PARIS: Qu'il soit bleu chirurgical, en tissu coloré fait maison ou de type FFP2, le masque, dont le port obligatoire sera levé lundi (sauf dans les transports), a été le symbole le plus visible de deux années d'épidémie de Covid-19.
D'abord jugé inutile puis rendu obligatoire, souvent contesté: rappel des grandes étapes du port du masque en France.
Mars 2020: une «denrée rare»
En mars 2020, la pandémie causée par le nouveau coronavirus SARS-Cov-2 déferle en France. Les stocks de masques sont très limités et les autorités sanitaires les réservent aux soignants et malades.
"C'est vraiment une denrée rare, une ressource précieuse pour les soignants, et totalement inutile pour toute personne dans la rue", déclare le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, le 18 mars 2020 au début du premier confinement.
La polémique enfle sur la responsabilité de cette pénurie: les réserves sont passées de presque 2 milliards d'unités (masques chirurgicaux et FFP2) en 2009 à 100 millions à la veille de la crise sanitaire.
Fin 2020, une commission d'enquête du Sénat l'imputera "directement à la décision, prise en 2018 par le directeur général de la Santé, de ne pas renouveler le stock de masques chirurgicaux".
Printemps 2020: la promotion des masques «grand public»
Au fil des semaines, le discours du gouvernement évolue, du fait notamment de la prise de conscience de la transmission de la maladie via les aérosols. Les difficultés d'approvisionnement en masques chirurgicaux persistent et l'exécutif met en avant la production de masques alternatifs, en tissu, diffuse des normes pour la confection de masques "grand public".
Le 11 mai 2020, date du premier déconfinement, le masque devient obligatoire dans les transports en commun et les collèges. Il est recommandé dans les commerces.
Fatigue, «vannes ouvertes» et applaudissements: deux ans après, le confinement vu par les soignants
Deux ans après le premier confinement, les "héros en blouses blanches" restent marqués par l'irruption brutale de la Covid-19 et conservent des souvenirs contrastés de cette période à la fois "dure" et paradoxalement "positive" pour certains.
«D'un coup tout est devenu possible» (Olivier Milleron, cardiologue)
On avait arrêté toute notre activité programmée, il n'y avait quasiment plus de patients qui rentraient, pendant plusieurs jours l'hôpital était vide en attendant la vague. Tout d'un coup, elle est arrivée et de façon paradoxale tout est devenu possible. C'étaient les soignants qui organisaient et l'administration qui suivait.
Dans un certain sens, c'était une période positive car tout le monde a travaillé avec un objectif commun et il n'y avait pas de limite organisationnelle ni financière.
Je me souviens d'un soir, après une journée difficile où on avait perdu beaucoup de patients, je rentrais à vélo à la maison, tout était fermé et d'un coup à 20 heures les gens ont applaudi aux fenêtres. Même s'il y avait un côté dérisoire, parce que plein de gens étaient en train de mourir, c'était important à ce moment-là. On avait l'impression que ça allait déboucher sur quelque chose.
Deux ans plus tard, le constat est catastrophique. On s'inquiétait déjà avant le Covid car l'hôpital était fragilisé, aujourd'hui il s'écroule, tout le monde s'en va. On y a cru, le sentiment de trahison est énorme.
«J'en suis ressortie lessivée» (Catherine Defendini, infirmière anesthésiste)
S'il faut résumer en un mot cette période, c'est: fatigue. Pendant deux mois, j'ai assuré les nuits en réa Covid, de 19 heures à 7 heures du matin, et j'en suis ressortie lessivée. C'était complètement désorganisé, mon planning changeait tous les jours, avec des rythmes anarchiques.
A cela s'ajoutait l'inconnu, le manque de matériel, la peur d'attraper la Covid et de la ramener à la maison... Un stress ambiant planait sur tout le service.
Je me rappelle les applaudissements qu'on entendait depuis les chambres des patients, c'était un truc vraiment sympa. Je me souviens aussi des coups de fil des familles qui n'avaient pas le droit de venir à l'hôpital et des rues désertes le matin.
En retournant au bloc opératoire au mois de mai, je me suis aperçue que j'avais perdu l'odorat et donc attrapé la Covid. Mais j'avais tellement la tête dans le guidon que je ne m'en étais pas rendu compte. Pourtant en réa, il y a des odeurs !
«On a moins subi l'isolement» (Nicolas Kazolias, aide-soignant)
On s'adaptait jour après jour à ce qu'on apprenait de la maladie, en organisant des circuits avec des marquages au sol, pour séparer les patients Covid et non-Covid. Ca nécessitait de doubler certains postes pour limiter les risques, mais toutes les vannes étaient ouvertes. Ils ne comptaient pas le personnel, alors qu'on sait que c'est ce qui coûte le plus cher.
On savait qu'on prenait le risque d'attraper la Covid et de la ramener chez nous, mais d'un autre côte on a moins subi l'isolement parce qu'on savait qu'on pouvait sortir pendant notre journée de travail et on se sentait privilégiés d'avoir cette socialisation.
On a reçu des aides de partout, il y a eu un vrai élan de solidarité: du savon, des masques, des baskets... On nous ramenait tout le temps à manger, ça faisait chaud au coeur.
Dès le lendemain de la première vague, ça a été très brutal, on s'est retrouvé du jour au lendemain en sous-effectif, dans la même situation qu'avant. Pas mal de gens sont partis, parce que le vase était déjà plein et ça a été la goutte d'eau pour eux.
«On était en mode très dégradé» (Nicolas de Prost, réanimateur)
C'était une période dure. Psychologiquement, physiquement. On a vraiment été confronté de manière frontale à cette première vague.
Il a fallu doubler le nombre de lits de réa, en colonisant tous ceux de soins continus, de soins intensifs, en recrutant le personnel du bloc opératoire à la faveur des déprogrammations multiples... Et après ça, on a encore ouvert 80 lits de plus dans un nouveau bâtiment qui devait normalement ouvrir quelques mois plus tard. On était en mode très, très dégradé.
Depuis, à part une petite lune de miel à l'été 2020, on n'a jamais arrêté de faire du Covid, avec des expansions en accordéon, au gré des vagues. Cette crise a montré que nous avons besoin d'une offre de lits de réanimation plus importante, de former plus de médecins réanimateurs, de reconnaitre la qualification des infirmières de réa.
Il faut se préparer à gérer de telles crises parce que si ce n'est pas le Covid demain, ce sera autre chose.
Eté 2020: port obligatoire
La protection faciale "dans tous les lieux publics clos", comme les commerces, devient obligatoire à partir du 20 juillet, avec une amende de 135 euros pour les contrevenants.
De nombreuses municipalités rendent obligatoire le masque dans les rues de leurs centre-ville durant l'été.
Parfois ce sont les préfets qui prennent le relais et imposent le masque dans les zones à forte densité de population.
A Paris, le masque devient obligatoire dans la totalité de l'espace public le 28 août.
Outre les rues des grandes villes, le port du masque s'impose à la rentrée dans les collèges, lycées et les entreprises.
Masques et anti-masques
Une contestation anti-masque voit le jour: le 29 août 2020, quelques centaines de manifestants protestent à Paris aux cris de "liberté, liberté !".
Le 6 septembre le Conseil d'Etat entérine des arrêtés préfectoraux imposant le port du masque généralisé dans les rues de Strasbourg, de Lyon et Villeurbanne.
Port étendu
Face à une nouvelle vague épidémique, le gouvernement annonce le 29 octobre 2020 l'extension du port du masque aux enfants des écoles primaires.
En janvier 2021, l'arrivée de nouveaux variants plus contagieux pousse le Haut conseil de la santé publique (HCSP) à recommander d'éviter les masques en tissu de catégorie 2 (filtrant 70% des particules), jugés pas assez filtrants, et les masques artisanaux.
Relâchement
En mai, plusieurs villes et préfectures annoncent une levée de l'obligation de port du masque dans la rue, à Arcachon par exemple.
Le port du masque à l'extérieur n'est plus obligatoire en France à compter du 17 juin, sauf exceptions, grâce à la baisse des contaminations.
Retour
Mais le masque obligatoire à l'extérieur fait son retour en juillet et en août dans plusieurs départements touristiques pour contrer un rebond épidémique.
A la rentrée 2021, le masque reste de mise pour tous les élèves, du primaire à l'université.
L'obligation est levée le 4 octobre dans les écoles primaires des départements les moins touchés. Mais volte-face le 15 novembre: face à une flambée des cas, le masque redevient obligatoire dans toutes les écoles primaires du pays.
Le 29 décembre, le masque est réimposé à l'extérieur partout à Paris, puis dans toute la région parisienne, à Lyon et dans de nombreuses autres villes.
Adieu les masques?
Début 2022, le reflux épidémique permet un certain relâchement: à partir du 2 février 2022, l'obligation de porter un masque à l'extérieur disparaît.
Et grâce à l'embellie sanitaire, le gouvernement annonce qu'à compter du 28 février, le masque n'est plus obligatoire dans les lieux clos soumis au pass vaccinal, exception faite des transports.
A partir du 14 mars, le masque n'est plus obligatoire dans tous les lieux fermés comme les magasins ou les entreprises où son port était de mise, à l'exception des transports publics.