KIEV, Ukraine : Le commandant «Atlas» sait bien tout ce qui est en jeu à chaque fois qu'un missile ou un drone russe apparaît sur ses écrans radar: s'il rate son coup, ses concitoyens ukrainiens peuvent perdre la vie.
Un récent incident illustre cette lourde responsabilité: après l'interception d'un missile de croisière russe, une ogive non explosée de près d'une demi-tonne a été découverte dans ses débris.
«Beaucoup dépend de moi et de mon équipe pour s'assurer que les gens dorment paisiblement la nuit», raconte à l'AFP le commandant de 37, ans qui n'a révélé que son nom de guerre, «Atlas».
Depuis le début du mois, les sirènes aériennes et explosions assourdissantes retentissent régulièrement à l'aube à Kiev et dans d'autres villes, la Russie ayant intensifié ses frappes.
Les forces ukrainiennes ont elles été renforcées par des systèmes de défense antiaérienne fournis par les Occidentaux, parmi lesquels le puissant système américain Patriot.
Au point que les autorités affirment avoir repoussé jusqu'à présent toutes les attaques aériennes russes survenues à Kiev au cours du mois de mai.
Pour «Atlas», la situation est aujourd'hui radicalement différente par rapport au début de l'invasion russe lancée en février 2022.
Ayant rejoint l'armée peu après le début de l'offensive russe, il se sentait impuissant chaque fois que des missiles et drones russes se dirigaient vers l'Ukraine, en les observant sur les équipements plus anciens dont il disposait alors.
«Je ne voyais que des points sur l'écran. Et plus tard, quand ils disparaissaient, je savais que quelque chose (de mauvais) venait de se passer, et que très probablement, je le lirai dans les informations», se souvient «Atlas».
La situation a commencé à changer après une formation accélérée -- un mois au lieu de quatre -- pour apprendre à se servir du système de défense antiaérienne Crotale, fourni par la France.
Son équipe a abattu sa première cible, un drone explosif de fabrication iranienne Shahed, dans les premières heures du 2 janvier.
Après une première explosion de joie, «nous nous sommes immédiatement calmés et nous avons compris que nous devions toujours être très concentrés. Nous pourrons célébrer plus tard», raconte le militaire.
- «Recommencer à chasser» -
Si l'équipe d'«Atlas» a détruit dépuis plus de 10 cibles, elle ne réussit pas à tous les coups.
«Ce sont des moments très douloureux», confie Atlas. Une fois, «nous avons vu une cible mais elle s'est échappée parce que quelque chose n'a pas bien fonctionné».
Les vagues de bombardements, elles, se poursuivent. Rien que vendredi, l'Ukraine a annoncé avoir abattu dix missiles et 23 drones Shahed pendant la nuit, sur un total de 17 projectiles et 31 drones lancés.
La nuit précédente, la totalité des 36 drones Shahed envoyés par Moscou ont pu être abattus en vol.
«Je ne pense pas que ce soit quelque chose auquel les gens normaux devraient s'habituer. Mais c'est la réalité, nous vivons et ces gens vivent avec ça depuis déjà plus d'un an», relève «Atlas».
Au-delà des drones et missilse de croisière, l'Ukraine affirme aussi avoir réussi à abattre sept missiles Kinjal, une arme hypersonique, présentée comme «invincible» par le président Vladimir Poutine car capable de surpasser la majorité des boucliers.
Le premier Kinjal a été intercepté début mai grâce, selon Kiev, au système américain Patriot livré à Kiev en avril.
La destruction des missiles russes ne lève pas pour autant le danger en totalité: les débris et ogives peuvent toujours causer de sérieuses destructions lorsqu'ils tombent au sol.
Selon «Atlas», son équipe tente toujours de prédire où tomberont les débris en se préparant à tirer.
«Parfois, nous laissons (la cible) se rapprocher de nous pour être sûrs que des débris ne tomberont pas sur des villages ou quelque chose comme ça. Cela peut arriver et c'est très dangereux», explique-t-il.
Les Ukrainiens voient également l'ennemi s'adapter à leurs efforts.
Si, par exemple, l'équipe d'«Atlas» abat un missile, ce qu'elle appelle une «période de calme» s'ensuit parfois.
«Nous comprenons alors qu'ils savent que nous sommes là et que nous devons changer de position afin de recommencer à les chasser», dit-il.