BOBIGNY: La lanceuse d'alerte Stéphanie Gibaud, à l'origine de révélations de fraude fiscale concernant le géant bancaire suisse UBS, est fondée à demander une indemnisation à l'administration fiscale française, selon une décision du tribunal administratif de Montreuil consultée vendredi par l'AFP.
L'administration fiscale a reçu des informations transmises par cette ex-responsable marketing d'UBS en France, mais a refusé en 2020 sa demande d'indemnisation, s'appuyant sur un arrêté qui stipule que seuls les renseignements fournis avant 2017 pouvaient donner lieu à une compensation financière.
Or ces documents peuvent être exploités au-delà de la date à laquelle ils ont été fournis, ce que "l'administration ne conteste pas", a relevé le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) après une audience le 23 juin.
Le tribunal a donc enjoint le directeur général des finances publiques de "réexaminer la demande" de Mme Gibaud dans un délai de trois mois.
L'ex-cadre s'estime fondée à recevoir 3,5 millions d'euros, une somme calculée par rapport aux impôts éludés ayant pu être identifiés par son action.
"C'est un grand pas en avant, une reconnaissance supplémentaire", a confié son avocat Antoine Reillac.
Vivant "aux minima sociaux", elle a été "médiatisée et ostracisée. Je ne désespère pas qu'elle soit réhabilitée", a-t-il assuré.
En 2018 le tribunal administratif de Paris a condamné l'État à lui verser 3 000 euros "en réparation du préjudice moral qu'elle a subi en raison de sa collaboration occasionnelle au service public entre les mois de juin 2011 et juin 2012".
Licenciée en 2012, Stéphanie Gibaud avait porté plainte dès 2009 pour harcèlement moral et obtenu 30 000 euros d'UBS aux prud'hommes, avait été relaxée en 2010 pour diffamation non publique envers la banque, puis à nouveau poursuivie pour diffamation après la publication de son livre "La femme qui en savait vraiment trop".
En décembre 2021, la banque suisse a été condamnée en appel à payer 1,8 milliard d'euros pour avoir mis en place un "système" visant à "faciliter" la fraude fiscale de riches contribuables français entre 2004 et 2012. La maison-mère a formé un pourvoi en cassation, mais pas la filiale française pour qui la peine est définitive.
Cette filiale doit par ailleurs être jugée pour harcèlement envers Stéphanie Gibaud et un second lanceur d'alerte, Nicolas Forissier, mais aussi pour entrave au fonctionnement régulier du CHSCT et subornation de témoin.