WASHINGTON: Le patron d'Instagram s'apprêtait à subir mercredi un feu nourri de questions de la part des sénateurs américains, alors que l'application de partage de photos est accusée d'avoir sciemment ignoré des documents internes faisant état de risques pour ses plus jeunes utilisateurs.
Adam Mosseri sera sommé de s'expliquer sur le contenu de travaux de recherches réalisés par Facebook, la maison mère d'Instagram, ayant fuité dans la presse américaine par l'intermédiaire de la lanceuse d'alerte et ex-employée de l'entreprise Frances Haugen.
L'une des études, publiée en 2019, révélait qu'Instagram renvoyait une image personnelle négative pour un tiers des jeunes filles de moins de 20 ans.
Une autre, datant de 2020, montrait que 32% des adolescentes estimaient que l'utilisation du réseau social avait aggravé l'image de leur corps lorsqu'elles n'en étaient déjà pas satisfaites.
Facebook s'est défendu face à ces révélations, assurant que les résultats de ses recherches avaient été dénaturés et minimisant leur portée.
Mais pour les parlementaires américains, qui ont déjà entendu plusieurs responsables de réseaux sociaux dans le cadre d'une série d'auditions sur la protection en ligne des enfants, il est urgent d'agir.
"Mes conversations avec des parents m'incitent fortement à me battre pour des réformes et à exiger les réponses que tout le pays attend", a déclaré mardi le sénateur Richard Blumenthal, qui préside la sous-commission sur la protection des consommateurs devant laquelle s'exprimera M. Mosseri.
Mi-novembre, plusieurs Etats américains ont ouvert une enquête pour déterminer si Meta, le nouveau nom de Facebook, avait délibérément laissé les enfants et les adolescents utiliser Instagram en sachant que la plateforme pourrait nuire à leur santé mentale et physique.
Mesures
A la veille de l'audition, Instagram a annoncé une série de mesures censées renforcer la protection des plus jeunes.
L'application va notamment empêcher les utilisateurs de mentionner dans leurs publications des adolescents qui ne sont pas abonnés à leur profil. Elle avait déjà rendu les comptes des mineurs privés par défaut quand ils s'inscrivent.
Le réseau social va aussi proposer, en mars 2022, des outils pour permettre aux parents de voir combien de temps leurs enfants passent sur l'application et instaurer des limites. Ils auront prochainement accès à un centre d'informations avec des tutoriels et des conseils d'experts.
Autre nouveauté, Instagram lance, sur tous les grands marchés anglophones, l'option "Fais une pause", qui suggérera aux utilisateurs d'arrêter pendant un moment de faire défiler des contenus sur l'appli.
M. Mosseri a également annoncé l'apparition, en janvier, d'un nouvel espace au sein de l'application qui permettra aux adolescents de passer en revue toute leur activité sur Instagram, des contenus postés aux commentaires, en passant par les "likes", et éventuellement d'en supprimer une partie, afin de leur permettre de "gérer plus facilement leur empreinte numérique".
Ces annonces ont été accueillies avec méfiance, voire hostilité, par les sénateurs américains.
Marsha Blackburn, cheffe de file des républicains à la sous-commission sénatoriale sur la protection des consommateurs, a ainsi accusé Instagram de chercher à "faire diversion" juste avant l'audition.
Président de la Family Online Safety Institute, association de défense des familles utilisatrices d'internet, Stephen Balkam a lui salué un signe "encourageant". "C'est le dernier d'une longue série d'améliorations qu'a faites Instagram depuis deux ou trois ans."
"Instagram est plus sûr qu'il ne l'était", a-t-il poursuivi, "moins toxique pour les adolescents. Mais il ne sera jamais parfait, jamais complètement sûr. Mais c'est vrai de tous les réseaux sociaux."