RABAT: Malgré les efforts consentis par les services compétents, les incivilités commises par les automobilistes s’accentuent à Rabat, alors que la ville s’élargit et compte de plus en plus d’habitants. Passages piétons bloqués, trottoirs condamnés, des automobilistes peu scrupuleux qui se permettent pratiquement tout, quitte à mettre en danger la sécurité des piétons… marcher devient le parcours du combattant.
La scène est devenue banale. Dans plusieurs quartiers de la capitale, les piétons sont contraints d’utiliser la chaussée – à leurs risques et périls – au lieu des espaces qui leur sont dédiés, et l’amende encourue, qui varie entre 500 et 1 000 dirhams (45 à 90 euros), ne semble pas dissuader certains automobilistes de commettre ce type d’infractions.
Pour Inès, jeune mère de deux enfants habitant le quartier de Hassan, ces incivilités polluent le quotidien des riverains, mais suscitent surtout beaucoup d’anxiété. « Chaque jour, mon cœur palpite en pensant à mes enfants sur les trottoirs de mon quartier, en espérant que la prochaine voiture qui roule à toute allure ne sera pas celle qui me les enlèvera. La sécurité de nos rues n'est pas un luxe, c'est une nécessité. Il est nécessaire que les autorités sanctionnent plus sévèrement ».
Mohammed, un riverain interrogé dans le quartier de l’Agdal, estime, lui aussi, que l’incivilité de beaucoup d’automobilistes devrait être punie plus sévèrement. « Le trottoir n'est pas un parking, c'est une voie de secours pour les piétons, en particulier pour les personnes handicapées, âgées et celles qui accompagnent des enfants. Nous devons respecter leur droit à bénéficier de passages sécurisés », estime-t-il.
Les habitants de Rabat doivent également faire face à d’autres problèmes, comme la circulation de motocyclettes sur les trottoirs ou encore l’occupation illégale du domaine public par des commerçants, cafés et autres vendeurs.
Bras de fer autour du retour des sabots
Dans la ville, l’usage des sabots pour immobiliser les contrevenants a été interrompu en janvier 2017 à la suite d’une décision judiciaire. La mairie avait décidé de se conformer au jugement du tribunal administratif de Rabat qui avait estimé illégale et sans fondement juridique l’immobilisation de véhicules par Rabat Parking, une entreprise détenue à 51% par la maire et à 49% par l’opérateur privé CGPark. Par ailleurs, la Cour des comptes lui reprochait des dysfonctionnements dans la gestion de ses dépenses.
Toutefois, une jurisprudence datant de 2015 permet à la mairie d’immobiliser les véhicules, à condition que ce soit fait par des agents de la police administrative et non par des employés du secteur privé.
Après six ans d’anarchie, la mairie de Rabat semble enfin prendre les choses en main. En janvier dernier, elle annonce la reprise des activités de Rabat Parking. En plus de l’usage de sabots, les automobilistes pourraient bientôt devoir payer pour le stationnement. Une annonce qui n’est pas du goût de tous et qui a suscité l’indignation du PJD, parti de tendance islamiste.
L’usage de nouvelles technologies comme solution?
La croissance du nombre d’habitants – et par conséquent du nombre d’automobilistes – soulève la question des ressources nécessaires pour faire respecter le code de la route à long terme. Certes, l’usage de sabots, la mise en fourrière et la verbalisation dans le contexte d’opérations coup-de-poing sont sans doute utiles, mais les ressources que cela nécessite à long terme sont-elles économiquement viables?
Le Maroc, à l’instar de ses voisins – qui ne font pas spécialement mieux –, pourrait s’inspirer du modèle chinois, où les autorités ont recours aux nouvelles technologies, à l’image de caméras intelligentes capables d’identifier des infractions et de procéder automatiquement à la verbalisation.
L’amende proportionnelle au revenu, comme appliquée en Finlande, pourrait être tout aussi utile pour dissuader les plus récalcitrants.
Hors de question de pénaliser les automobilistes, estiment la majorité des personnes interrogées sur le sujet, qui arguent que le stationnement sauvage découle avant tout du manque de disponibilité de places de parking.