PARIS : Canal+ va-t-elle rester sur la TNT? La chaîne a entretenu le suspense mercredi devant le CSA, prévenant qu'elle pourrait renoncer à sa diffusion hertzienne si elle n'obtenait pas des pouvoirs publics des « preuves d'amour » en matière réglementaire et fiscale.
Quitter la TNT serait une vraie rupture pour la chaîne, qui est diffusée sur les ondes hertziennes depuis son lancement en 1984.
Après avoir fait souffler le chaud et le froid pendant des mois sur ses intentions concernant son maintien sur la Télévision numérique terrestre, Canal+ s'est bien portée candidate cet été au renouvellement de son autorisation de diffusion sur la TNT, qui expire le 5 décembre. Elle est d'ailleurs la seule à avoir manifesté son intérêt pour sa fréquence hertzienne, réservée par le CSA à une chaîne payante.
Mais lors d'une audition par les sept sages du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui rendra sa décision cet automne, le patron du groupe Canal+, Maxime Saada, a fait planer la menace d'un départ de la chaîne des ondes hertziennes.
« La TNT est un parfait résumé des avantages historiques de Canal+, qui soit ont disparu, soit sont devenus un carcan et auquel on nous demande de nous accrocher, sans jamais pouvoir solliciter un assouplissement des conditions qui les accompagnent. Or il nous serait tout à fait légitime, rationnel et possible de nous délier des rigidités liées à notre modèle en quittant la TNT », a-t-il prévenu.
« Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour, or nous n'en avons pas et ce depuis trop longtemps, nous avons même subi depuis 15 ans des preuves permanentes de désamour », a-t-il ajouté.
Parmi les demandes très diverses de la chaîne, qui sont surtout adressées à Bercy et au législateur, elle voudrait bénéficier d'un taux de TVA réduit, comme c'était le cas jusqu'en 2011. Elle se plaint aussi de la taxe « prohibitive » sur la copie privée, qui frappe les disques durs équipant ses décodeurs.
Elle réclame également un élargissement des droits d'exploitation des oeuvres qu'elle finance. Et voudrait garder « une place privilégiée » dans la chronologie des médias (règles de passage des films en salles, en DVD, à la télé...), notamment par rapport aux plateformes de streaming.
Enfin Canal+ réclame le renforcement de la lutte contre le piratage, et juge trop longue la durée d'autorisation prévue par le CSA, fixée à 10 ans, alors que l'audiovisuel se transforme à toute allure.
Coup de bluff ?
S'agit-il d'un coup de bluff de la part de Canal+, pour obtenir des concessions, ou d'une vraie menace? Le groupe, en tout cas, a longuement développé les arguments qui pourraient le convaincre d'abandonner la TNT, si les pouvoirs publics ne se montraient pas plus attentifs à ses doléances.
En raison notamment de ses limitations techniques par rapport aux autres modes de diffusion (câble, satellite, ADSL, fibre...), « la TNT n'a cessé de perdre en attractivité et donc en nombre d'abonnés ces dernières années », a souligné le directeur financier du groupe Grégoire Castaing.
« Canal+ ne fait pas exception à ce phénomène avec une baisse régulière et continu de son parc » d'abonnés via la TNT, passé de 2 millions de clients à « à peine 400.000 » aujourd'hui, soit 4% de ses abonnés dans le monde, a-t-il détaillé. La TNT ne représente « même plus 1% de nos recrutements annuels », alors que « dans le même temps les coûts de diffusion restent élevés » et qu'elle va « structurellement coûter de plus en plus cher », dit-il.
Plus largement, Canal+ (filiale de Vivendi) reste déficitaire en France, un marché « difficile » et « ultra-concurrentiel », qui le prive de perspectives de croissance, une situation encore aggravée par le lancement de Téléfoot et la multiplication des plateformes de streaming, a-t-il fait valoir.
Et « rien n'est fait pour nous aider dans cette conjoncture, au contraire nous constatons une intensification, année après année, de la pression fiscale », s'est-il plaint. Avant de conclure que dans ce contexte, « malheureusement on peut considérer que ne pas rester sur la TNT, ce serait répondre rationnellement à la dégradation assumée par les pouvoirs publics de l'édifice sur lequel a été construit Canal+ ».
En attendant l'épilogue de ce feuilleton, le CSA a annoncé mercredi après-midi qu'il allait « désormais engager les discussions » sur « la future convention de Canal+ », un préalable au renouvellement de sa fréquence TNT.