Deux ans de masques anti-Covid: pénuries, volte-face et polémiques

Des résidents font la queue pour subir des tests d'acide nucléique pour le coronavirus Covid-19 à Jilin, dans la province du Jilin, dans le nord-est de la Chine, le 12 mars 2022. (AFP)
Des résidents font la queue pour subir des tests d'acide nucléique pour le coronavirus Covid-19 à Jilin, dans la province du Jilin, dans le nord-est de la Chine, le 12 mars 2022. (AFP)
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Publié le Samedi 12 mars 2022

Deux ans de masques anti-Covid: pénuries, volte-face et polémiques

  • Une contestation anti-masque voit le jour: le 29 août 2020, quelques centaines de manifestants protestent à Paris aux cris de «liberté, liberté !»
  • A partir du 14 mars, le masque n'est plus obligatoire dans tous les lieux fermés comme les magasins ou les entreprises où son port était de mise, à l'exception des transports publics

PARIS: Qu'il soit bleu chirurgical, en tissu coloré fait maison ou de type FFP2, le masque, dont le port obligatoire sera levé lundi (sauf dans les transports), a été le symbole le plus visible de deux années d'épidémie de Covid-19.

D'abord jugé inutile puis rendu obligatoire, souvent contesté: rappel des grandes étapes du port du masque en France.

Mars 2020: une «denrée rare»

En mars 2020, la pandémie causée par le nouveau coronavirus SARS-Cov-2 déferle en France. Les stocks de masques sont très limités et les autorités sanitaires les réservent aux soignants et malades.

"C'est vraiment une denrée rare, une ressource précieuse pour les soignants, et totalement inutile pour toute personne dans la rue", déclare le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, le 18 mars 2020 au début du premier confinement.

La polémique enfle sur la responsabilité de cette pénurie: les réserves sont passées de presque 2 milliards d'unités (masques chirurgicaux et FFP2) en 2009 à 100 millions à la veille de la crise sanitaire.

Fin 2020, une commission d'enquête du Sénat l'imputera "directement à la décision, prise en 2018 par le directeur général de la Santé, de ne pas renouveler le stock de masques chirurgicaux".

Printemps 2020: la promotion des masques «grand public»

Au fil des semaines, le discours du gouvernement évolue, du fait notamment de la prise de conscience de la transmission de la maladie via les aérosols. Les difficultés d'approvisionnement en masques chirurgicaux persistent et l'exécutif met en avant la production de masques alternatifs, en tissu, diffuse des normes pour la confection de masques "grand public".

Le 11 mai 2020, date du premier déconfinement, le masque devient obligatoire dans les transports en commun et les collèges. Il est recommandé dans les commerces.

Fatigue, «vannes ouvertes» et applaudissements: deux ans après, le confinement vu par les soignants

Deux ans après le premier confinement, les "héros en blouses blanches" restent marqués par l'irruption brutale de la Covid-19 et conservent des souvenirs contrastés de cette période à la fois "dure" et paradoxalement "positive" pour certains.

«D'un coup tout est devenu possible» (Olivier Milleron, cardiologue)

On avait arrêté toute notre activité programmée, il n'y avait quasiment plus de patients qui rentraient, pendant plusieurs jours l'hôpital était vide en attendant la vague. Tout d'un coup, elle est arrivée et de façon paradoxale tout est devenu possible. C'étaient les soignants qui organisaient et l'administration qui suivait.


Dans un certain sens, c'était une période positive car tout le monde a travaillé avec un objectif commun et il n'y avait pas de limite organisationnelle ni financière.


Je me souviens d'un soir, après une journée difficile où on avait perdu beaucoup de patients, je rentrais à vélo à la maison, tout était fermé et d'un coup à 20 heures les gens ont applaudi aux fenêtres. Même s'il y avait un côté dérisoire, parce que plein de gens étaient en train de mourir, c'était important à ce moment-là. On avait l'impression que ça allait déboucher sur quelque chose.


Deux ans plus tard, le constat est catastrophique. On s'inquiétait déjà avant le Covid car l'hôpital était fragilisé, aujourd'hui il s'écroule, tout le monde s'en va. On y a cru, le sentiment de trahison est énorme.

«J'en suis ressortie lessivée» (Catherine Defendini, infirmière anesthésiste)

S'il faut résumer en un mot cette période, c'est: fatigue. Pendant deux mois, j'ai assuré les nuits en réa Covid, de 19 heures à 7 heures du matin, et j'en suis ressortie lessivée. C'était complètement désorganisé, mon planning changeait tous les jours, avec des rythmes anarchiques.


A cela s'ajoutait l'inconnu, le manque de matériel, la peur d'attraper la Covid et de la ramener à la maison... Un stress ambiant planait sur tout le service.


Je me rappelle les applaudissements qu'on entendait depuis les chambres des patients, c'était un truc vraiment sympa. Je me souviens aussi des coups de fil des familles qui n'avaient pas le droit de venir à l'hôpital et des rues désertes le matin.


En retournant au bloc opératoire au mois de mai, je me suis aperçue que j'avais perdu l'odorat et donc attrapé la Covid. Mais j'avais tellement la tête dans le guidon que je ne m'en étais pas rendu compte. Pourtant en réa, il y a des odeurs !

«On a moins subi l'isolement» (Nicolas Kazolias, aide-soignant)

On s'adaptait jour après jour à ce qu'on apprenait de la maladie, en organisant des circuits avec des marquages au sol, pour séparer les patients Covid et non-Covid. Ca nécessitait de doubler certains postes pour limiter les risques, mais toutes les vannes étaient ouvertes. Ils ne comptaient pas le personnel, alors qu'on sait que c'est ce qui coûte le plus cher.


On savait qu'on prenait le risque d'attraper la Covid et de la ramener chez nous, mais d'un autre côte on a moins subi l'isolement parce qu'on savait qu'on pouvait sortir pendant notre journée de travail et on se sentait privilégiés d'avoir cette socialisation.


On a reçu des aides de partout, il y a eu un vrai élan de solidarité: du savon, des masques, des baskets... On nous ramenait tout le temps à manger, ça faisait chaud au coeur.


Dès le lendemain de la première vague, ça a été très brutal, on s'est retrouvé du jour au lendemain en sous-effectif, dans la même situation qu'avant. Pas mal de gens sont partis, parce que le vase était déjà plein et ça a été la goutte d'eau pour eux.

«On était en mode très dégradé» (Nicolas de Prost, réanimateur)

C'était une période dure. Psychologiquement, physiquement. On a vraiment été confronté de manière frontale à cette première vague.


Il a fallu doubler le nombre de lits de réa, en colonisant tous ceux de soins continus, de soins intensifs, en recrutant le personnel du bloc opératoire à la faveur des déprogrammations multiples... Et après ça, on a encore ouvert 80 lits de plus dans un nouveau bâtiment qui devait normalement ouvrir quelques mois plus tard. On était en mode très, très dégradé.


Depuis, à part une petite lune de miel à l'été 2020, on n'a jamais arrêté de faire du Covid, avec des expansions en accordéon, au gré des vagues. Cette crise a montré que nous avons besoin d'une offre de lits de réanimation plus importante, de former plus de médecins réanimateurs, de reconnaitre la qualification des infirmières de réa.


Il faut se préparer à gérer de telles crises parce que si ce n'est pas le Covid demain, ce sera autre chose.

Eté 2020: port obligatoire

La protection faciale "dans tous les lieux publics clos", comme les commerces, devient obligatoire à partir du 20 juillet, avec une amende de 135 euros pour les contrevenants.

De nombreuses municipalités rendent obligatoire le masque dans les rues de leurs centre-ville durant l'été.

Parfois ce sont les préfets qui prennent le relais et imposent le masque dans les zones à forte densité de population.

A Paris, le masque devient obligatoire dans la totalité de l'espace public le 28 août.

Outre les rues des grandes villes, le port du masque s'impose à la rentrée dans les collèges, lycées et les entreprises.

Masques et anti-masques

Une contestation anti-masque voit le jour: le 29 août 2020, quelques centaines de manifestants protestent à Paris aux cris de "liberté, liberté !".

Le 6 septembre le Conseil d'Etat entérine des arrêtés préfectoraux imposant le port du masque généralisé dans les rues de Strasbourg, de Lyon et Villeurbanne.

Port étendu 

Face à une nouvelle vague épidémique, le gouvernement annonce le 29 octobre 2020 l'extension du port du masque aux enfants des écoles primaires.

En janvier 2021, l'arrivée de nouveaux variants plus contagieux pousse le Haut conseil de la santé publique (HCSP) à recommander d'éviter les masques en tissu de catégorie 2 (filtrant 70% des particules), jugés pas assez filtrants, et les masques artisanaux.

Relâchement 

En mai, plusieurs villes et préfectures annoncent une levée de l'obligation de port du masque dans la rue, à Arcachon par exemple.

Le port du masque à l'extérieur n'est plus obligatoire en France à compter du 17 juin, sauf exceptions, grâce à la baisse des contaminations.

Retour 

Mais le masque obligatoire à l'extérieur fait son retour en juillet et en août dans plusieurs départements touristiques pour contrer un rebond épidémique.

A la rentrée 2021, le masque reste de mise pour tous les élèves, du primaire à l'université.

L'obligation est levée le 4 octobre dans les écoles primaires des départements les moins touchés. Mais volte-face le 15 novembre: face à une flambée des cas, le masque redevient obligatoire dans toutes les écoles primaires du pays.

Le 29 décembre, le masque est réimposé à l'extérieur partout à Paris, puis dans toute la région parisienne, à Lyon et dans de nombreuses autres villes.

Adieu les masques? 

Début 2022, le reflux épidémique permet un certain relâchement: à partir du 2 février 2022, l'obligation de porter un masque à l'extérieur disparaît.

Et grâce à l'embellie sanitaire, le gouvernement annonce qu'à compter du 28 février, le masque n'est plus obligatoire dans les lieux clos soumis au pass vaccinal, exception faite des transports.

A partir du 14 mars, le masque n'est plus obligatoire dans tous les lieux fermés comme les magasins ou les entreprises où son port était de mise, à l'exception des transports publics. 


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »