NEW YORK: Le peuple iranien demande aux gouvernements occidentaux, et en particulier aux États-Unis, de s’abstenir de conclure avec le régime iranien tout accord susceptible de garantir sa survie, selon des informations communiquées mercredi au Conseil de sécurité de l’ONU.
Le gouvernement de Téhéran utilisera tous les fonds qu’il reçoit des accords internationaux non pour améliorer le bien-être de son peuple, mais pour acheter plus d’armes et causer plus de destruction sur le plan national ainsi que dans la région au sens large, a-t-on averti les membres du conseil.
L’avocate iranienne Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix, a également exhorté les «gouvernements du monde libre» à retirer leurs ambassadeurs auprès de l’Iran et à réduire leur niveau de représentation diplomatique dans le pays à celui de chargés d’affaires.
Par ailleurs, elle appelle l’ONU à nommer une commission d’enquête similaire à celle qui a été mise en place par l’organisation au Myanmar pour enquêter sur les derniers crimes et violations de droits du régime iranien.
Elle a tenu ces propos lors d’une réunion du Conseil de sécurité convoquée par l’Albanie et les États-Unis, qui ont déclaré que les objectifs étaient de mettre en évidence la répression contre les femmes, les filles et les membres des minorités religieuses et ethniques en Iran, les poursuites engagées contre les défenseurs des droits humains à l’étranger, l’usage illégal de la force par le régime contre les manifestants et ses tentatives pour les enlever ou les assassiner. Il s’agit également d’identifier les moyens de promouvoir des enquêtes crédibles, internationales et indépendantes sur les violations et les abus des droits de l’homme dont se rend coupable le gouvernement iranien.
La vague de manifestations antigouvernementales qui a secoué l’Iran a été déclenchée par la mort en garde à vue, le 16 septembre dernier, de Mahsa Amini, une femme de 22 ans originaire de Saqqez, dans la province du Kurdistan. Elle avait été arrêtée trois jours auparavant pour avoir porté son voile «de manière inappropriée».
Depuis le début des dernières manifestations, au moins trois cents personnes auraient été tuées et plus de quatorze mille arrêtées lors de la répression brutale du régime contre les dissidents. Les organismes de surveillance des droits de l’homme qualifient ces chiffres d’«estimations prudentes».
Des journalistes et des avocats auraient été arrêtés après avoir soutenu ou couvert les manifestations. Des centaines de personnes arrêtées sont accusées d’infractions passibles de la peine de mort. Pendant ce temps, le gouvernement bloque l’accès à Internet dans la majeure partie du pays.
Des experts indépendants de l’ONU dénoncent les actions du gouvernement iranien comme faisant partie d’un «continuum de discrimination de longue date, omniprésente et sexiste, intégrée dans la législation, les politiques et les structures sociétales». Ils expriment leur soutien à «la mise en place d’un organisme international d’enquête pour garantir la responsabilisation en Iran et mettre fin à l’impunité persistante dans le cadre de violations graves des droits de l’homme».
Shirin Ebadi a déclaré mercredi lors de la réunion que les efforts du peuple iranien pour changer la donne en Iran et imposer des réformes «se heurtent [constamment] à un mur, mais [que] les Iraniens n’accepteront désormais rien de moins qu’un gouvernement démocratique et laïc».
Nazanin Boniadi, une actrice et militante britannique née à Téhéran, a expliqué aux membres du conseil que, en quatorze ans de travail avec des militants des droits de l’homme, elle n’avait jamais été témoin «d’une opposition aussi large et engagée au régime de la République islamique».
Elle a ajouté: «Alors que l’Iran s’est habitué aux manifestations de masse presque une fois par décennie, ni les manifestations étudiantes de 1999, ni le mouvement vert de 2009, ni même les manifestations les plus récentes de novembre 2019 ne peuvent être comparés, en ferveur ou en ampleur, aux manifestations actuelles au cours desquelles, pour la première fois depuis la mise en place du régime théocratique, en 1979, non seulement les gens s’opposent ouvertement au Guide suprême, Ali Khamenei, âgé de 83 ans – ce qu’ils ont commencé à faire en 2017 –, mais ils ripostent activement pour se défendre contre les forces de sécurité, démolissant des affiches et brûlant les photos du fondateur de la République islamique, l’ayatollah Khomeini.»
«Les Iraniens et le monde, à plusieurs reprises, ont été trompés, pensant que les élections présidentielles, qui n’ont jamais été libres ou équitables, changeraient les choses pour eux. Mais les élections en Iran sont une véritable mise en scène.»
«L’arrivée à la présidence d’Ebrahim Raïssi, qui a été un pilier de l’État oppressif impliqué dans des crimes contre l’humanité, et dont la direction remonte à l’Iran des années 1980, est une preuve suffisante que la culture d’impunité règne en maîtresse absolue en Iran.»
Nazanin Boniadi a déclaré que l’avenir de l’Iran serait «écrit par son propre peuple et dans ses propres rues», mais elle a ajouté qu’aucun pays ne pouvait rester seul dans sa quête de liberté et d’autodétermination. Elle a donc appelé le Conseil de sécurité à aider le peuple de la nation en temps de crise, «parce que la République islamique n’est pas seulement une menace pour son propre peuple. Ses violations des droits humains sont devenues l’une de ses principales exportations».
«Les abus du régime en Iran et dans le monde sont bien documentés», a-t-elle précisé.
«Le régime de la République islamique a pris en otage des étrangers pour les utiliser comme monnaie d’échange politique et il a intimidé, enlevé et assassiné des dizaines de dissidents au-delà de ses frontières, sans compter les récentes tentatives d’assassinat d’éminents écrivains et militants à quelques kilomètres de là où nous sommes actuellement réunis.»
Elle a enfin appelé à l’unité mondiale, affirmant que «le potentiel des manifestations actuelles pour transformer l’Iran de régime théocratique en gouvernement représentatif pourrait constituer un tournant géopolitique» et constituer «le principal moteur de la stabilité au Moyen-Orient».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com