LONDRES : Le fabricant britannique de microprocesseurs Arm, filiale du japonais Softbank, a confirmé avoir jeté son dévolu sur Wall Street, une défaite qui fait craindre à la place de Londres une perte d'attractivité depuis le Brexit.
La pilule est amère pour le gouvernement britannique et le Premier ministre Rishi Sunak, qui s'efforçaient depuis des mois d'obtenir la cotation à domicile de leur joyau technologique, alors que la City cherche à maintenir son rang après le Brexit face à la concurrence de ses rivales européennes.
«Le Royaume-Uni poursuit les réformes ambitieuses des règles régissant ses marchés de capitaux» en s'appuyant sur sa place de «premier centre d'investissement en Europe et deuxième au monde», a fait valoir le gouvernement vendredi dans un communiqué.
Arm prévoit un retour en Bourse cette année. L'entreprise gardera toutefois son siège en Angleterre et pourrait envisager ultérieurement une deuxième cotation à Londres.
La capitale britannique reste «le centre financier le plus international du monde», a réagi David Schwimmer, le directeur général du London Stock Exchange Group, sur la chaîne Sky News.
Mais c'est «un autre coup pour l'attractivité (de la City) auprès des investisseurs internationaux, en tant que destination de choix pour les géants de la technologie», dont la place financière manque cruellement, a commenté Victoria Scholar, analyste à Interactive Investor.
- Les départs s'accumulent -
Arm a pourtant annoncé jeudi de nouveaux plans pour accroître sa présence au Royaume-Uni, avec l'ouverture d'un site à Bristol (ouest de l'Angleterre) et des embauches.
Maigre consolation pour la City, alors que le géant des matériaux de construction CRH a aussi annoncé jeudi son intention de transférer sa cotation principale de la capitale britannique vers les Etats-Unis.
Les nouvelles de départs s'accumulent. Le groupe de paris en ligne Flutter a récemment annoncé étudier une cotation secondaire Outre-Atlantique, tandis que le groupe de distribution d'équipements de plomberie Ferguson a transféré sa cotation principale à New York l'an dernier.
Des hauts dirigeants de Shell avaient même envisagé, en 2021, de transférer le siège et la cotation du géant de l'énergie aux Etats-Unis, avant de décider de consolider son ancrage à Londres, révélait le Financial Times il y a quelques jours.
Arm avait été acquis par SoftBank en 2016 pour 32 milliards de dollars. L'entreprise avait alors été retirée de la Bourse de Londres, où elle était cotée à l'origine.
Le géant japonais des investissements avait annoncé son intention de réintroduire Arm en Bourse après l'échec, début 2022, de sa vente pour au moins 40 milliards de dollars à l'américain Nvidia, invoquant des «obstacles réglementaires significatifs».
L'entreprise britannique, dont le siège est à Cambridge, avait annoncé dans la foulée vouloir licencier jusqu'à 15% de ses effectifs, sur quelque 6.000 employés dans le monde.
Fondé en 1990, Arm est la référence mondiale en termes d'architectures de microprocesseurs, fabriqués sous licence et contenus dans presque tous les smartphones, la majorité des tablettes et des écrans TV numériques, et dans une part significative des puces avec processeurs intégrés.
- Pole position disputée -
Depuis l'entrée en vigueur effective du Brexit début 2021, les places européennes, et notamment Paris et Amsterdam, ont déjà commencé à disputer la pole position de Londres en Europe.
Mais les entreprises qui désertent Londres sont plus souvent attirées par les Etats-Unis, à la recherche de valorisations plus élevées.
«Les réserves de capitaux sont plus importantes, la liquidité est plus vaste et - généralement - les actions américaines se négocient» plus cher que les titres britanniques et européens, explique Russ Mould, analyste de AJ Bell.
Pour tenter de répondre à la concurrence, le régulateur financier britannique (FCA) a déjà assoupli fin 2021 les règles d'introduction en Bourse.
Le gouvernement britannique avait aussi annoncé en décembre que d'ambitieuses réformes post-Brexit étaient en préparation pour stimuler la croissance de son puissant secteur financier, quelques mois après avoir lancé une refonte des règles s'appliquant aux compagnies d'assurances, jusqu'ici régies par la directive européenne Solvency II.
L'annonce d'Arm «démontre la nécessité pour le Royaume-Uni de progresser rapidement dans son programme de réformes», a réagi auprès de l'AFP Julia Hoggett la directrice générale de la Bourse de Londres, disant travailler en ce sens avec les régulateurs, le gouvernement et les acteurs du marché.