LISBONNE: Un homme armé d'un couteau a tué deux femmes et grièvement blessé une troisième personne avant d'être neutralisé par la police portugaise à Lisbonne au cours d'une attaque contre le siège mondial des Ismaéliens, une communauté musulmane chiite dirigée par l'Aga Khan.
Selon les éléments fournis par les autorités et des représentants de la communauté ismaélienne, cette agression meurtrière serait un "acte isolé" commis par un réfugié afghan dont les motivations restent à éclaircir.
L'attaque a eu lieu vers 11H00 locales (10H00 GMT) quand "un homme armé d'un objet tranchant" s'est introduit dans les locaux du centre ismaélien de Lisbonne et a "attaqué trois personnes (...) atteignant mortellement deux d'entre elles et en blessant une troisième", a indiqué le président du Conseil national de la communauté musulmane ismaélienne, Rahim Firozali.
"La communauté musulmane ismaélienne, connue pour ses principes d’humanité, de paix et d'entraide, est en deuil et choquée par ces événements tragiques", a réagi Faizal Ali, l'un des responsables de la communauté, dans une brève déclaration aux journalistes en début de soirée.
"Nous collaborons avec les autorités" pour faire toute la lumière sur ces événements, a-t-il ajouté.
La police portugaise avait d'abord fait état de "plusieurs blessés", mais le ministre de l'Intérieur, José Luis Carneiro, a ensuite précisé que l'assaillant avait tué deux personnes et qu'un homme avait été "grièvement blessé". Il s'agit d'un professeur, qui a pu donner l'alerte ensuite, selon Faizal Ali.
"Tout porte à penser qu'il s'agit d'un acte isolé", a affirmé M. Carneiro devant les médias, en précisant que l'auteur présumé était un réfugié qui avait perdu son épouse "dans des circonstances difficiles" dans un camp d'exilés en Grèce. Il n'a pas fourni de détails sur ces circonstances.
"Il ne faisait l'objet d'aucun signalement" de la part des forces de sécurité et semblait mener "une vie assez tranquille" au Portugal avec ses trois enfants âgés de 4 à 9 ans, a ajouté le ministre.
La police a neutralisé l'attaquant, qui était muni d'un "couteau de grande taille", en usant d'une arme à feu. Le suspect a ensuite été admis dans un hôpital de la capitale portugaise. Il est "vivant et en détention", a indiqué la police.
Les ismaéliens, une communauté chiite dirigée par l'Aga Khan
Les Ismaéliens sont une communauté chiite dirigée par l'Aga Khan et dont le siège mondial est installé depuis quelques années dans la capitale portugaise.
Etablis dans plus de 25 pays, et notamment en Asie centrale et du sud, en Afrique et au Moyen-Orient, la communauté ismaélienne nizârite, deuxième groupe musulman chiite le plus important numériquement, compte de 12 à 15 millions de membres dans le monde, selon son site internet officiel.
Leur chef spirituel est le prince Karim al-Hussaini, dit Karim Aga Khan IV, que ses fidèles considèrent comme un descendant du prophète Mahomet.
Agé de 86 ans, ce philanthrope à la fortune colossale, installé en région parisienne, est le 49e imam héréditaire des Ismaéliens.
Il est également président du réseau Aga Khan de développement, qui emploie 80 000 personnes dans le monde et finance des programmes de développement notamment en Asie et en Afrique.
"L'éthique sociale est un principe fort en islam. Et je pense que tous les musulmans seraient bien avisés de respecter cela comme une éthique fondamentale de notre foi et de vivre en conformité avec elle", avait-il expliqué en 2017 lors d'une interview téléphonique accordée à quelques médias, dont l'AFP.
L'Aga Khan a installé le siège mondial de sa communauté au Portugal après un accord signé en juin 2015 avec l'Etat portugais prévoyant des avantages fiscaux et des privilèges diplomatiques, en échange notamment d'investissements dans les domaines de la recherche scientifique et du développement.
Le Portugal lui a également accordé la nationalité portugaise.
Il avait rassemblé plus de 40 000 ismaéliens en 2018 à Lisbonne pour le 60e anniversaire de son intronisation à la tête de la communauté.
Considérés comme hérétiques par les islamistes sunnites radicaux, les ismaéliens ont été la cible d'attaques à plusieurs reprises.
Dans l'une des plus meurtrières, au moins six hommes armés circulant à moto avaient ouvert le feu sur un autobus transportant une soixantaine de membres de la communauté en mai 2015 à Karachi, tuant 44 d'entre eux. Cet attentat avait été le premier revendiqué par l'organisation jihadiste Etat islamique au Pakistan.
«Motivations personnelles»
"J'exprime ma solidarité et mes condoléances envers les victimes et la communauté ismaélienne", a réagi le Premier ministre portugais Antonio Costa devant la presse, en évoquant lui aussi l'hypothèse d'un "acte isolé" plutôt que celle d'une attaque terroriste.
Selon le président de l'association de la communauté afghane au Portugal, Omed Taeri, l'assaillant présumé est un réfugié qui "souffre de problèmes psychologiques" après avoir "perdu son épouse en Grèce".
Il serait arrivé au Portugal il y a un peu plus d'un an et s'inquiétait pour le sort de ses trois enfants, a-t-il affirmé dans un entretien à la chaîne d'information CNN Portugal.
D'après les médias locaux, l'agresseur suivait des cours au centre ismaélien et les victimes, deux femmes de nationalité portugaise, employées du centre ismaélien de Lisbonne, seraient âgées d'une quarantaine et d'une vingtaine d'années.
"Tout indique qu'il s'agit d'une attaque pour motivations personnelles (...) néanmoins, rien ne justifie un acte criminel comme celui-ci", a déclaré à la presse le président de la République portugaise Marcelo Rebelo de Sousa après s'être rendu au Centre ismaélien.