LONDRES: Le système bancaire saoudien constitue aujourd'hui un pilier du secteur dans la région, affirme George Kanaan, PDG de l'Association des banquiers arabes basée à Londres. Selon lui, le Royaume devrait se concentrer davantage sur son expansion mondiale.
L’Arabie saoudite a connu un processus de modernisation fulgurant, une «bonne nouvelle», confie l’expert à Arab News, tout en soulignant l'importance de conserver une vision cohérente.
«Vous ne pouvez vraiment pas diriger un pays, ou le faire progresser, sans avoir une vision de ce que vous voulez y voir. Or, les réformes sont grandement nécessaires», souligne-t-il.
M. Kanaan, diplômé de Harvard, a travaillé à New York, à Athènes, en Arabie saoudite et à Chicago. Selon lui, le système bancaire saoudien continue de se sophistiquer et de miser sur les talents locaux, et pourrait croître davantage, en particulier sur la scène internationale.
«Le système bancaire saoudien, étant donné l'essence même de l'Arabie saoudite, doit se mondialiser davantage», insiste-t-il. «Il pourrait devenir le principal système bancaire du Moyen-Orient, compte tenu de ses ressources et de son expertise actuelles. Il devrait toutefois s'étendre au-delà du Moyen-Orient.»
Le Royaume devrait chercher à élargir sa présence bancaire en Afrique, en Europe, aux États-Unis et en Asie, «là où se profilerait la croissance à l'avenir», conseille M. Kanaan.
«Il n’est pas vraiment présent au Royaume-Uni, par exemple, où ne se trouvent que deux banques saoudiennes. Il devrait avoir une vision plus régionale et plus globale», poursuit-il.
L'Arabie saoudite a lancé 11 initiatives en 2017 pour atteindre les objectifs de la Vision 2030 liés à la finance, le plus important étant le programme de développement de ce secteur. Celui-ci vise à proposer des services financiers diversifiés et efficaces pour soutenir le développement de l'économie nationale, étendre ses sources de revenus et stimuler l'épargne, la finance et l'investissement.
Selon le gouvernement, le secteur bancaire saoudien devrait croître pour atteindre des actifs d'une valeur de 4,553 milliards de riyals saoudiens (1 riyal = 0,25 euro) d'ici 2030, contre 2,631 milliards de riyals saoudiens en 2019.
Le secteur bancaire saoudien a parcouru un long chemin depuis 1926, lorsque la Netherlands Trading Society a inauguré sa première succursale à Djeddah pour offrir des services financiers aux pèlerins, qui constituaient la principale source de revenus de l'économie locale avant la découverte des gisements de pétrole en 1939.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la demande en pétrole a explosé. La production, les recettes et les dépenses publiques ont rapidement augmenté, et les banques étrangères ont alors entrepris de pénétrer le marché. À la fin de 1989, le pays comptait 1 007 succursales, contre 247 en 1980.
M. Kanaan, qui a d'abord travaillé pour la Citibank à New York en 1975, s'est installé à Riyad à la fin des années 1970 où il a été directeur des relations au sein du département des contrats de la banque. Celle-ci est ensuite devenue la Saudi American Bank et aujourd'hui la Samba.
«L'Arabie saoudite était en construction, la demande de financement des entrepreneurs était très forte et nous avions beaucoup innové en termes de capacité à répondre aux besoins des entrepreneurs sans prendre trop de risques, car ce domaine est connu pour être une activité risquée», note l’expert.
«J’ai été chargé de former la première unité de banque d'affaires de la nouvelle banque, au début des années 1980, et cette mission s'est avérée essentielle car les projets et les chantiers lancés dans le Royaume gagnaient en ampleur et les clients qui prenaient en charge ces projets commençaient à avoir besoin de grandes installations.»
Les clients n'étaient pas en mesure de le faire par eux-mêmes et les banques de Bahreïn, de Dubaï, de Hong Kong et de Londres cherchaient donc toutes à obtenir une part de leur affaire.
«Le risque était relativement raisonnable», confie M. Kanaan, «le marché en Arabie saoudite était immense, tout le monde voulait y trouver sa place et j'étais le ticket d'entrée».
«Je suis probablement devenu l'un des banquiers les plus connus en Arabie saoudite en raison des grands contrats et des syndications dont il était question.»
La réglementation bancaire saoudienne s'est étoffée au cours des deux dernières décennies, notamment depuis la crise financière mondiale de 2008, note-t-il. Toutefois, selon l'expert, le moment est venu d'assouplir, à certains égards, et de repenser certains aspects du cadre réglementaire.
«L'investissement durable est devenu une priorité dans le monde», indique-t-il à Arab News. «On a assisté à une augmentation des investissements dans les politiques environnementales, sociales et de gouvernance d'entreprise, et les politiques de risque qui y sont liées.»
«Il est même désormais nécessaire de définir et de développer des stratégies de durabilité des entreprises et cela fait partie des priorités des gouvernements de la planète.»
Selon M. Kanaan, la stratégie saoudienne actuelle vise à renforcer la position mondiale du Royaume dans la finance islamique, étant donné qu'il détient la plus grande part de ce secteur.
«La stratégie permettra également de promouvoir et de diffuser les énormes progrès réalisés par l'Arabie saoudite dans ce secteur», explique-t-il.
«Le Royaume possède un bon capital financier et intellectuel lui permettant de promouvoir ce secteur au niveau local et de le commercialiser au niveau international, ce qui lui permettra d'attirer davantage d'actifs et d'influence dans le secteur de la finance islamique et de renforcer la position internationale de l'Arabie saoudite en tant que chef de file de la finance islamique.»
«Il est aujourd'hui tout à fait remarquable. Il est à l'avant-garde des pratiques bancaires dans le monde. Le secteur bancaire saoudien est intéressant aujourd'hui et les efforts successifs de saoudisation, c’est-à-dire assurer à des Saoudiens des postes importants dans les banques, ont finalement abouti. On voit de plus en plus de banquiers saoudiens, et moins de banques saoudiennes regorgeant d'expatriés», poursuit-il.
«Le secteur bancaire saoudien est actuellement très bien noté et est extrêmement professionnel. Les banques sont particulièrement solides, et les fusions permettront d'aboutir à des banques encore plus solides et importantes.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com