CASABLANCA: Après un rebond en 2021, la croissance économique du Maroc semble marquer le pas en ce début d’année. Le retard des précipitations laisse augurer une récolte agricole modeste dans la mesure où l’économie marocaine dépend étroitement de ce secteur, alors que l’activité touristique est en panne à cause de la fermeture des frontières marocaines depuis le 29 novembre 2021.
Les hommes d’affaires et les investisseurs n’ont pas de visibilité, et la consommation intérieure va ralentir cette année, après avoir été la locomotive de la croissance économique l’an passé. Selon le Haut-Commissariat au plan (HCP), l’organisme chargé de la publication des statistiques officielles au Maroc, la demande intérieure devrait progresser de 3,5% en 2022, contre 8% en 2021, limitant ainsi sa contribution à la croissance économique nationale à 3,8 points, contre 8,6 l’année dernière.
Les effets du variant Omicron
«Les avancées en matière de campagnes de vaccination, l’amélioration de la situation sanitaire et le retour graduel de l’optimisme qui en résulte auraient permis un rebond de la demande intérieure, qui se serait accrue de 8% en volume en 2021 au lieu d’une baisse de 6% en 2020, ce qui avait contribué à la croissance du produit intérieur brut (PIB) de 8,6 points», rappelle le HCP dans son budget économique prévisionnel pour 2022. Or, aujourd’hui, la situation sanitaire n’est pas aussi reluisante qu’en 2021 en raison de la forte propagation du variant Omicron dans le Royaume.
En conséquence, l'économie marocaine ne devrait enregistrer qu’une croissance timide de 2,9% en 2022 après un rebond estimé à 7,2% en 2021. Le déficit budgétaire devrait se situer à 6,1% du PIB au titre de l'année 2022 et le déficit commercial atteindra 17,6% du PIB en 2022, soit une aggravation d'1% par rapport à l’année 2021.
La Banque mondiale plus optimiste que le HCP
Cette inquiétude est partagée par la Banque mondiale, selon son dernier rapport de suivi de la situation économique, intitulé «De la reprise à l’accélération». Selon l’institution de Bretton Woods, la croissance du PIB devrait ralentir à 3,2% en 2022, un taux plus optimiste que celui qui était prévu par le HCP. «Après une récolte exceptionnelle en 2021, la production agricole devrait se contracter légèrement en 2022, ce qui abaissera le taux de croissance global de l’économie marocaine», indique la Banque mondiale.
«Ces perspectives sont cependant sujettes à une incertitude considérable étant donné que le choc de la Covid-19 a laissé des séquelles sur le secteur privé marocain et que les risques pour l’économie mondiale s’intensifient, notamment au regard de la circulation de nouveaux variants de la Covid-19», souligne-t-elle encore.
Pour l’institution financière, la reprise devrait rester asymétrique: les restrictions mondiales liées à la pandémie, parmi lesquelles la suspension récente des liaisons maritimes et aériennes avec l’Europe, affectent le tourisme international et le secteur des services. Une accélération progressive de la croissance n’est attendue qu’après 2022, en rapport avec la mise en œuvre de l’important agenda de réformes du gouvernement.
Un agenda de réformes doit être défini
En effet, la Banque mondiale conditionne l’accélération de la croissance du Maroc en période postpandémique au fait que soit immédiatement défini un agenda de réformes qui devra être rapidement opérationnel. «Le Nouveau modèle de développement (NMD) récemment dévoilé par les autorités marocaines fixe d’ambitieux objectifs dont la concrétisation nécessitera une forte accélération de la croissance économique.»
L’un des principaux objectifs à long terme du NMD vise le doublement du PIB par habitant entre 2019 et 2035. «Compte tenu de la récession de 2020 due à la pandémie de Covid-19 et aux épisodes de sécheresse, il est peu probable que le Maroc retrouve avant 2022 son niveau de PIB par habitant d’avant la pandémie», note la Banque mondiale.
Cette dernière ajoute: «Cela impliquerait que l’objectif du NMD soit atteint sur une période de treize ans seulement (2022-2035). Si la croissance démographique continue de ralentir modérément, l’économie devra enregistrer un taux de croissance annuel moyen de 6,8% à partir de 2022 pour atteindre cet objectif, soit un taux nettement supérieur aux performances historiques du Maroc.»
Par ailleurs, la Banque mondiale se pose les questions suivantes: ces objectifs sont-ils réalisables et quelles politiques publiques apporteraient les plus grands dividendes de croissance?