PARIS: Les appels à réformer l'architecture de la finance mondiale pour mieux répondre aux défis du dérèglement climatique se multiplient. Et l'une des voix les plus forte provient de la Barbade, petite île exposée aux menaces.
"Nous pensons avoir un plan", a avancé la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, devant les dirigeants du monde entier réunis pour la COP27 en Egypte en novembre.
Ce petit Etat des Caraïbes, exposé au passage des ouragans et menacé par la montée du niveau des océans causé par le dérèglement climatique, est devenu le principal avocat de la réforme des institutions économiques internationales.
Son plan, connu sous le nom d'initiative de Bridgetown - du nom de la capitale du pays - prévoit d'utiliser le FMI pour transformer "les milliards en milliers de milliards" d'investissements afin de réduire les émissions de CO2, avec également des taxes sur les entreprises fossiles destinées à amortir les chocs économiques liés au climat.
Le débat ne manquera pas de s'inviter aux réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) la semaine prochaine. Paris espère aussi faire avancer les réformes en accueillant un sommet pour un "nouveau pacte financier" le 23 juin.
Ces propositions sont toujours débattues mais gagnent du terrain parmi les nations les plus développées qui font la pluie et le beau temps au FMI et à la Banque mondiale.
Cette dernière est particulièrement sous pression pour faire plus en faveur du climat, un domaine dans lequel le président sortant David Malpass - nommé sur proposition de Donald Trump - a été critiqué pour son manque de volontarisme.
"Nouvelle guerre"
"Je sens que nous avons une opportunité", confie à l'AFP Avinash Persaud, qui mène la campagne de la Barbade avec "un employé et demi et un tableau Excel".
Les institutions dites de Bretton Woods avaient été créées pour aider à reconstruire les pays dévastés par la Seconde guerre mondiale en encourageant le commerce et le développement.
"Si on combine toutes les crises auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui, on a l'impression de sortir d'une nouvelle guerre", remarque l'économiste camerounaise Vera Songwe.
La crise climatique est "la plus critique" et "influe sur chaque aspect du développement économique mondial", selon elle.
Les institutions multilatérales ne sont cependant pas restées les bras croisés. Le FMI a par exemple mis sur pieds un fonds pour encourager la résilience des pays à revenus faible et intermédiaire - et dont la Barbade a été le premier bénéficiaire.
Mais les critiques estiment que cela n'est pas suffisant. Un groupe d'experts indépendants mandaté par l'ONU et co-présidé par Vera Songwe estimait l'an dernier qu'il faudrait plus de 2.000 milliards de dollars par an pour répondre à la crise climatique.
"Argent sur la table"
La Barbade propose d'utiliser les droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI - un avoir de réserve - pour y adosser un nouveau fonds climatique, qui pourrait emprunter à bon compte et investir dans des projets de réduction des émissions de CO2.
Elle demande aussi aux banques multilatérales d'augmenter leurs prêts, avec de préférence une clause pour geler les remboursements pendant deux ans en cas d'événement climatique extrême.
Le plan suppose enfin une taxation - par exemple sur les transactions financières ou les bénéfices des entreprises fossiles - pour aider les pays à faire face aux dégâts climatiques.
Les ONG ont dans l'ensemble accueilli favorablement ces pistes même si elles souhaitent que la question de l'annulation des dettes soit mise sur la table - tout comme une reconnaissance de la responsabilité historique des pays riches pollueurs.
"Tant qu'il n'y aura pas l'argent sur la table, on n'arrivera pas à résoudre la crise climatique", juge Harjeet Singh du Climate Action Network (CAN).
Même si la Barbade est considérée comme relativement prospère par d'autres pays plus pauvres, Avinash Persaud espère pouvoir construire une large coalition de pays - pesant quelque 40% de la population mondiale - en faveur d'avancées dans la prise en compte des enjeux climatiques.
"Cela changera le monde pour ces 3,2 milliards de personnes", s'enthousiasme-t-il.