RHO: Zero, Energica, Verge: les marques de puissantes motos électriques se multiplient mais leurs ventes restent anecdotiques, en attendant des progrès technologiques et surtout une baisse des prix.
Alors que le marché des scooters électriques explose, il s'est vendu seulement 16 521 motos à batterie entre janvier et septembre en France, Allemagne, Italie, Espagne et au Royaume-Uni, sur un marché de près de 800 000 motos.
Les électriques ont pourtant des fans: à Paris, Jean-Jacques, 37 ans, roule depuis six mois en Zero SR/F, une grosse sportive électrique de 110 chevaux, qui atteint les 100 kilomètres/heure en trois secondes et des poussières.
Avec sa grosse batterie sous le pilote, elle affiche jusqu'à 270 kilomètres d'autonomie, mais seulement 135 en conduite rapide.
"J'avais l'habitude des grosses motos, et avec les vibrations j'avais l'impression qu'elles allaient exploser. Là, ça se manoeuvre comme un vélo. Et à 10 ou 180 kilomètres/heure, c'est la même pêche", témoigne le motard.
"Pour partir en balade, c'est un peu compliqué, mais je ne sors jamais de Paris, et je recharge au travail", explique Jean-Jacques, avant de filer sans un bruit.
La marque californienne est le principal constructeur électrique présent depuis mardi à l'Eicma, le grand salon de la moto de Milan, avec sa gamme de neuf motos, à partir de 16 000 euros (hors subventions). Soit une entrée de gamme au même prix que de nombreuses motos thermiques premium.
A quelques stands de là, la petite marque finlandaise Verge propose pour 25 000 euros sa TS, une moto au design agressif dont les livraisons doivent débuter en 2022.
La startup française Nawa a annoncé de son côté que son premier prototype roulant était prêt, avec sa silhouette vintage et sa technologie futuriste: aidée par des "supercondensateurs", soit des nanotubes de carbone fortement chargés en énergie, la batterie au lithium obtiendrait un surcroît de puissance.
«C'est bluffant»
"En agrément de conduite, en puissance, c'est bluffant", abonde Lyonel Lecoeur, de la marque française (thermique) Mash. "Mais aujourd'hui, ce n'est pas prêt".
"Il faut cocher trois cases: une autonomie proche de celle d'une thermique, entre 150 et 200 kilomètres; un prix proche aussi; et le plus important: un temps de recharge équivalent à celui que je passe à la pompe", détaille le professionnel. "On va lancer des vélos électriques, on met un pied dedans".
"C'est dans la tête, ce n'est pas une question d'autonomie", conteste Marchel Bulthuis, qui importe des sportives Energica aux Pays-Bas depuis 2013. "Les gens ne comprennent pas les électriques avant d'en avoir piloté une. L'essentiel est qu'on puisse les recharger vite: avec une pause de 20 à 30 minutes, on repart rechargé à 80%".
Aucune nostalgie des rugissements du moteur? "Je roule pour m'amuser, pas pour faire du bruit", répond M. Bulthuis. L'entrepreneur vise 200 ventes en 2022.
Les grandes marques moto, qui freinaient des deux mains sur l'électrique, pourraient arriver sur le marché dans les prochaines années.
Harley-Davidson s'est lancée dès 2019 avec sa électrique LiveWire, vendue près de 34.000 euros et affichant 235 kilomètres d'autonomie. La marque de Milwaukee était début novembre à la COP26, où elle a mis quelques engins à la disposition de la police de Glasgow.
Le patron de Kawasaki, Hiroshi Ito, a promis mardi à l'Eicma que le géant japonais présenterait en 2022 "un minimum de trois véhicules électriques".
"J'ai eu l'occasion de piloter un véhicule électrique, et j'ai été très impressionné. Les moteurs à essence sont fantastiques, mais les électriques le sont aussi", a souligné M. Ito.
Ducati, à l'instar de sa maison-mère Volkswagen, a également annoncé fin octobre la transition énergétique de ses puissantes motos rouges: elle fournira les motos de la Coupe du monde de moto électrique (MotoE) entre 2023 et 2026.
La marque ne se fixe toutefois pas de délai pour sortir une version routière. "Ca ne sera, pour sûr, pas avant 2025, mais peut-être avant 2030", avait estimé le PDG de Ducati Claudio Domenicali.