GENÈVE : Le directeur général de l'OMS s'est dit «inquiet» jeudi de l'augmentation du nombre de cas de variole du singe lors de l'ouverture de la réunion du Comité d'urgence, demandant conseil aux experts avant de trancher sur l'accession au plus haut niveau d'alerte de l'organisation.
«J'ai besoin de vos conseils pour évaluer les implications de santé publique immédiates et à long terme de l'évolution de cet évènement», a déclaré le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui «reste inquiet» de la diffusion de la maladie.
C'est à lui qu'incombe la responsabilité d'éventuellement déclarer l'urgence de santé publique de portée internationale, le plus haut degré d'alerte de l'agence de santé, sur la base des recommandations du Comité.
Le Dr. Tedros avait appelé les experts à «(lui) fournir les informations et les conseils pour informer sa décision», ayant «parfaitement conscience» que celle-ci «implique de considérer beaucoup de facteurs, avec comme objectif ultime de protéger la santé publique».
La réunion du comité d'urgence a duré moins de six heures. Mais les éventuelles conclusions des experts n'ont pas été rendues publiques.
Ce Comité d'urgence a évalué les indicateurs épidémiologiques, alors que la situation s'est aggravée ces dernières semaines avec désormais plus de 15.300 cas recensés dans 71 pays, selon les derniers chiffres des autorités sanitaires des Etats-Unis (CDC), les plus à jour.
Lors d'une première réunion le 23 juin, la majorité des experts avaient recommandé au Dr Tedros de ne pas prononcer l'urgence de santé publique de portée internationale.
Détectée début mai, la recrudescence inhabituelle de cas de variole du singe en dehors des pays d'Afrique centrale et de l'ouest où le virus est endémique, s'est depuis étendue dans le monde entier, avec comme épicentre l'Europe.
Décelée pour la première fois chez l'humain en 1970, la variole du singe est moins dangereuse et contagieuse que sa cousine la variole, éradiquée en 1980.
- Eviter la stigmatisation -
Dans la plupart des cas, les malades sont des hommes homosexuels, relativement jeunes, et vivant essentiellement en ville, selon l'OMS.
Une étude publiée jeudi dans la revue scientifique New England Journal of Medicine, la plus large réalisée sur le sujet et basée sur des données de 16 pays différents, confirme que la vaste majorité -- 95% -- des cas récents ont été transmis lors d'un contact sexuel et que 98% des personnes touchées étaient des hommes gays ou bisexuels.
«Ce mode de transmission représente à la fois une opportunité pour mettre en place des interventions de santé publique ciblées, et un défi, car dans certains pays, les communautés affectées sont face à des discriminations qui menacent leur vie», a relevé le Dr. Tedros.
«Il y a une réelle inquiétude que les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes puissent être stigmatisés ou blâmés pour la flambée de cas, la rendant beaucoup plus difficile à tracer et à stopper», a-t-il averti.
Il faut donc «travailler étroitement avec les communautés affectées dans toutes les régions» pour adopter «les approches les plus efficaces», a poursuivi le directeur général, déplorant en outre le manque d'informations en provenance des régions d'Afrique centrale et de l'ouest, où le virus est endémique.
Selon les derniers chiffres de l'OMS publiés jeudi, au 20 juillet, l'Europe demeure la région la plus touchée avec près des trois quarts des cas, suivie par les Amériques (22.9%).
L'Espagne est le pays le plus touché au monde, avec 3.125 cas, devant le Royaume-Uni (2.137), l'Allemagne (2.110), les Etats-Unis (1.965), la France (912), les Pays-Bas (656), le Canada (604), le Portugal (515), le Brésil (384) et l'Italie (374).
Dans 77.2% des cas, les malades sont des hommes âgés de 18 à 44 ans, et 98.1% des personnes ayant renseigné leur orientation sexuelle sont des hommes homosexuels.
- Rares vaccins -
L'agence de santé œuvre en parallèle aux côtés des Etats-membres et des experts pour faire avancer la recherche et le développement autour du virus, alors que les vaccins sont rares.
L'entreprise danoise Bavarian Nordic, l'unique laboratoire produisant un vaccin autorisé contre la variole du singe, informait mardi avoir reçu une commande d'1,5 million de doses, majoritairement livrées en 2023, d'un pays européen dont le nom n'a pas filtré, alors que les Etats-Unis ont commandé 2,5 millions de doses supplémentaires.
En France, selon la Direction générale de la santé, répondant jeudi à franceinfo, 30.000 doses ont été sorties des stocks de vaccins, et plus des deux tiers sont parvenues sur le terrain.