"Nous avons soulevé cette affaire auprès des autorités et continuerons de faire pression sur elles au plus haut niveau pour qu'elles cessent de cibler les voix pro-démocratie", a-t-il ajouté.
En août, des centaines de policiers avaient réalisé une spectaculaire perquisition, en particulier dans la salle de rédaction de l'Apple Daily.
Détention provisoire
Plusieurs responsables du groupe de presse, dont M. Lai, avaient été arrêtés pour des soupçons de "collusion avec les forces étrangères", dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale.
La semaine dernière, il avait été placé en détention provisoire jusqu'à son procès pour fraude fixé en avril.
Mardi, il doit présenter, devant la Haute Cour, une demande de remise en liberté sous caution pour ce chef d'accusation.
La reprise en main musclée de Hong Kong par la Chine s'est accélérée depuis l'entrée en vigueur fin juin de la loi sur la sécurité nationale.
Des députés pro-démocratie du Parlement local ont été révoqués alors que des dizaines de militants ont été inculpés ou font l'objet d'une enquête.
La semaine dernière, trois célèbres militants pro-démocratie Joshua Wong, Agnes Chow et Ivan Lam ont été condamnés à de la prison ferme.
Vendredi, un militant de 19 ans a été reconnu coupable d'outrage au drapeau chinois et de rassemblement illégal en mais 2019 devant le Parlement local.
M. Lai est la quatrième personne accusée d'avoir enfreint cette nouvelle législation controversée, qui laisse place à une large interprétation.
Un "traître"
Parmi eux, figurent un militant de 19 ans, accusé d'avoir encouragé la sécession sur les réseaux sociaux, un homme ayant foncé avec une moto sur des policiers au cours d'une manifestation ainsi qu'un homme qui a scandé à plusieurs reprises des slogans pro-démocratie en direction de la police.
Lors de la perquisition au sein de son journal, des journalistes avaient diffusé des images sur Facebook où M. Lai apparaissait menotté.
La Une de l'Apple Daily avait titré le lendemain "Apple va continuer à se battre" avec une photo de M. Lam en garde à vue.
Rares sont les Hongkongais à s'attirer autant la haine de Pékin que cet homme, régulièrement qualifié de "traître" par les médias d'Etat chinois qui voient en lui l'instigateur de la contestation de 2019.
Arrivé clandestinement à Hong Kong avec sa famille à 12 ans à bord d'un bateau en provenance de Canton, M. Lai avait d'abord travaillé à l'usine, puis a appris l'anglais et ouvert sa propre entreprise de textile.
Après la répression du soulèvement de Tiananmen à Pékin en 1989, qui a selon lui transformé sa vision politique, il avait fondé Next Media en 1990.
"Je suis un fauteur de trouble", avait-il confié à l'AFP en juin. "Je suis arrivé ici avec rien, les libertés de cet endroit m'ont tout donné. Il était temps que je renvoie l'ascenseur en me battant pour les libertés."