PARIS: Son quotidien? Dévaler des pentes raides en se lançant dans le vide à 4 000 m d'altitude. Matthias Giraud, dit "Super Frenchie", est un accro de la montagne qu'il dévore à coups d'exploits en base jump à skis, un sport extrême qui a bien failli lui coûter la vie.
C'est du côté de Mégève que Matthias Giraud est venu partager sa passion face au Mont-Blanc, si cher à son coeur, lors du "Back To Back Freeski Invitational", un show à skis pour experts en sensations fortes.
Il s'est offert une impressionnante descente en freeride (de la pente raide en livrant des figures acrobatiques) depuis l'Aiguille Croche (2.487 m), avant de sauter de la falaise en chute libre (2.022 m) et de voler grâce à son parachute.
Giraud est un adepte du base jump à skis, une pratique qui lui permet de descendre "une face énorme avec une barre (pente très raide) de 200 mètres".
"On ne peut pas survivre à une barre de 200 mètres et moi, je voulais vraiment skier jusqu'au point de non-retour. Un parachute était l'outil parfait. Au lieu de s'arrêter, de faire un rappel et de remonter à pied, là on y va à fond et puis on s'envole", raconte à l'AFP Giraud pour expliquer ce qui l'a amené sur ce chemin périlleux et captivant.
A 9 ans, il découvre le base jump au travers d'un film, "Pushing the limits": "C'était un appel. J'avais l'impression de faire partie de la tribu, mais il fallait jusque que je gagne ma place dans la tribu", se souvient le Normand de 38 ans, né d'une mère hollandaise et d'un père aveyronnais et qui a découvert la montagne lors de vacances près de Chamonix.
«Ma vraie vie allait commencer»
A 24 ans, il signe son premier saut en ski base jump, sur le Mont Hood (3.429 m, Oregon/Etats-Unis), une première mondiale qui fait le buzz aux Etats-Unis et qui lui vaut son surnom "Super Frenchie" (super Français).
"C'était comme dans le dessin animé +Bip Bip et le Coyote+ quand le coyote court d'une falaise pendant super longtemps avant de tomber (...) Je savais que ma vraie vie allait commencer", souligne celui qui, ensuite, a enchaîné des sauts très engagés et spectaculaires depuis des falaises mais aussi de ponts, d'antennes radio, d'immeubles et même de châteaux.
"J'y suis allé très fort quand même pendant plusieurs années, à faire des doubles saltos arrière sur des barres de seulement 80 mètres, à ouvrir à 20 mètres du sol".
Et puis, en 2013, il y a eu la pointe d'Areu (2.478 m, chaîne des Aravis/Haute-Savoie). Une étape pour réaliser son rêve de "sauter le Mont Blanc", à quelques semaines de la naissance de son fils.
"Le vent s'est levé, mais je ne pouvais pas le sentir (...) mon parachute s'est ouvert de travers, je me suis flanqué dans la falaise quatre fois, ça m'a cassé le fémur. J'ai réussi à faire tourner le parachute, je me suis évanoui sous voile à cause de la douleur, puis j'ai volé 1500 mètres inconscient. Je me suis écrasé dans une forêt, en bas dans la vallée, ça m'a déchiré le parachute, je suis tombé de 10, 15 mètres sur la terre, ça m'a recassé le fémur", se remémore-t-il.
Trois jours de coma
Après trois jours de coma et deux hémorragies cérébrales, il met trois mois pour remarcher, mais reprend la chute libre, quatre mois après son accident, puis le base jump: "Je n'avais pas le choix, c'était ma vocation".
Après cinq ans de travail pour digérer son accident, il retourne à la pointe d'Areu.
"C'était pesant. J'ai écrit une lettre à mon fils au cas où quelque chose se passerait. C'était sombre, un peu comme si je préparais mes propres funérailles. Mais cette ascension a été +libérante+", explique celui qui vit une partie de l'année aux Etats-Unis.
"2018 a été l'année la plus dure. 2019, c'était le retour du phénix. Je me sentais vraiment là où je devais être", résume-t-il.
En juin de cette année-là, il devient le premier à sauter en ski base jump depuis le Mont Blanc, en s'élançant depuis les Rochers rouges (4.359 m).
"Il n'y avait aucune marge d'erreur, c'était un saut qui faisait seulement 57 mètres de verticale à 4.400 mètres d'altitude. Si je n'avais pas eu cet accident, le plus beau jour de ma vie en ski base jump ne serait jamais arrivé", conclut "Super Frenchie", désormais en quête d'un nouveau record... à 6 000 mètres!