PARIS: Prime d'applaudissements, surnuméraire, coryphée: jamais une fiction avant "L’Opéra", série très attendue, n'a dépeint avec autant de détails l'univers à la fois glamour et codifié de l'Opéra de Paris et sa prestigieuse compagnie de ballet.
Le tournage d'une saison 2 a démarré avant même la diffusion des huit premiers épisodes à partir de mardi sur OCS.
Une étoile "vieillissante" arrivera-t-elle à remonter la pente? La série gravite autour de la danseuse Zoé Monin (Ariane Labed) que l'Opéra veut licencier, du jeune directeur de la danse Sébastien Cheneau (Raphaël Personnaz) qui veut dépoussiérer la compagnie, ou encore de la danseuse noire Flora (Suzy Bemba), surnuméraire (engagée en CDD) qui se bat pour intégrer la compagnie.
Le monde du ballet a souvent été dépeint à l'écran ("Black Swan", "Tiny Pretty Things", "Flesh and Bone" etc.). Mais "L'Opéra", sans éviter quelques clichés, raconte avec réalisme le quotidien des danseurs de l'Opéra et celui des hommes et des femmes de l'ombre (régisseurs, assistants...), le rapport avec les mécènes ou avec le ministère de la Culture.
Des séquences ont été tournées au Palais Garnier à Paris (grand escalier, toit, entrée des artistes, grand foyer), mais l'essentiel l'a été à l'Opéra de Liège (Belgique). Les salles de répétition ont été reconstituées, et le casting mélange anciens danseurs et comédiens qui se sont entraînés et sont doublés durant les scènes de danse.
«Négociations et frustrations»
Au festival Séries Mania – où Ariane Labed a été sacrée meilleure actrice en compétition française –, scénaristes et réalisateurs ont expliqué avoir voulu montrer une série sur des sujets comme la diversité, la souffrance au travail ou le droit à une seconde chance. Au-delà de la danse.
"Ce qui m'a le plus surpris, c'est l'ancrage dans notre société contemporaine de l'Opéra, que j'imaginais un peu bêtement pris dans une réalité appartenant à 1890", a déclaré Raphaël Personnaz.
"Ça m'intéressait évidemment d'avoir du glamour, de la danse et de la beauté, mais aussi de montrer dans ce métier les négociations et les frustrations", explique Benjamin Adam qui a créé la série avec Cécile Ducrocq ("Bureau des Légendes", "Dix pour cent").
En toile de fond, un préavis de grève, les tensions ou complicités entre anciens et nouveaux et les tentatives pour réformer une institution réputée rétive aux changements.
Et surtout, des clins d'œil appuyés au mandat mouvementé de Benjamin Millepied, directeur de la danse qui avait apporté une touche glamour à l'Opéra et tenté de réformer la compagnie avant d'en claquer la porte en 2016, au bout d'un an.
"Ce que je vois aujourd'hui, c'est une troupe sclérosée, des danseurs qui s'entraînent pour un concours de promotion interne avec à peine une place par an, des talents qui n'en peuvent plus de ne pas être nommés (étoile)", affirme le personnage de Sébastien Cheneau.
«Une influence parmi d'autres»
Millepied n'avait pas caché ses critiques à l'égard de la hiérarchie très stricte du Ballet ou du terrifiant concours de promotion en interne qui, selon lui, paralysait les danseurs.
Il avait déploré le manque de diversité, comparé le corps de ballet à du "papier peint" et confié un rôle d'étoile à la danseuse métisse Letizia Galloni alors qu'elle n'était encore que coryphée, un échelon loin de celui d'étoile.
La "réforme du statut des étoiles" dans la série rappelle la volonté de Millepied de mettre en avant les jeunes danseurs. Des étoiles s'étaient alors senties "mises au placard", un peu comme le personnage de Zoé Monin.
Les scénaristes assurent que Millepied a été "une influence parmi d'autres". Ils se sont documentés, en discutant avec des danseurs et autres employés de l'Opéra, et ont eu pour "conseil" Astrid Boitel, ancienne élève à l'École de danse de l'Opéra où elle a aussi été assistante à la direction.
Au point que les créateurs de la série "peuvent maintenant comparer des versions différentes du Lac des Cygnes", plaisante la productrice Florence Levard.