«Pas encore les nôtres!»: colère et pleurs de Kurdes à Paris après les tirs

Des gens crient à la suite d'une fusillade rue d'Enghien dans le 10e arrondissement, à Paris, le 23 décembre 2022 (Photo, AFP).
Des gens crient à la suite d'une fusillade rue d'Enghien dans le 10e arrondissement, à Paris, le 23 décembre 2022 (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Samedi 24 décembre 2022

«Pas encore les nôtres!»: colère et pleurs de Kurdes à Paris après les tirs

  • Parmi les dizaines de Kurdes rassemblés, bouleversés, les rumeurs d'attaque « politique» galopent
  • Et en milieu d'après-midi, le rassemblement a dégénéré en échauffourées avec la police

PARIS: Les Kurdes de Paris se sont spontanément réunis pour exprimer leur chagrin, près du lieu des tirs meurtriers de vendredi, qui ont fait trois morts et trois blessés, avant de laisser éclater leur colère et de s'opposer à la police, avec en tête le souvenir du triple assassinat de Kurdes du PKK il y a neuf ans, à proximité.

Un groupe d'une dizaine d'amis arrive en courant. Effondrés sur le trottoir, ils éclatent en pleurs, en cris, aux pieds des policiers.

"Ça recommence, vous ne nous protégez pas. On nous tue !", hurle en pleine rue une jeune réfugiée kurde qui refuse d'être identifiée, prenant son visage dans ses mains avant d'être sortie de la foule par ses camarades, en état de choc.

Trois personnes ont été tuées par balles et trois autres blessés peu avant midi, dans le 10e arrondissement de la capitale, au niveau du centre culturel kurde Ahmet-Kaya.

La foule ne sait pas encore que le tireur présumé, interpellé et placé en garde à vue, est selon les premiers éléments de l'enquête un retraité français de 69 ans, connu pour s'être déjà attaqué au sabre à des migrants.

Parmi les dizaines de personnes rassemblées, bouleversées, les rumeurs d'attaque "politique" galopent. Des slogans fusent: "extrême droite, assassin!" ou "Erdogan, assassin!", visant le président turc.

«Pas la première fois»

En milieu d'après-midi, de plus en plus de Kurdes ou de sympathisants affluent, aux cris de "PKK" (Parti des travailleurs du Kurdistan) ou au rythme de chants révolutionnaires. Et le rassemblement dégénère en violents incidents.

Des pavés ou des pots de fleurs, arrachés à des commerces dans ce quartier animé, sont lancés contre les forces de l'ordre qui répliquent en usant de gaz lacrymogène. Des poubelles sont incendiées, des barricades brièvement érigées et des véhicules vandalisés.

Pour Jina, 39 ans, les manifestants expriment une "colère d'abord adressée contre Erdogan et la France, car ce n'est pas la première fois" que la communauté est visée. Une colère "contre le manque de sécurité vis-à-vis de nos réfugiés politiques", reprend-elle.

Avec l'aide de représentants de la communauté kurde, le calme est ensuite revenu peu à peu et le rassemblement continuait en début de soirée, notamment devant le centre Ahmet-Kaya de nouveau accessible.

Selon la police, cinq policiers ont été blessés et une personne interpellée pour violence sur les forces de l'ordre.

Vendredi, Jihan Akdogan et Juan Golan Elibeg, frère et sœur, devaient se retrouver dans un restaurant du quartier quand ils ont vu la police arriver et boucler la rue du centre Ahmet-Kaya.

"Je me suis dit ce n'est pas possible que ça recommence, pas les nôtres", dit Jihan Akdogan, 30 ans. "On savait très bien que ça recommencerait", renchérit son frère Juan Golan Elibeg, 41 ans.

Fusillade meurtrière à Paris: incidents entre manifestants kurdes et forces de l'ordre

La police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants kurdes vendredi près d'un centre culturel kurde du centre de Paris devant lequel un homme a tué trois personnes à la mi-journée, a constaté une journaliste de l'AFP.

Ces incidents ont débuté lorsque la foule s'est heurtée à un cordon de forces de l'ordre qui protégeait le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, venu sur place pour faire le point sur l'enquête et s'adresser aux journalistes.

Les forces de l'ordre ont tiré des grenades lacrymogènes sur les manifestants, qui ont en retour lancé des projectiles dans leur direction, brûlé des poubelles et érigé des barricades dans la rue.

Des échauffourées étaient toujours en cours peu avant 17H00.

 Traumatisme de 2013

Le parquet national anti-terroriste (Pnat) s'est rendu sur place mais pour l'heure, il n'y a "aucun élément qui privilégierait la nécessité de leur saisine", a expliqué la procureur de Paris Laure Beccuau, ajoutant que les motifs racistes  "vont évidemment faire partie des investigations".

Mais le traumatisme d'il y a près de dix ans est vivace: le 9 janvier 2013, non loin de là, Sakine Cansiz, une des fondatrices du PKK, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, avaient été tuées de plusieurs balles dans la tête au siège du Centre d'information du Kurdistan.

"Ça nous renvoie a ce qu'il s'est passé en 2013 (...) Cette personne a eu le temps de charger son arme plusieurs fois, il n'y avait pas de sécurité et s'il y en avait, ils n'ont rien pu faire pour les protéger", dit Jihan Akdogan, qui se présente comme "interprète" et "patriote kurde".

"Une réunion de femmes était prévue dans l'après-midi. Il y aurait pu y avoir encore plus de victimes", ajoute-t-elle.

Une réfugiée turque d'opposition, se présentant comme "Julie" et refusant de donner son nom de famille, est elle persuadée que "c'est une attaque politique" et que "le centre culturel était directement visé".

L'unique suspect du triple assassinat de 2013, le Turc Omer Güney, est mort d'un cancer en 2016 à la veille de son procès. Mais les parties civiles ont obtenu en 2019 que soient relancées des investigations pour examiner l'implication potentielle des services de renseignement turcs.


France/Algérie : Retailleau souhaite la suspension de l'accord de 1968

Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, s’adresse au gouvernement lors d’une séance de questions à l’Assemblée nationale, chambre basse du parlement français, à Paris le 15 janvier 2025. (Photo : Thibaud MORITZ / AFP)
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, s’adresse au gouvernement lors d’une séance de questions à l’Assemblée nationale, chambre basse du parlement français, à Paris le 15 janvier 2025. (Photo : Thibaud MORITZ / AFP)
Short Url
  • Invité sur BFMTV, le ministre de l'Intérieur a répété que la France avait été « humiliée » par l'Algérie lorsque ce pays a refusé l'entrée sur son territoire à un influenceur algérien expulsé de France.
  • Il s'agit d'un accord bilatéral signé le 27 décembre 1968 qui crée un statut unique pour les ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi.

PARIS : Dans un contexte de grandes tensions entre les deux pays, Bruno Retailleau a souhaité dimanche la fin de l'accord franco-algérien de 1968 relatif aux conditions d'entrée en France des ressortissants algériens.

Invité sur BFMTV, le ministre de l'Intérieur a répété que la France avait été « humiliée » par l'Algérie lorsque ce pays a refusé l'entrée sur son territoire à un influenceur algérien expulsé de France. « L'Algérie, a-t-il dit, n'a pas respecté le droit international » en refusant l'accès à ce ressortissant algérien qui possédait « un passeport biométrique » certifiant sa nationalité.

Le ministre a également évoqué le sort de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné en Algérie.

« La France doit choisir les moyens de répondre à l'Algérie », a poursuivi M. Retailleau. « On est allé au bout du bout (...). Je suis favorable à des mesures fortes, car sans rapport de forces, on n'y arrivera pas. »

Il a souhaité à cet égard que l'accord de 1968 soit remis en cause. « Cet accord est dépassé et a déformé l'immigration algérienne. Il n'a pas lieu d'être. Il faut le remettre sur la table », a-t-il jugé.

Il s'agit d'un accord bilatéral signé le 27 décembre 1968 qui crée un statut unique pour les ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi.

Le texte, qui relève du droit international et prime donc sur le droit français, écarte les Algériens du droit commun en matière d'immigration.

Leur entrée est facilitée (sans qu'ils n'aient besoin de visa de long séjour), ils peuvent s'établir librement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante et accèdent plus rapidement que les ressortissants d'autres pays à la délivrance d'un titre de séjour de 10 ans.

Dénonçant "l'agressivité" d'Alger vis-à-vis de Paris, M. Retailleau a fait valoir que "la France a fait tout ce qu'elle pouvait sur le chemin de la réconciliation et en retour, on a eu que des gestes d'agression".

"La fierté française a été blessée par l'offense que l'Algérie a faite à la France", a-t-il dit encore.


Bruno Retailleau sur l'AME: "on y touchera"

Le ministre LR de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre LR de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
Short Url
  • « On y touchera », a affirmé le ministre, connu pour sa fermeté sur les questions migratoires. « C'est un sujet du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) », a-t-il ajouté.
  • M. Retailleau demande que soient reprises les conclusions du rapport Evin/Stefanini, remis fin 2023 avant la dissolution de l'Assemblée nationale, qui, selon lui, avait jugé que l'AME constituait un « encouragement à la clandestinité ».

PARIS : Le ministre LR de l'Intérieur Bruno Retailleau a assuré samedi que le gouvernement Bayrou allait « toucher » à l'aide médicale d'État (AME), un dispositif permettant à des étrangers en situation irrégulière de se soigner.

« On y touchera », a affirmé le ministre, connu pour sa fermeté sur les questions migratoires. « C'est un sujet du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) », a-t-il ajouté.

M. Retailleau demande que soient reprises les conclusions du rapport Evin/Stefanini, remis fin 2023 avant la dissolution de l'Assemblée nationale, qui, selon lui, avait jugé que l'AME constituait un « encouragement à la clandestinité ».

Dans ce document, l'ancien ministre socialiste Claude Evin et le préfet Patrick Stefanini, figure de LR, prônaient notamment un ajustement du panier de soins accessibles via l'AME.

Ils ont aussi souligné le rôle du dispositif pour éviter l'aggravation de l'état de santé des migrants en situation irrégulière, ainsi que la propagation de maladies à l'ensemble de la population.

La droite et l'extrême droite, quant à elles, réclament la réduction du périmètre des soins éligibles à l'AME, voire sa suppression pure et simple. Le dispositif est en revanche défendu par la gauche et une partie du bloc centriste.

En décembre, dans le cadre de l'examen du budget de l'État, le Sénat a approuvé, avec l'appui du gouvernement, une diminution de 200 millions d'euros du budget alloué à l'AME, pour un total de 1,3 milliard d'euros, en augmentation de plus de 9 % par rapport à 2024.

L'Aide médicale d'État (AME) permet la prise en charge des personnes en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois dont les ressources sont faibles et n’ouvrent pas droit à la couverture du système de droit commun.

Plus largement, concernant la politique migratoire, Bruno Retailleau a réitéré son souhait d'abolir le droit du sol à Mayotte, même s'il a reconnu que les conditions politiques n'étaient pas encore réunies.

Il a fait le même constat pour un débat sur le droit du sol en métropole.

« Il doit y avoir, non pas une automaticité, mais ça doit procéder d'un acte volontaire », a déclaré le ministre, qui veut ainsi revenir aux dispositions de la loi mise en place par l'ex-ministre RPR Charles Pasqua en 1993, avant d'être supprimées sous le gouvernement socialiste de Lionel Jospin.

La loi Pasqua soumettait l'obtention de la nationalité française pour un mineur né en France de parents étrangers disposant d'une carte de séjour, à une déclaration préalable à ses 18 ans.


50 ans après la loi Veil, les opposants à l'IVG ont appelé à « marcher pour la vie »

Nicolas Tardy-Joubert, président du groupe anti-avortement « Marche pour la vie », s’exprime lors d’une conférence de presse à la place de Catalunya à Paris, le 16 janvier 2022. (Photo par STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)
Nicolas Tardy-Joubert, président du groupe anti-avortement « Marche pour la vie », s’exprime lors d’une conférence de presse à la place de Catalunya à Paris, le 16 janvier 2022. (Photo par STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)
Short Url
  • Le cortège, organisé par des militants catholiques conservateurs, partira à 14 heures de la place du Trocadéro, à Paris.
  • Selon les derniers chiffres officiels, 243 623 IVG ont été enregistrées en 2023, soit 8 600 de plus que l'année précédente.

PARIS : Cinquante ans après la loi Veil, les opposants à l'avortement sont appelés à manifester dimanche dans le cadre de la « marche pour la vie ». Selon ses organisateurs, cette manifestation devrait rassembler plus de 10 000 personnes cette année.

Le cortège, organisé par des militants catholiques conservateurs, partira à 14 heures de la place du Trocadéro, à Paris.

La manifestation est organisée chaque année autour de l'anniversaire de la loi Veil relative à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), promulguée le 17 janvier 1975.

« Depuis 1975, ce sont plus de 10 millions d'enfants à naître qui ont été exclus de la société française : qui pourrait se réjouir de cela ? », déclare à l'AFP Nicolas Tardy-Joubert, président de la Marche pour la vie.

« Aujourd'hui, tout est fait pour encourager l'avortement, il n'y a pas de politique qui dissuade réellement », estime-t-il.

Selon les derniers chiffres officiels, 243 623 IVG ont été enregistrées en 2023, soit 8 600 de plus que l'année précédente.

Si les règles encadrant l'avortement ont été assouplies depuis 1975 et si « la liberté garantie à la femme » de recourir à l'IVG a été inscrite dans la Constitution en 2024, les associations féministes s'alarment toutefois d'un droit toujours « fragile » et font état « d'attaques régulières » de la part de ses opposants.

Outre l'opposition à l'IVG, les organisateurs de la « marche pour la vie » réclament, comme l'an dernier, une échographie obligatoire dès la sixième semaine de grossesse, permettant d'entendre battre le cœur du fœtus, ou encore un délai de réflexion de trois jours avant toute IVG.

Ils appellent également à « encourager l’accouchement sous X » et à défendre « le droit absolu à l’objection de conscience des personnels de santé et protéger la clause de conscience spécifique ».

Autre sujet également à l'ordre du jour de la manifestation : le rejet de toute légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie, ainsi que l'appel à « un grand plan pour que les soins palliatifs soient accessibles à tous ».

« Pour nous, l'interdit de tuer doit rester un fondement de notre société », insiste Nicolas Tardy-Joubert.

Porté par le gouvernement Attal, un projet de loi sur la fin de vie devait légaliser le suicide assisté et, dans certains cas, l'euthanasie, mais uniquement dans des situations strictement définies et en évitant d'employer ces termes, le gouvernement préférant parler d'"aide active à mourir". Son examen a été interrompu par la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024.

Mardi, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre François Bayrou n'a pas abordé ce sujet sensible, ni le délai d'examen ni le fond, en renvoyant le texte « au pouvoir d'initiative » du Parlement.